DROIT 4/5 Transparence et justice sont les maîtres mots dans la préparation de sa succession pour susciter l’adhésion des héritiers. Extrait du « Guide pratique des successions », soutenu par L’Agefi.

La pire des situations lorsqu’on décède, c’est de laisser à ses héritiers un champ de mines susceptible de faire éclater l’harmonie familiale, ou d’aggraver les conflits en cas de tensions latentes. C’est pourquoi on doit faire preuve de transparence et de justice. Il faut faire particulièrement attention aux avancements d’hoirie, qu’on peut généralement assimiler à des avances sur héritage lorsqu’on en tient compte lors du partage successoral. De telles donations peuvent être à l’origine de véritables guerres à l’intérieur des familles.

S’il pressent des difficultés à venir entre ses futurs héritiers, le testateur – celui qui rédige un testament – peut désigner un exécuteur testamentaire qui fera respecter ses dernières volontés. Il doit aussi veiller à l’impôt prélevé sur les héritiers et les légataires – personnes qui bénéficient d’un legs –, qui peut se révéler catastrophique en cas de double imposition dans le cadre de successions transfrontalières.

Faire preuve de transparence et de justice

Pour éviter de créer des conflits familiaux, qui peuvent s’éterniser, le testateur devra utiliser avec prudence et réalisme la marge de manœuvre que la loi lui laisse pour planifier sa succession. C’est ainsi qu’une disposition testamentaire parfaitement conforme à la loi, et qui respecterait la réserve légale – part incompressible à la succession dont bénéficient le conjoint et les descendants du défunt – peut s’avérer déséquilibrée, voire injuste. Ou du moins être perçue comme telle par les héritiers.

Discuter ouvertement de sa succession avec ses futurs héritiers permet de tenir compte de leurs souhaits, qui sont parfois présupposés ou mal compris, et de leurs relations, quelquefois idéalisées. Ces échanges serviront à favoriser l’acceptation des dispositions au moment de l’ouverture de la succession. On peut aussi régler par avance sa succession dans un pacte successoral passé avec les héritiers.

Bien gérer ses avancements d’hoirie

L’avancement d’hoirie est un moyen efficace pour appuyer ses descendants aux bons moments dans le démarrage de leur vie, en particulier à une époque où l’espérance de vie s’accroît et que la perspective d’hériter devient de plus en plus lointaine. Il convient toutefois de ne pas se dessaisir de ses biens de manière déraisonnable et faire preuve de réalisme face aux aléas que la vie peut réserver tant au donateur qu’au donataire – celui qui reçoit la donation. Il peut s’agir notamment d’un divorce ou de déboires financiers. Dans tous les cas, il convient de s’assurer que l’on a bien appréhendé les conséquences de la donation, tant sur la succession future du donateur que d’un point de vue fiscal.

Certaines règles précisent la valeur de l’avancement d’hoirie qui sera prise en compte dans la succession, soit la valeur au moment de la donation ou lors du partage de la succession. Cette valeur peut avoir un impact considérable, en particulier lorsque le bien donné est de nature immobilière.

Avancement d’hoirie rapportable ou non ?

Si le contrat de donation, comme un avancement d’hoirie, n’est en principe pas soumis à une exigence de forme pour être valable, il faut se montrer précis afin d’éviter les mauvaises surprises. Par exemple, à moins que le contraire n’ait été expressément prévu, un avancement d’hoirie est supposé rapportable. En d’autres termes, le donataire en sera comptable dans la succession du donateur. Il ne s’agit alors pas d’un véritable « cadeau », mais plutôt d’une avance sur héritage.

Même si l’avancement d’hoirie n’a pas été assorti d’une dispense de rapport, cette obligation peut toutefois être contournée par le donataire s’il répudie la succession, c’est-à-dire s’il la refuse. Ce qui serait logique si la valeur de l’avance dépasse le montant de la part légale de son bénéficiaire, c’est-à-dire la part attribuée par défaut en l’absence de testament ou de pacte successoral. Car cela signifie que la personne qui avait reçu l’avancement d’hoirie sera alors débitrice nette vis-à-vis de la succession. Sans entrer dans un long développement qui sortirait du cadre de cet article, on sait que ce choix peut se faire au détriment d’autres héritiers réservataires, et donc constituer une source de graves conflits.

EMS et prestations complémentaires

Une autre source de problèmes peut provenir d’une fausse bonne idée, consistant à faire une donation de sa maison à ses futurs héritiers juste avant d’entrer en EMS. Il s’agit ainsi de pouvoir bénéficier à plein des prestations complémentaires (PC) pour payer les frais liés à cette institution, tout en ayant mis à l’abri le bien immobilier pour favoriser ses futurs héritiers. Mais ce serait une mauvaise stratégie, car le service des PC tiendrait compte de cette donation dans ses calculs, avec un amortissement de 10 000 francs par année. Les bénéficiaires de la donation pourraient ainsi être sollicités afin de faire l’appoint s’ils en ont les moyens. Ce qui n’est pas forcément le but de l’opération !

Droit fiscal

Dans les cantons romands, à l’exception de Vaud et de Neuchâtel, il n’existe aucun droit de donation lorsqu’il s’agit d’avancement d’hoirie, donc en faveur des descendants. Toutefois, si les biens donnés ou les personnes concernées sont situés hors du canton, cela peut engendrer le prélèvement de taxes. Par ailleurs, même quand la donation n’est pas taxable, elle peut avoir d’autres conséquences fiscales majeures. Ce qui peut être le cas avec la donation d’un bien immobilier, avec une réévaluation massive de la valeur retenue pour l’impôt sur la fortune.

Attention aux successions internationales !

Les principes que l’on vient de rappeler ci-dessus sont valables pour les successions suisso-suisses, c’est-à-dire lorsque le défunt était suisse, qu’il était domicilié dans notre pays et que ses héritiers, de même que les biens de la succession, y sont tous situés. On va ainsi se baser sur les règles matrimoniales et successorales suisses. En revanche, la situation peut sérieusement se compliquer lorsque le défunt était ressortissant d’un pays avec lequel la Suisse a passé une convention prévoyant des règles spéciales pour le droit applicable ou la compétence des autorités. Il en va de même lorsque le défunt possédait un bien immobilier, voire un compte bancaire à l’étranger : les dispositions prises valablement en Suisse ne seront pas toujours reconnues au lieu de situation de ce bien ou n’auront pas forcément les effets escomptés.

Fiscalité

Une succession internationale nécessite également un examen prudent des règles de droit fiscal applicables. En effet, ce type de succession peut être taxable à l’étranger, parfois de manière cumulative avec l’impôt en Suisse. Ce qui peut, avec certaines successions franco-suisses par exemple, engendrer une double taxation et des impôts totaux qui excèdent parfois de manière aberrante la valeur du montant hérité. Il y a heureusement des moyens d’éliminer ces sources de double imposition, comme on l’a vu au 3e épisode de cette série.

Concours d’experts étrangers

Pour planifier sa succession ou faire face à un héritage, il faut dans tous les cas faire appel à un expert local. Il peut s’agir d’un notaire exerçant dans le canton de domicile du testateur, respectivement du défunt, qui maîtrisera le droit successoral et matrimonial suisse, le droit international privé suisse et le droit fiscal cantonal. Cependant, lorsque la succession revêt un caractère international, il est en principe nécessaire de consulter également des spécialistes maîtrisant les règles civiles et fiscales applicables au lieu de situation des biens et des personnes étrangers.