DROIT 5/5 Si les héritiers peinent à s’entendre à l’ouverture de la succession, il existe des solutions avant de se retrouver au tribunal. Dernier extrait du « Guide pratique des successions ».

Les successions peuvent constituer un vivier de conflits entre héritiers, surtout si elles ont été mal préparées, comme on l’expliquait dans l’article publié la semaine dernière. Dans cette perspective, le notaire peut jouer un rôle décisif pour aider les héritiers en leur proposant une solution impartiale. Et si cela ne s’avère pas suffisant, il existe encore le recours à la médiation successorale.

Parmi les causes les plus courantes de disputes entre héritiers figurent l’inégalité de traitement, qu’elle soit effective ou ressentie, la violation des réserves héréditaires ou encore la divergence de vues dans la manière de gérer la succession.

Sources principales de conflits

On parle de violation des réserves héréditaires – les parts incompressibles du conjoint survivant et des descendants du défunt dans la succession –, lorsque le testateur a prévu une distribution de ses biens empiétant sur les droits respectifs des héritiers réservataires. Il est important de préciser que la reconstitution de la réserve héréditaire n’est pas automatique : les héritiers lésés doivent en principe agir en justice – qu’on appelle action en réduction – pour faire valoir leurs droits, avec des délais et des frais élevés, sans compter la charge émotionnelle qu’accompagne une telle démarche.

Les héritiers ont souvent tous avantage à trouver un accord à l’amiable pour rétablir de manière rationnelle les droits lésés. Ce qui nécessite toutefois de se mettre autour de la table. L’exercice peut se révéler difficile, voire impossible.

Dispositions légales mais inégales

Le sentiment d’injustice peut résulter de dispositions prises par le testateur qui favorisent l’un ou l’autre des héritiers. Il peut s’agir de la modification des parts dans la succession par testament ou du fait que le défunt a procédé de son vivant à des avancements d’hoirie dispensés du rapport successoral, c’est-à-dire qu’on n’en tiendra pas compte dans la répartition de la masse successorale. Les autres héritiers peuvent ainsi s’estimer lésés par un traitement inégal, même si leur réserve héréditaire est respectée. Cela peut conduire à des situations de blocage puisque le partage d’une succession ne peut en principe intervenir qu’avec l’accord unanime des héritiers.

Même en l’absence d’injustices flagrantes, la succession peut s’avérer très lourde à gérer, tant sur le plan administratif, matériel qu’émotionnel et constitue un terreau de tiraillements. Par exemple, certains héritiers voudraient tout liquider sans se poser de questions, alors que d’autres sont plus respectueux de la mémoire du défunt. Et il suffit qu’une seule personne mette les pieds au mur pour bloquer le processus.

L’impôt différencié qui s’applique selon la proximité familiale ou de mariage avec le défunt et selon le lieu de résidence de l’héritier/ère, peut également accroître les tensions. Car, pour une même succession ouverte en Suisse composée de biens mobiliers ou immobiliers exclusivement situés en Suisse, le frère de la personne défunte domiciliée à l’étranger, si l’on prend ce cas de figure, pourrait être imposé beaucoup plus lourdement que sa sœur résidant en Suisse.

Rôle du notaire

Si le notaire a été désigné comme exécuteur testamentaire par le défunt ou si les héritiers l’ont conjointement mandaté pour régler la succession, celui-ci peut jouer un rôle de premier plan pour préserver la sérénité ou contenir les conflits. Il sera ainsi à même de répondre confidentiellement et de manière impartiale aux questions individuelles de chacun ou de chacune. Il pourra en outre guider les héritiers vers un partage équilibré en tenant compte des aspects administratifs et fiscaux.

Cependant, il devra pour ce faire maîtriser l’ensemble des paramètres pertinents. Il s’agit notamment d’estimer la valeur de la succession et des biens qui la composent, de qualifier les biens sous l’angle du régime matrimonial, c’est-à-dire de différencier les acquêts – biens acquis durant le mariage – des biens propres, et d’identifier les donations qui ont pu intervenir du vivant du défunt. Il faut également comprendre les souhaits des uns et des autres en tenant compte de leur situation respective.

Coopération des héritiers requise

Pour que son intervention soit efficace, le notaire doit pouvoir compter sur la coopération des héritiers, surtout s’il n’est pas exécuteur testamentaire, car elle ne dépend que de leur volonté unanime. Si la réserve de certains héritiers est susceptible d’être lésée, il est préférable de rectifier la situation dans le cadre de la mise au point d’un partage successoral établi avec l’accord de tous les héritiers. Cela permet d’éviter la voie judiciaire avec les coûts, délais et incertitudes qui peuvent en résulter.

En cas de mésentente profonde et persistante, les héritiers disposent d’une dernière solution avant de passer devant les tribunaux pour régler leur litige : la médiation successorale (lire ci-dessous).

Qu’est-ce que la médiation successorale ?

La médiation successorale consiste en un processus collaboratif et volontaire visant à prévenir ou à résoudre les désaccords ou litiges qui peuvent survenir lors de la planification ou de la résolution d’une succession. Elle a l’avantage d’être confidentielle et généralement plus rapide et moins coûteuse que les procédures judiciaires traditionnelles.

Concrètement, il faut que toutes les parties soient volontaires et ouvertes à la discussion et que le médiateur soit qualifié et expérimenté en matière successorale. Après avoir planifié le processus, avec des dates, des horaires et un lieu pour les sessions de médiation, il faut s’assurer que toutes les parties ont accès aux informations et documents nécessaires. Lors d’une réunion commune, le médiateur encourage la communication ouverte et honnête. Il doit faciliter les échanges et aider à clarifier les points de vue, à identifier les intérêts communs et à générer des options de résolutions.

Selon Skyline S.A.M., société de médiation et d’arbitrage dans le domaine des successions établie à Lausanne, la durée d’une médiation dépend de la complexité de l’affaire. Toutefois, comme point de repère, cette société indique qu’un horizon de six mois et demi pour atteindre un accord est un objectif réaliste. Pour autant que toutes les parties s’impliquent pour parvenir à ce résultat.