Pierre Novello, auteur d’un guide pratique sur les retraites, assurances et autres placements, nous propose quelques bons tuyaux pour gérer notre argent

«Je suis de plus en plus assuré et de moins en moins rassuré! … » se lamente un personnage de Mix & Remix enseveli sous la paperasse. Joli résumé de notre rapport aux méandres incompréhensibles des assurances, retraites et autres financements …

Ce dessin – avec d’autres du même auteur – illustre le Guide de votre argent, de Pierre Novello. Après le succès de « Comprendre (enfin) les nouveaux instruments financiers » et du « Guide de l’investisseur », le journaliste économique genevois s’est donc penché sur le monde du financement personnel. Au menu: retraites, assurances, logement et placements. Histoire de saisir enfin comment marche un troisième pilier lié, une assurance invalidité ou perte de gain, une obligation. Histoire, finalement, de ne plus vivre avec l’impression de se faire tondre.

Intarissable et passionné, Pierre Novello nous reçoit dans son appartement genevois. Et nous livre quelques précieux conseils.

Quelle est la première étape d’une saine gestion de son argent?

Il faut d’abord savoir ce que l’on veut. Certains aimeraient devenir propriétaires ou faire un grand voyage, d’autres s’assurer une bonne retraite. Il s’agit de projets de vie ambitieux, d’objectifs à moyen ou long terme qui nécessitent une réflexion pour les financer. Si vous tenez à ces rêves, vous vous intéresserez alors aux instruments à votre disposition pour les concrétiser.

La sécurité financière est également un objectif prioritaire: personne ne souhaite se retrouver ruiné. En parallèle aux projets de vie, il s’agit donc de réaliser une étude de risque. Demain, vous vous retrouvez au chômage, vous avez un sérieux accident, votre conjoint décède … Que se passe-t-il?

Quels sont les principaux risques?

Les plus importants sont la maladie grave, l’accident grave, l’invalidité, le décès, le chômage, le divorce et le dommage à autrui. Avant tout, il s’agit donc de considérer les’problèmes financiers qui pourraient survenir, puis de choisir s’il faut s’assurer ou pas.

Et quels risques sont souvent sous-estimés?

D’abord le dommage à autrui, que l’on devrait couvrir par une assurance responsabilité civile (RC) privée. Si vous n’en disposez pas d’une et que votre enfant met le feu à son école, vous pouvez vous retrouver endetté jusqu’à la fin de vos jours!

Beaucoup sous-estiment également la perte de gain en cas de maladie de longue durée. Il faut savoir que pour les employés, bizarrement, la perte de gain est relativement bien couverte en cas d’accident mais mal lorsqu’on tombe malade. Il convient donc de demander à son entreprise si elle a assuré ses employés contre la perte de gain résultant de la maladie, ce qui n’est pas obligatoire. Dans la négative, il existe des assurances perte de gain privées qui garantissent des indemnités journalières. Sinon, on risque de passer des mois sans aucun revenu!

Sur la base de quel critère décider s’il faut s’assurer ou pas?

Le principe fondamental est de s’assurer contre l’ensemble des risques aux conséquences financières graves, ceux qui peuvent vraiment vous mettre sur la paille à vie. Et être capable d’assumer soi-même les risques mineurs. Cela implique que chacun devrait toujours posséder un matelas de liquidités, quelques milliers de francs déblocables immédiatement.

Qu’entendez-vous par «risque mineur»?

Le meilleur exemple est la franchise de l’assurance-maladie. Moins de 10% des Suisses ont une franchise de 1’500 francs. Et parmi les plus de 90% restants, la majorité est rarement malade. Pourquoi ceux-là paient-ils des primes élevées liées à une franchise basse? C’est une erreur! Tous ceux qui sont en bonne santé devraient opter pour la franchise la plus élevée.

Mais une fois encore, cela nécessite un coussin de liquidités s’il fallait débourser 1’500 francs d’un coup. Voilà un risque mineur qu’on devrait accepter de couvrir soi-même.

Conseillez-vous également de changer de caisse pour diminuer le coût de son assurance de base?

Oui, mais pour beaucoup, cette décision ne paraît pas anodine. Ils ne le font pas volontiers, car ils ont un lien de confiance avec leur caisse ou parce que ça peut parfois poser des problèmes avec l’assurance complémentaire. Psychologiquement, le pas à franchir est plus important qu’un simple changement de franchise.

Existe-t-il d’autres trucs pour alléger ses factures d’assurances?

Tous les employés travaillant plus de huit heures par semaine sont automatiquement couverts contre les accidents. Ils ne doivent donc pas payer – pour rien – l’assurance-accidents comprise dans leur assurance-maladie. La supprimer permet de jolies économies.

Les questions relatives aux bonus et malus liés à l’assurance responsabilité civile véhicule automobile sont assez compliquées. En cas de sinistres peu importants, avez-vous intérêt à faire jouer la RC malgré l’augmentation des primes ou à payer de votre poche? Le site Comparis.ch foumit un calculateur vraiment efficace qui vous donnera la réponse.

