Pour exploiter efficacement ces deux types d’analyse sur le marché des changes, il est important de les effectuer séparément, par différents spécialistes, afin de pouvoir en comparer les conclusions de manière indépendante.

Croisement des moyennes mobiles

Parmi les instruments de base de l’analyse technique traditionnelle, c’est-à-dire celle qui repose sur l’analyse purement graphique, figurent au premier rang les moyennes mobiles, ainsi que les résistances et soutiens. Pour illustrer ce type d’analyse, Alim Remtulla, stratège en chef pour les opérations de change à la banque EFG, nous a préparé le graphique ci-contre montrant l’évolution du cours du dollar par rapport au franc suisse à partir de début juillet 2022 jusqu’à début janvier 2024.

Pour estimer la tendance à long terme, la banque a ainsi choisi deux moyennes mobiles: la première à 200 jours (ligne grise) et la seconde à 100 jours (ligne rose). On rappellera que la moyenne mobile est une série statistique dont chaque terme résulte de la moyenne arithmétique d’un certain nombre de jours précédents. On observe que la moyenne mobile à court terme traverse la seconde, de haut en bas en janvier 2023. «Ce qui constitue un signal négatif», précise notre interlocuteur, qui s’est avéré, comme on peut le constater, jusqu’à la fin de cette période. Cette baisse ne s’est évidemment pas déroulée sans à-coups. C’est pourquoi il est nécessaire d’évaluer les mouvements à l’intérieur de tendances plus courtes, qui vont infirmer ou confirmer cette tendance à long terme, en s’appuyant sur les résistances et soutiens. Concepts qu’il faut tout d’abord définir.

L’évolution du dollar sous la loupe de l’analyse technique

Trois signaux négatifs s’accumulent contre le dollar, soit le croisement des moyennes mobiles, l’incapacité de sortir par le haut de son couloir de tendance (en rouge), pour ensuite casser sa ligne de soutien.

Source : EFG

Résistances et soutiens

Une résistance est le niveau qu’une valeur ne parvient pas à dépasser pendant une période relativement longue. Le franchissement de cette résistance constitue un signal haussier. À l’inverse, on définit un soutien comme la limite au-dessous de laquelle une valeur ne descend pas pendant une certaine durée. La traversée de ce cours donne un signal baissier. Pour conforter ces signaux, il faudrait qu’ils soient accompagnés d’un volume de transactions élevé.

C’est pourquoi on indique toujours cette information sur le marché des actions. «Mais pour le marché des changes, indique notre interlocuteur, on ne dispose tout simplement pas de ces données.» On doit donc s’en passer.

Si l’on combine une résistance et un soutien, on peut dessiner ce qu’on appelle un couloir horizontal. Par extension, on qualifie de couloir ascendant la zone délimitée par deux droites parallèles – dites respectivement droite de résistance et droite de soutien – orientées à la hausse. De même, on définit le couloir descendant comme la zone comprise entre deux droites orientées à la baisse. L’existence d’un couloir de tendance est d’autant plus intéressante, explique notre spécialiste, qu’elle donne une indication supplémentaire. «La largeur du couloir permet d’estimer l’ampleur du mouvement en cas de franchissement du soutien ou de la résistance.»

Interpréter ces signaux

En examinant le graphique, on constate que deux couloirs de tendance ont été construits. Le premier est ascendant (rouge), de juillet 2023 jusqu’à la fin de la période sous revue. Le second, qui lui est intégré depuis octobre 2023 (vert), s’avère quant à lui descendant. Pour avoir du sens, «la ligne de résistance ou de soutien doit être basée sur au moins trois points», précise notre spécialiste, comme on le voit dans les deux couloirs de tendance. Ces figures permettent d’apprécier les changements de tempo ou de direction de cours de la valeur étudiée. C’est ce que montre le premier couloir de tendance, à l’intérieur duquel «le cours du dollar teste à deux reprises la résistance en septembre 2023 sans parvenir à la franchir, pour finalement casser la ligne de soutien en novembre, donnant un signal d’accélération à la baisse».

Ces deux signaux négatifs viennent ainsi confirmer le croisement de la moyenne mobile longue par la courte en janvier. «Mais c’est une configuration plutôt rare, poursuit notre interlocuteur, qui est celle d’un monde idéal, où trois signaux viennent se conforter mutuellement. Généralement, on a des indications contradictoires. Par ailleurs, on doit confronter ces résultats avec les conclusions issues de l’analyse fondamentale. Or, elles vont souvent dans un sens opposé.»

Analyses indépendantes

Pour illustrer le type de contradictions qui peut émerger entre analyse technique et fondamentale, Alim Remtulla se base sur le second couloir de tendance (barres vertes), qui démarre début octobre 2023. Mais il s’agit cette fois d’un couloir descendant, qui teste à deux reprises sa droite de résistance au début du mois de novembre, pour finalement casser sa ligne de soutien à fin décembre. Ce qui constitue un signal très négatif, même si l’on enregistre un rebond jusqu’à l’ancienne ligne de soutien, devenue ainsi une ligne de résistance.

«Cependant, avertit notre interlocuteur, ce signal est contredit par l’analyse fondamentale, car le dollar paraît sous-évalué en termes macroéconomiques: cette trop forte baisse serait due à la guerre de Gaza, dont les effets devraient se dissiper rapidement.»

D’une manière plus générale, il faut prendre garde au piège du biais de confirmation, dans lequel on peut facilement tomber avec l’analyse technique: «On risque de n’y trouver que ce que l’on y cherche. C’est pourquoi l’analyse technique et l’analyse fondamentale sont assurées par des experts différents, qui travaillent de manière indépendante, afin qu’elles ne s’influencent pas mutuellement. Ce n’est que lorsqu’elles ont été établies que nous les comparons pour déterminer notre politique.»