DROIT 2/5 Pour attribuer une partie de ses biens à son décès dans le cadre de la loi, il est possible d’instituer des héritiers ou faire des legs. Extrait du « Guide pratique des successions », soutenu par « L’Agefi ».

Il est possible de s’écarter de la succession légale en tirant parti de la latitude offerte par la loi d’attribuer une fraction de son patrimoine à son bon vouloir. Ainsi, par le biais d’un testament, il est possible de modifier l’ordre successoral, d’instituer d’autres héritiers ou encore de procéder à un ou plusieurs legs. L’institution d’héritier et le legs sont deux notions qui prêtent souvent à confusion dans le grand public. Il s’agit pourtant de deux concepts complètement différents.

Distinction entre héritier et légataire

Contrairement à l’héritier, dont le droit s’étend à toute la succession, celui du légataire – personne qui bénéficie du legs – est restreint à une chose déterminée. L’objet du legs peut être très varié : ce peut être un bien en propriété, comme un meuble, un immeuble ou de l’argent ; un droit réel limité, tel l’usufruit ou un droit d’habitation ; une créance ou un autre droit ; une prestation, telle que le paiement d’une rente ou la mise à disposition d’un appartement, etc.

Il faut souligner que le légataire ne répond pas des dettes du défunt, contrairement à un héritier. À moins qu’il ne le soit également. Si c’est le cas, le legs est alors appelé préciputaire. Il est possible de refuser l’héritage mais d’accepter le legs ou inversement.

Quand le legs est à éviter

Il important de savoir que ce sont les héritiers qui devront délivrer le legs au légataire. C’est pourquoi l’absence d’au moins un héritier va poser un problème à l’ouverture de la succession.

Pour illustrer notre propos, prenons le cas d’une personne qui n’a ni conjoint, ni descendants, ni famille proche. Elle a prévu un legs à un tiers dans son testament portant sur l’ensemble de son patrimoine. À son décès, il faudra lancer une recherche pour savoir s’il y a des héritiers jusque dans la troisième parentèle. On rappellera que la parentèle désigne la famille du défunt au sens de la consanguinité ou par adoption. On distingue trois niveaux de parentèles : la première parentèle, dite parentèle des descendants ; la deuxième parentèle, appelée parentèle des père et mère, qui englobe les parents du défunt et leurs autres descendants, soit ses frères et sœurs ; la troisième comprend les grands-parents du défunt et leurs descendants qui n’appartiennent pas aux deux premières parentèles. Des parents plus éloignés ne sont pas héritiers légaux.

Si l’on ne trouve aucun héritier ni débiteur, c’est le canton du dernier domicile du défunt qui va en hériter. C’est donc lui qui doit délivrer le legs. Mais si des héritiers sont découverts, ces derniers n’auront aucun avantage à accepter la succession puisqu’ils n’ont droit à aucune part réservataire – part incompressible prévue par la loi pour les descendants et le conjoint survivant – et ne toucheront donc rien au bout du compte. Ils répudieront logiquement la succession, qui partira alors à l’office des faillites. La personne ou l’institution qui sera désignée dans le testament comme légataire devra alors se prévaloir de cette qualité et se porter comme créancière de la succession en faillite. Si elle ne le fait pas, elle perdra son legs !

Quand le choix de l’institution d’héritier s’impose

En l’absence d’héritiers déterminés, il ne reste que la solution de l’institution d’héritier. Pour ses bénéficiaires, cette qualité d’héritier présente l’avantage de conférer un pouvoir de décision dans la succession. C’est particulièrement utile quand il faut gérer la vente d’immeubles, pour en tirer le meilleur parti. Mais il faut évidemment s’assurer que les actifs soient supérieurs aux dettes puisqu’en acceptant la succession, on doit aussi assumer ces dernières.

L’institution d’héritier ou l’attribution d’un legs n’est en principe pas transmise à son bénéficiaire s’il prédécède, c’est-à-dire s’il décède avant le testateur – personne qui rédige un testament. Dans le cas de l’héritier institué prédécédé, ce sont les héritiers légaux les plus proches du testateur qui hériteront de sa part, et non pas les descendants de l’héritier institué. Toutefois, celui qui en avait fait un héritier aurait pu rédiger une clause prévoyant qu’en cas de prédécès, ses descendants en profiteraient.

C’est le même principe pour un légataire prédécédé, c’est-à-dire qui décède avant celui qui avait fait le legs. En effet, le legs devient caduc : celui qui aurait dû l’acquitter, c’est-à-dire la communauté des héritiers, en profite donc. Mais le testateur aurait pu, à l’instar de l’héritier institué, prévoir une clause en faveur des descendants du légataire.

Legs brut ou net ?

Si l’héritier institué ou le bénéficiaire du legs n’est pas apparenté au défunt, il sera en principe soumis dans tous les cantons à l’impôt sur les successions, à l’exception du canton de Schwytz, qui ne connaît pas un tel impôt. Toutefois, le légataire peut y échapper si le testateur indique, lorsqu’il s’agit d’une somme d’argent, que le legs soit entièrement versé. Le legs est dit alors net ou franc d’impôts. L’impôt n’est pas annulé, mais pris en charge par la succession, c’est-à-dire par les héritiers. Attention, selon les cantons, comme c’est le cas à Genève, le legs net peut entraîner des conséquences fiscales catastrophiques selon la législation actuelle.

Même si les légataires ne répondent pas des dettes du défunt, celles-ci peuvent impacter le montant des legs qui seront finalement accordés. En effet, les créanciers ont la priorité sur les droits des légataires. Par ailleurs, les héritiers légaux peuvent faire valoir, le cas échéant, le respect de leur part réservataire, en entreprenant une action dite en réduction.

Comment donner ses biens à une organisation humanitaire ?

Les organisations humanitaires préfèrent les legs pour des montants relativement modestes. Cela leur évite de devoir assumer les dettes de la succession. Le legs est également conseillé lorsque les héritiers de la succession sont des proches, tels le conjoint survivant ou les enfants. Ceux-ci pourront ainsi prendre toutes les décisions nécessaires dans le cadre de la succession sans devoir demander à l’organisation caritative d’y participer. C’est pourquoi il est très rare que des personnes ayant une famille proche instituent comme héritières une ou plusieurs organisations caritatives, préférant ainsi leur faire un legs.

En revanche, une personne qui n’a pas d’héritiers réservataires et qui veut tout laisser à plusieurs organisations de bienfaisance doit les instituer comme héritières, pour les raisons que l’on a développées. Ses bénéficiaires pourront alors gérer au mieux la succession, notamment lorsqu’il y a des biens immobiliers. Quant au risque de succession passive – quand les dettes dépassent les actifs –, c’est le premier point qu’elles vont examiner, en faisant procéder à quelques recherches. Elles peuvent demander un bénéfice d’inventaire, qui consiste en l’état des actifs et des passifs de la succession, y compris d’éventuelles dettes, par un appel public pour trouver les créanciers. Le Comité international de la croix rouge (CICR), par exemple, indique y recourir, mais rarement. Sans doute en raison de son coût élevé, soit quelques milliers de francs.

Sur le plan fiscal, qui est du ressort de chaque canton, les grandes organisations de bienfaisance établies en Suisse sont souvent exonérées d’impôts sur les successions ou donations. Si l’on veut que son argent parvienne intégralement à l’œuvre que l’on s’est choisie, il faut donc se renseigner sur son statut fiscal.