Vous parliez également du divorce comme une catastrophe économique majeure…

Oui, c’est une cause de baisse de revenus et d’augmentation des charges, de surendettement, voire de maladies… Mais on peut se protéger contre tous les risques majeurs sauf celui-là. Beaucoup – pour le meilleur ou pour le pire – ne se séparent d’ailleurs pas à cause des conséquences financières. J’ai entendu dire qu’en France, une compagnie proposait une assurance contre le divorce. Mais comme 40% des couples se séparent, les primes doivent être salées! (Rires)

Parlons retraite. Quand faut-il s’en inquiéter?

Les assureurs répètent qu’il faut s’assurer le plus tôt possible. Mathématiquement, c’est exact, mais concrètement, ça n’a souvent aucun sens. Avant de penser à ses vieux jours, il faut vivre! A 30 ans, il y a des dépenses, des enfants à élever, des envies de devenir indépendant ou de partir en vacances. On a souvent d’autres priorités qu’économiser et l’on ne peut pas tout faire à la fois. A mon avis, il convient de commencer à s’occuper de sa retraite vers 40-45 ans.

Comment la préparer au mieux?

Pour la retraite, on dit que le premier et le deuxième piliers couvrent environ 60% du dernier salaire. Mais cela n’est valable que si l’on a cotisé toute sa vie. Avant toute démarche, il est donc indispensable de savoir où l’on en est. Vous pouvez demander gratuitement à votre caisse de compensation (AVS-AI) comme à votre employeur (2e pilier) quelles sommes ont été accumulées et une projection des rentes pour votre retraite. En additionnant les deux sources de rentes, vous aurez une idée de vos ressources futures. Si vous vous rendez compte que vous avez 80% de votre salaire assuré, vous n’allez sans doute pas prendre un 3e pilier…

Et si ce n’est pas le cas?

Chaque parcours étant différent, il est impossible de dire qu’un moyen est meilleur qu’un autre. A chacun de comparer les outils pour se préparer une retraite décente. Et de trancher entre le rachat d’années de cotisation au deuxième pilier ou les multiples formes de troisième pilier. Notons que le rachat d’années de cotisation comme le troisième pilier A – ou «lié» – permettent de jolies économies fiscales. Tous deux étant déductibles des impôts jusqu’à un certain plafond.

Même s’il s’agit d’une évidence, rappelons aussi que l’argent ainsi mis de côté n’est plus à votre disposition … Certains s’enthousiasment trop vite pour un troisième pilier sous forme d’assurance-vie, puis se rendent compte qu’ils ne peuvent pas l’alimenter. Or, le rachat peut coûter cher. Trop d’assureurs omettent également de spécifier qu’il y aura un impôt le jour où l’on touche son troisième pilier. Mieux vaut le savoir…

La retraite semble être devenue un grand sujet d’angoisse …

Oui Mais il faut pourtant dédramatiser. Si vous êtes salarié, que vous parvenez à payer vos factures, avez un petit matelas de liquidités, ne croulez pas sous les dettes et êtes convenablement assuré, la retraite sera plus ou moins bonne, mais en tout cas pas catastrophique. A l’opposé, si vous avez juste la tête hors de l’eau et êtes financièrement incapable de faire face à tout imprévu, là, il faut agir.

Assurances, retraites, placements: il semble impossible de connaître tous ces domaines …

L’objectif n’est pas de tout savoir, ni de tout gérer soi-même. C’est d’ailleurs simplement impossible – surtout pour les indépendants! Le but est d’être suffisamment informé pour poser les bonnes questions et ne pas se retrouver
démuni devant un assureur ou un conseiller financier.

Mais comment reconnaître un bon interlocuteur?

Pour bien vous conseiller, l’assureur devrait tout savoir sur vous. Donc, s’il ne vous pose pas de questions, sur votre vie, vos biens ou votre fortune, c’est mal parti.

Si quelqu’un, pour vous vendre une assurance-vie, se lance dans des projections bidon sans même vous avoir demandé si vous avez cotisé toute votre vie, si vous êtes parti à l’étranger ou si vous êtes divorcé, c’est très mauvais signe! … On dit également qu’un bon professionnel doit parler davantage de son client que de ses produits.

Enfin, face aux outils disponibles pour gérer son budget familial, on ne peut que conseiller d’avoir un vrai comportement de consommateur. Comme pour chaque achat important, mieux vaut donc comparer et avoir deux ou trois interlocuteurs.

Comment jugez-vous le niveau de connaissances des Suisses dans ces domaines?

Il augmente continuellement mais reste faible … Je crois d’ailleurs que c’est normal et compréhensible: tous ces sujets sont a priori rebutants et d’une incroyable complexité. Pour preuve, beaucoup de spécialistes de l’AVS sont mal à l’aise avec le deuxième pilier. Et de nombreux experts en actions ne sauront pas gérer efficacement un portefeuille d’obligations …

Honnêtement, au premier abord, la matière m’ennuyait aussi profondément. Mais pour concrétiser ses rêves et ne pas vivre dans le regret ou la peur, il faut avoir un minimum de connaissances sur les outils de financement et les assurances.