On a longtemps opposé la gestion active à la gestion passive. Cette dichotomie est dépassée puisque les produits indiciels sont aujourd’hui largement intégrés dans les portefeuilles des gérants actifs.

La montée en puissance des exchange traded funds (ETF) – c’est-à-dire des fonds de placement indiciels échangeables en Bourse –, avec une capitalisation d’environ 2500 milliards de dollars, préfigure-t-elle la fin de la gestion active? On peut se poser la question: alors qu’il est difficile pour les tenants de cette approche de battre leur indice – ils ont le désavantage d’une structure de frais plus élevée –, les ETF paraissent cumuler les atouts en matière de liquidité et de coûts.

«La gestion passive, cela n’existe pas!»

Cette vision est cependant trop simpliste, selon Yves Bonzon, directeur des investissements de Pictet Wealth Management: «La gestion passive, cela n’existe pas! En effet, le simple fait de choisir un indice est une décision active. Cela est d’autant plus important que les indices ne se prêtent pas tous à la gestion indicielle. Par ailleurs, il est parfois difficile de répliquer l’indice: c’est par exemple le cas sur le marché obligataire suisse où les nouvelles émissions sont souscrites dès leur sortie sur le marché primaire par les investisseurs institutionnels. Il n’y a donc pas de titres disponibles pour effectuer la réplication ou alors avec un coût très élevé.» Malgré son profil de gestionnaire actif, Pictet ne renonce pas pour autant à l’usage de produits indiciels, que ce soit des ETF, des fonds de placement indiciels traditionnels ou encore des certificats sur indice. Yves Bonzon poursuit: «Si une stratégie nous paraît intéressante mais qu’elle implique par exemple 50 titres, on ne va pas acheter chacune de ces valeurs pour un client qui y investirait 300 000 francs. En lieu et place, on utilisera un panier de ces titres sous la forme d’un certificat d’actions.»

Exposition à des marchés peu accessibles

La BCV, qui privilégie en général une gestion active, utilise également des produits passifs, comme des ETF et des fonds indiciels, dans le cadre de sa gestion. Il peut s’agir d’obtenir une exposition à des marchés peu accessibles ou de faciliter la gestion de la liquidité dans les portefeuilles très diversifiés. Ainsi, explique le responsable des investissements de la banque, Alexandre Zannoni: «Lors de souscriptions ou remboursements de faible ampleur, ce qui constitue la majorité des cas, il est plus aisé et moins onéreux de passer une seule opération plutôt que d’intervenir sur un nombre important de titres. Il suffit donc de sélectionner un produit indiciel, ETF ou fonds, qui réplique la performance de l’indice de référence du fonds ou d’un indice qui lui est fortement corrélé.»

De son côté, Patrick Bourloud, responsable Wealth Management d’UBS Romandie, indique que les fonds passifs occupent une place importante dans le cadre de la gestion de fortune, en complément des placements actifs: «Ces instruments permettent de se positionner rapidement et à moindre coût sur des régions et/ou sur des thèmes d’investissement particuliers.»

Critères de décision

«Avec son approche à architecture ouverte, UBS compose ses portefeuilles en se focalisant principalement sur la transparence des ETF et des fonds indiciels, sur la méthode de réplication de l’indice, sa précision et le coût», indique encore le responsable du géant bancaire. De même, à la BCV, la qualité de la réplication est fondamentale, a f f irme Alexandre Zannoni: «On investit dans un fonds indiciel ou un ETF pour obtenir une performance aussi proche que possible de celle de l’indice sous-jacent.»

La question des coûts est évidemment centrale, mais elle dépend aussi du profil de l’investisseur. A cet égard, il faut rappeler qu’on ne peut se limiter aux frais de gestion, mais qu’on doit aussi ajouter les coûts de transaction. Or, contrairement aux fonds traditionnels, qui sont traités à leur VNI (valeur nette d’inventaire), les ETF sont échangés sur la base d’un prix offert et d’un prix demandé. Il faut donc prendre en compte cet écart – le spread –, qui alourdira le coût de la transaction, en sus des frais de courtage. Mais l’importance du spread, comme l’indique Alexandre Zannoni, dépend de son horizon temps: «Un investisseur qui utilise un ETF pour prendre une position sur une courte durée devra accorder une importance plus grande au spread que s’il désire garder la position sur le long terme.»

Mode de réplication

Le mode de réplication joue également un rôle important: l’indice peut être répliqué soit de manière physique, soit de manière synthétique. Dans le premier cas, le fonds investit directement – tout ou partie – dans les titres constituant l’indice sous-jacent, alors que dans le second, il procède à un swap, pour échanger le rendement de l’indice à répliquer contre celui d’un portefeuille – qui sert de collatéral – dans lequel la fortune de l’ETF est investie. Il existe donc un risque qui s’ajoute à celui du marché sous-jacent si la contrepartie ne parvient pas à honorer son engagement.

La réplication physique n’est toutefois pas exempte de risques, précise encore Alexandre Zannoni: «Il est fréquent que l’ETF prête une partie de ses titres pour améliorer sa performance, entraînant un risque de contrepartie, que le gérant de l’ETF couvre toutefois en demandant des garanties à l’emprunteur.»