Dans certains cas, la manœuvre peut s’avérer intéressante en termes de rendement, ou plus adaptée à sa situation personnelle selon que l’on veut éventuellement laisser un héritage en cas de décès prématuré
La prise de tout ou partie de son deuxième pilier à la retraite est déconseillée pour les assurés disposant d’un avoir de prévoyance de moins de 500 000 francs. En effet, les futurs retraités doivent absolument couvrir leur risque de longévité, c’est-à-dire s’assurer de recevoir des revenus satisfaisant leurs besoins vitaux de manière régulière et ce jusqu’à la fin de leurs jours. Dans cette perspective, le choix des rentes du deuxième pilier s’impose.
En revanche, la question se pose pour les personnes qui ont accumulé un capital de prévoyance plus conséquent. Pour ceux qui préfèrent la sécurité, les rentes viagères privées offrent la possibilité de diversifier leur prévoyance entre le deuxième pilier et le troisième pilier. Mais le jeu pourrait ne pas en valoir la chandelle. En effet, le taux de conversion de rentes viagères, qui oscille entre 4 et 5%, est nettement inférieur à celui dont bénéficient les rentiers du deuxième pilier dans le cadre de la prévoyance obligatoire, même s’il va descendre à 6,8% en 2014.
L’écart peut cependant se réduire notablement si l’on prend en compte le taux de conversion de l’avoir en prévoyance surobligatoire, car ce dernier peut s’avérer bien moindre que celui qui est appliqué sur la partie obligatoire. C’est notamment le cas auprès des fondations collectives d’assurance, qui appliquent un taux de conversion sur les avoirs surobligatoires qui varie entre 5,5 et 6%.
L’avantage paraît toujours pencher en faveur du deuxième pilier. Mais on ne peut s’arrêter en si bon chemin. Il faut en effet considérer tous les paramètres et comparer ce qui est comparable, au premier chef la fiscalité. Car les rentes viagères en prévoyance libre – comme c’est le cas ici – ne vont être imposées sur le revenu que jusqu’à concurrence de 40% de leur montant, alors que celles qui sont issues du deuxième pilier sont soumises à l’impôt sur leur intégralité. Fiscalement, la portée de ce privilège est toutefois diminuée par l’impôt qui va être prélevé au moment du retrait du capital. Cet impôt dépend du domicile.
Mais on doit aussi tenir compte du taux marginal d’imposition de l’assuré. On rappellera que c’est le taux de la dernière tranche de revenu imposable de chaque contribuable, qui est toujours la plus élevée car l’impôt est progressif. Les économies fiscales dues à une imposition réduite seront d’autant plus importantes que le revenu imposable est élevé.
Prenons un exemple: on suppose qu’un assuré a accumulé 300 000 francs dans sa caisse de pension dans le cadre du régime surobligatoire, avec un taux de conversion de 5,5%. L’impôt sur le retrait s’établit à 10%. Quant à son taux marginal d’imposition, il est de 20%. Sans entrer dans le détail des calculs, il apparaît que la rente du deuxième pilier après impôt sera encore nettement plus élevée que la rente viagère. En revanche, si l’on reprend le même exemple, en changeant uniquement le taux marginal d’imposition pour le faire passer à 40%, la situation s’inverse: la rente viagère dépasse alors légèrement la rente du deuxième pilier.
La comparaison demande toutefois à être nuancée: en effet, «pour un couple, la rente LPP comprend le versement d’une rente de 60% en faveur du conjoint survivant lors du décès de l’assuré», comme le rappelle Albert Gallegos, responsable du conseil patrimonial et prévoyance de la Banque Cantonale de Genève. Ce n’est évidemment pas le cas d’une rente viagère sur une tête sans restitution: «Pour un couple, il aurait donc fallu prendre une rente viagère sur deux têtes sans restitution, avec un taux de rente diminué à 60% pour le deuxième assuré.»
Dans ce cas, il faudrait faire entrer dans le raisonnement l’impôt qui s’appliquerait sur ce transfert. Car, contrairement à la rente du conjoint survivant dans le deuxième pilier, la transmission d’une partie du droit à la rente au deuxième assuré est imposée comme s’il s’agissait d’une succession, sur la base de la valeur capitalisée de la rente. Le type d’impôt prélevé dépendra des législations cantonales, mais va s’avérer particulièrement lourd pour les couples de concubins. En revanche, les couples mariés en sont exonérés dans la plupart des cantons romands.
Si l’objectif est de laisser un héritage en cas de décès prématuré, les rentes viagères avec restitution – c’est-à-dire que le capital accumulé par les primes qui n’aura pas été entièrement consommé par les rentes reviendra aux héritiers de l’assuré – constitue une bonne solution. Mais le taux de conversion sera évidemment moins élevé que pour les rentes viagères sans restitution.
Toutefois, comme l’explique Fabrice Geinoz, responsable marché auprès des Rentes Genevoises, «il faut également tenir compte de l’aspect successoral et des contraintes fiscales qui lui sont liées. Car le bénéficiaire d’une rente viagère avec restitution contractée dans le cadre du troisième pilier libre n’est pas à l’abri de toutes prétentions éventuelles des héritiers réservataires, puisqu’il s’agit dans ce cas d’une assurance vie susceptible de rachat.»
Par ailleurs, il faut considérer les impôts qui vont être appliqués au bénéficiaire. Ainsi, 40% de ce montant sont soumis à un impôt annuel entier, séparé des autres revenus et calculé au cinquième de l’impôt normal. Quant aux 60% restants, ils sont soumis à l’impôt sur les successions, qui va dépendre de la législation cantonale.
Sachant que l’impôt sur le revenu sur le retrait du capital n’est pas très élevé, ajoute Fabrice Geinoz, «on comprend vite que c’est du côté des droits de succession que le problème peut se poser en cas de concubinage. En effet, les concubins n’ayant aucun lien de parenté peuvent être imposés au maximum, soit jusqu’à 54,6% à Genève ou 50% dans le canton de Vaud.»