Le départ avant l’heure est favorisé par le législateur depuis la première révision de la loi sur la prévoyance professionnelle. Mais son financement plus facile dépendra surtout de la générosité de la caisse de pension
Au 1er janvier 2011, les personnes qui, à partir de 58 ans, veulent réduire leur taux d’activité professionnelle (avec une diminution de salaire de 50% au maximum) vont pouvoir bénéficier d’une mesure très favorable pour leur prévoyance. Ainsi, ces salariés pourront maintenir leur salaire assuré au même niveau que précédemment. Les travailleurs concernés, comme l’explique Marc Baijot, actuaire, porte-parole d’Hpr et auteur du fameux ouvrage Le 2e pilier sans tabou (2004), «pourront ainsi cotiser les mêmes montants et bénéficier automatiquement des mêmes déductions fiscales que lorsqu’ils étaient employés à plein-temps.»
Il faut toutefois modérer l’enthousiasme des futurs bénéficiaires de ces nouvelles dispositions: la diminution de salaire rendra évidemment plus difficile le financement de ce complément de prévoyance, qui sera d’autant plus élevé que la contribution patronale sera limitée à la cotisation portant sur le salaire effectif. A moins que ce dernier n’en décide autrement.
Ces nouvelles dispositions viendront compléter les mesures déjà existantes pour aider à réduire les trous de financement des retraites anticipées. Car si l’assuré prend la rente AVS par anticipation d’une année, elle sera réduite de 3,4% par an et de 6,8% pour deux ans, et ce, jusqu’à son décès. Tandis que les rentes du 2e pilier seront diminuées sur le même principe.
Pour combler ces lacunes de financement, la première révision de la LPP a prévu que les institutions de prévoyance peuvent autoriser des rachats supplémentaires – et donc déductibles fiscalement. Toute la question est de savoir si votre caisse de pension a introduit cette possibilité dans son règlement de prévoyance. «C’est souvent le cas, explique Marc Baijot, car cette mesure ne coûte rien à la caisse. En revanche, elle pourrait pénaliser celui ou celle qui préparerait longtemps à l’avance sa retraite anticipée par ce biais, mais qui déciderait finalement de prolonger sa vie active jusqu’au terme réglementaire. Le législateur a en effet fixé une limite: les prestations maximales ne peuvent dépasser de 5% celles que l’assuré devrait recevoir s’il n’avait pas financé sa retraite anticipée.»
Pour éviter ce problème, reprend Marc Baijot, «les caisses de pension limitent le rachat de prestations réglementaires à 105%, de manière à ce que si l’employé continue à travailler jusqu’à la retraite, ses cotisations supplémentaires ne soient pas perdues.» En revanche, lorsque la personne décide de manière irrévocable de partir en retraite, elle peut alors racheter tout ou partie de ses années de cotisations nécessaires pour bénéficier de rentes égales à celles qu’elle aurait reçu en travaillant jusqu’à l’âge réglementaire.
Cette possibilité vient malheureusement d’être fortement mise en question pour ceux qui désirent retirer tout ou partie de leur avoir de prévoyance en lieu et place de rentes. Car, comme nous l’indique encore notre interlocuteur, le Tribunal fédéral, dans son arrêt 2C 658/2009, vient de réviser l’interprétation courante selon laquelle les rachats effectués dans les trois années précédant le départ en retraite ne pouvaient donner lieu au retrait du montant ainsi constitué. Le Tribunal fédéral vient donc de décider que cette restriction concernait l’ensemble de l’avoir de libre passage, ne laissant plus que l’option des rentes.
La caisse de pension pourrait également jouer un rôle d’appoint pour compenser le délai qui court jusqu’au moment où s’ouvrira le droit aux rentes AVS. Cette possibilité, qui existait déjà avant la première révision de la LPP, consiste dans le versement d’une rente «pont AVS», qui viendrait compléter le versement des rentes du 2e pilier. Cette offre est ouverte non seulement à ceux qui prennent une retraite anticipée, mais également à ceux dont l’institution de prévoyance prévoit un âge de retraite avancé, par exemple à 62 ans tant pour les hommes que pour les femmes. Ces salariés doivent ainsi attendre trois ans avant de toucher une rente AVS entière et les salariées deux ans. Ils pourraient le demander par anticipation de deux ans, mais avec les conséquences que l’on vient de décrire.
Mais qu’est-ce que cela coûte? «Certains employeurs ou caisses peuvent prendre à leur charge tout ou partie du coût engendré par cette prestation, explique Marc Baijot, mais ceci est relativement rare.» La plupart du temps, cette charge sera donc compensée par une diminution de la rente du 2e pilier versée dès l’âge de la retraite AVS, jusqu’au décès.