DROIT 1/5 Au décès d’un époux, le conjoint survivant sera soumis à la liquidation du régime matrimonial, puis il participera à la répartition de la masse successorale avec les autres héritiers. Extrait du « Guide pratique des successions », soutenu par L’Agefi.

Avant d’établir une stratégie pour planifier sa succession, il faut prendre en compte les différentes étapes dans leur intégralité. Si l’on considère le cas de conjoints, c’est-à-dire de couples mariés, se pose la question du sort du conjoint survivant, et la part à laquelle il aura droit au terme de la succession. Le veuf ou la veuve sera tout d’abord soumis(e) à la liquidation du régime matrimonial, puis participera à celle de la succession elle-même. Il ou elle aura ainsi droit à une part de la masse successorale, avec les autres héritiers, selon leur degré de parenté, sur la base des règles fixées par le Code civil (CC).

Les conjoints disposent d’une certaine liberté pour choisir le régime matrimonial qui leur convient le mieux via un contrat de mariage. Quant au partage de l’héritage, le CC accorde une latitude encadrée pour choisir ses héritiers par le biais d’un testament, d’un pacte successoral ou encore par le choix du contrat de mariage.

Liquidation du régime matrimonial

Le résultat de la liquidation du régime matrimonial va dépendre de celui qui a été choisi, à savoir la participation aux acquêts – qui est le régime par défaut et donc le plus courant – ou la communauté de biens, plutôt rare. Quant à la séparation de biens, elle ne donne lieu à aucune liquidation, car il n’y a rien à partager.

Le principe de la participation aux acquêts est simple : chacun des deux conjoints gère et dispose de ses biens propres, c’est-à-dire ceux qu’il possédait avant le mariage ou qu’il a reçus en héritage ou par donation, et ceux qu’il a acquis – les acquêts – sous ce régime. Lors de la liquidation du régime matrimonial, le conjoint survivant conserve ses biens propres et a droit à la moitié des acquêts du couple, tandis que les biens propres du défunt et l’autre moitié des acquêts vont constituer la masse successorale.

Cas pratique

Pour illustrer notre propos, prenons un couple avec deux enfants, marié sous le régime de la participation aux acquêts. On suppose que le mari décède. Il avait hérité de la maison familiale, d’une valeur nette de 600 000 francs, après déduction de l’hypothèque, constituant ainsi l’ensemble de ses biens propres. Le défunt a également accumulé pour 500 000 francs d’acquêts pendant les années de mariage tandis que sa veuve a engrangé 100 000 francs pendant la même période. Elle possède par ailleurs 150 000 francs en biens propres. On a représenté graphiquement ci-dessous la répartition du patrimoine avant la liquidation du régime matrimonial :

Source : Guide pratique des successions

Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, les acquêts des deux conjoints sont additionnés pour être ensuite répartis à parts égales entre la masse successorale et ce qui revient au conjoint survivant, soit 300 000 francs (= (CHF 500 000 + CHF 100 000) / 2). Cela signifie que la veuve aura une créance à titre de participation aux acquêts de 200 000 francs (= CHF 300 000 – CHF 100 000). Quant aux biens propres du défunt, ils tombent également dans la masse successorale, pour un total de 900 000 francs (= CHF 300 000 + CHF 600 000). De son côté, la veuve conserve ses biens propres, qui s’ajoutent à la moitié des acquêts du couple, soit 450 000 francs (= CHF 600 000 / 2 + CHF 150 000). Le graphique ci-dessous représente ce qui tombe dans la masse successorale et ce qui revient à la veuve :

Source : Guide pratique des successions

Il est important de noter que si l’épouse était décédée la première, son mari survivant aurait été débiteur à l’égard des héritiers de la défunte. Cette dette correspondrait ainsi à la différence entre la moitié des acquêts du couple et de ceux qu’avait accumulés son épouse, soit au total 200 000 francs (= CHF 600 000 / 2 – CHF 100 000).

Répartition de la masse successorale

Pour les couples mariés, la liquidation du régime matrimonial, qui n’intervient que lorsque les conjoints étaient unis en participation aux acquêts ou en communauté de biens, est suivie, en cas de décès, par la répartition de la masse successorale entre tous les héritiers et légataires. Pour être concret, reprenons notre exemple pratique.

La masse successorale est constituée par la moitié des acquêts du couple, soit 300 000 francs et par les biens propres du mari défunt pour 600 000 francs, soit au total 900 000 francs. En l’absence de testament, la veuve peut prétendre à la moitié de la succession et les enfants à l’autre moitié. La veuve et les enfants ont donc droit à la même part légale de 450 000 francs (= CHF 900 000 / 2), comme on le voit dans le graphique ci-dessous. On rappellera que la part légale est celle qui est attribuée aux héritiers que la loi a désignés par défaut en l’absence de testament ou de pacte successoral.

Source : Guide pratique des successions

En tenant compte de la moitié des acquêts tirés de la liquidation du régime matrimonial, qui lui a laissé 300 000 francs, ainsi que de ses 150 000 francs de biens propres, la veuve dispose donc de 900 000 francs (= CHF 450 000 + CHF 450 000) au terme de la liquidation de la succession, comme on le voit graphiquement en ci-dessous :

Source : Guide pratique des successions

Les trois régimes matrimoniaux

Participation aux acquêts

C’est le régime ordinaire : chacun des conjoints gère et dispose de ses biens propres, c’est-à-dire ceux qu’il possédait avant le mariage, et ceux qu’il a acquis – les acquêts – sous ce régime. Lors de sa liquidation, les biens propres restent la propriété exclusive de chaque époux, tandis que les acquêts sont mis en commun pour être répartis de manière égale entre les deux conjoints en cas de divorce, et s’il s’agit d’un décès au sein du couple, entre le conjoint survivant et la masse successorale.

Communauté de biens

Dans ce régime, on distingue, d’une part, les biens propres de chaque conjoint et, d’autre part, les biens communs du couple. Mais les biens propres sont limités à ceux qui sont exclusivement affectés à l’usage personnel, ainsi qu’aux créances en réparation de tort moral. Tous les revenus et tous les autres biens font partie des biens communs, qui sont gérés conjointement. Ils seront donc partagés de manière égale en cas de divorce entre les ex-époux ou, lors du décès au sein du couple, entre le conjoint survivant et la masse successorale. Ce régime restreint la liberté de chacun des deux époux, mais est plus solidaire.

Séparation de biens

Dans ce cadre juridique, chacun a l’administration, la jouissance et la disposition de ses biens dans les limites de la loi. De même, chacun est responsable de ses dettes sur tous ses biens, mais en principe pas de celles de son conjoint. Pour des couples où l’un des époux est exposé sur la totalité de ses avoirs personnels en raison de son activité professionnelle – société individuelle ou en nom collectif –, ce régime constitue une solution idéale en cas de décès, mais évidemment aussi en cas de divorce. En effet, si le chef d’entreprise fait faillite, les créanciers ne peuvent en aucun cas se retourner contre son conjoint.