Lorsqu’on contracte un emprunt hypothécaire, quel qu’il soit, se pose immédiatement la question de savoir comment on va le rembourser. On peut l’amortir directement, en diminuant progressivement la dette hypothécaire, ou indirectement, en versant la somme à amortir sur un compte séparé qui sera utilisé à l’échéance pour rembourser la dette d’un coup.
L’intérêt d’un amortissement indirect tient à ce que les intérêts des dettes sont déductibles du revenu imposable: plus ils sont élevés, plus les déductions sont importantes. Mais ce seul avantage financier n’est pas toujours déterminant. Il faut encore que le débiteur puisse profiter des avantages fiscaux procurés par un produit de 3e pilier lié.
On rappellera que toute personne dégageant un revenu lucratif peut bénéficier de ces avantages fiscaux en ouvrant soit un compte de prévoyance, soit une assurance vie mixte, dont les versements ou primes viendront en déduction de son revenu imposable, tandis que les revenus qui en seront issus échapperont à l’impôt. Bien qu’un impôt soit prélevé sur le montant qui est perçu à l’échéance, au plus tôt cinq ans avant l’âge de la retraite, l’avantage fiscal est diminué, mais reste positif pour le contribuable.
Dans un environnement de taux d’intérêt constants, l’amortissement indirect via un 3e pilier lié paraît incontournable. Mais, comme le soulève William-Henri Sunier, expert-comptable diplômé et membre de la Chambre fiduciaire de Genève, «il faut prendre garde à l’impact de la variation des taux. Or comme aujourd’hui les taux sont particulièrement bas, celui qui amortit de manière indirecte risque de subir de plein fouet la montée ? attendue pour ces prochaines années ? du loyer de l’argent, en raison du maintien du niveau de la dette. C’est donc sur la totalité de l’emprunt que se répercutera la hausse des taux d’intérêt, à plus ou moins long terme selon le type et la durée de l’hypothèque choisie.»
Evidemment, comme le relève Pierre Chauvet, spécialiste des crédits hypothécaires auprès de la Banque Cantonale Vaudoise, «les intérêts dégagés par un compte de prévoyance, par exemple, devraient aussi monter». Mais cela ne résoudrait pas les problèmes de trésorerie du débiteur, puisque ces revenus seraient bloqués jusqu’à cinq ans avant l’âge de sa retraite. «A moins que les fonds accumulés ne soient utilisés pour rembourser tout ou partie d’une dette hypothécaire comme l’y autorise la loi pour une résidence principale», rappelle Henri-Louis Moret, directeur de la succursale UBS Vevey et spécialiste des affaires hypothécaires.
Cette soupape de sécurité va donc permettre, si nécessaire, de réduire la charge hypothécaire à un niveau plus supportable. Dans cette perspective, il serait nettement plus judicieux de choisir la solution bancaire au détriment de l’assurance vie, qui est sensiblement plus contraignante comme le relèvent nos deux banquiers. Il faudrait en effet résilier la police d’assurance à chaque amortissement partiel ? opération coûteuse ? pour en souscrire une nouvelle.
On ne peut malheureusement pas avoir le beurre et l’argent du beurre: une couverture des risques invalidité ou décès peut s’avérer indispensable ou être réclamée par la banque qui accorde le crédit. Dans ce cas, la souscription d’une assurance vie risque pur pourrait constituer le complément nécessaire.
La possibilité d’amortir directement son emprunt hypothécaire tous les cinq ans par le biais d’un 3e pilier, de préférence bancaire, ne doit cependant pas être surestimée. Car, comme le note Pierre Chauvet, «étant donné le rythme généralement très lent de l’amortissement contractuel, la dette se réduira avec le même tempo. A moins que les montants accumulés sur le 3e pilier ne permettent d’effectuer un amortissement supérieur à celui exigé par la banque.»
Cette dernière considération nous amène à nous poser une question qui va au-delà du choix du mode d’amortissement: à quelle vitesse faut-il rembourser son emprunt? Le facteur déterminant est la capacité de financement de l’emprunteur, aujourd’hui et à l’avenir, en particulier pour faire face à une montée des taux d’intérêt, à des changements dans sa situation personnelle tels le chômage, la diminution de son revenu, un divorce, l’invalidité ou encore le décès de son conjoint. C’est uniquement dans cette perspective de gestion patrimoniale globale qu’une décision raisonnable pourra être prise.