Médecin spécialiste des conditions extrêmes, lieutenant-colonel de réserve de l’armée française, pilote, plongeur et parachutiste, Xavier Maniguet est en outre l’auteur de plusieurs ouvrages sur la survie et sur le stress*. M. Maniguet rappelle à l’homme moderne son héritage génétique adapté à un milieu où il devait se battre physiquement, ou fuir. Mais, dans un environnement où l’homme agit de moins en moins souvent physiquement, l’inhibition de l’action aboutit au mauvais stress, avec toutes ses conséquences néfastes sur la santé dont les moindres sont les maux de dos ou les torticolis. Mais, comme l’explique M. Maniguet, qui était l’invité la semaine dernière du Club de Marketing M.C.E.I. de Genève pour délivrer la «clé de l’antistress», on peut se prendre en main pour lutter efficacement contre ce mauvais stress. Mais que se passe-t-il exactement lorsque l’on est soumis à un stress extrême?

–Xavier Maniguet: Dès lors qu’il y a un stress aigu, comme lorsque l’on se trouve face à un requin, toute une chaîne de réactions neurologiques et hormonales se déclenchent afin de nous rendre hyperperformants: les organes sont sélectionnés pour ne conserver que ceux qui sont utiles à la survie. Le cœur doit bien évidemment fonctionner de manière optimale: vous allez donc avoir une augmentation de la fréquence cardiaque, un accroissement du débit sanguin dans le but d’améliorer l’oxygénation des organes vitaux que sont le rein, le foie et cerveau. Au niveau de ce dernier, vous allez avoir une vasodilatation qui fournira une meilleure oxygénation et donc des meilleurs réflexes, toujours dans l’optique de la survie. Au niveau pulmonaire, une broncho-dilatation va permettre de mieux respirer. Tandis que la peau, qui ne sert strictement à rien pour la survie, va subir une vasoconstriction, économisant autant de sang qui ira vers les organes nobles.

– Le corps réagit-il de manière similaire lors des petits stress quotidiens?

– Complètement! Il y a d’ailleurs une vingtaine de réactions que tout le monde peut identifier lors de stress dans un environnement qui n’est pas du tout extrême, tels l’entreprise, la société civile, au bureau, n’importe où: au niveau du cœur, cela donne des palpitations, la pâleur à cause de la vasoconstriction, la bouche sèche par le blocage des glandes salivaires, le mal à l’estomac par l’inhibition de toute la sphère digestive parce qu’inutile à la survie etc. Du fait de cette similarité, je suis d’ailleurs assez partisan d’entraîner les réactions spécifiques du stress de la ville à travers des mises en situation qui peuvent être extrêmes. Par exemple, quand vous sautez à l’élastique du haut d’un pont, vous identifiez la façon dont vous vous comportez face à un stress très aigu. Ainsi, quand vous vous retrouverez devant la porte de votre patron pour lui demander une augmentation, vous n’aurez pas peur, ou moins peur. Au niveau des réactions organiques, votre cœur va connaître une petite pondération, c’est-à-dire qu’au lieu de monter à 200-220 battements comme il le faisait sur le parapet du pont, il ne montera qu’à 150 face à votre patron.

Entraînement physique préconisé
– A part le saut à l’élastique, quels sont les autres moyens que vous préconisez?

– Le saut à l’élastique est évidemment une caricature! Mais je recommande tout ce qui est entraînement physique. Je répugne à utiliser le terme sportif à cause de la contrainte qu’implique ce mot et qui fait peur aux gens. Cela peut être de couper des bûches pour les mettre dans son feu. Ce type d’activités entraîne une partie du syndrome général d’adaptation (SGA) qui inclut toute la sélection entre les organes vitaux et ceux qui ne le sont pas. L’activité physique provoque une vasodilatation, une sécrétion de glucides, d’acides gras, éléments que l’on retrouve dans le stress dans une situation extrême ou non, au bureau, en voiture ou en famille. Par ailleurs, je tiens beaucoup à la gymnastique vasculaire. Car dans toutes les réactions du SGA il y a une gymnastique des vaisseaux: d’un côté, une vasoconstriction de la peau ou du tube digestif par exemple et, de l’autre, une vasodilatation très importante au niveau du cerveau, des reins ou du cœur. Cela implique donc l’intégrité du système vasculaire, une bonne élasticité des vaisseaux et des artères.

– Comment effectuer cette gymnastique vasculaire? En faisant des séances de saunas?

– Oui. Avec les saunas, vous aurez une très forte vasodilatation, parce vous êtes en hyperthermie, sinon vous montez à 100 degrés! A l’opposé, vous pouvez y faire succéder une vasoconstriction très importante en vous baignant dans un lac ou en vous plongeant dans la neige. Ce sont de très bons exercices, mais ils impliquent évidemment que vous ayez un cœur correct. Mais si vous le faites progressivement, il n’y a pas de problèmes.

Gymnastique vasculaire

– Est-ce que le concept de gymnastique vasculaire est largement répandu?

– Non, pas du tout! Cette idée m’est personnelle. J’y ai cependant consacré un chapitre entier dans mon dernier bouquin et je n’ai jamais eu de contradiction de la part de quelque médecin que ce soit. Mais il est clair que les vaisseaux de quelqu’un qui est soumis tout d’un coup à un stress important auront de la peine à s’ouvrir et à se fermer s’ils manquent d’entraînement. Cette mauvaise réponse provoquera alors la congestion des organes par des composants chimiques, comme des acides gras ou des glucide, qui vont y stagner. C’est comme cela que l’on peut comprendre le développement des diabètes, de l’hypercholestérol, etc. Pour moi, les vaisseaux, c’est comme les muscles, ils sont d’autant plus efficients qu’on les entraîne. A relever que si le sujet est fumeur, il a tendance à avoir des artères durcies par la nicotine et réagira donc beaucoup moins bien au stress qu’un non-fumeur.

Vitamine C recommandée
– Vous recommandez également la vitamine C. Pourquoi?

– Tout le monde est d’accord pour reconnaître à la vitamine C, comme à d’autres vitamines, sa capacité à supprimer une partie des radicaux libres, qui sont à l’origine du vieillissement. Henri Laborit, qui nous a malheureusement quittés il y a quelques mois, avait d’ailleurs coutume de prendre une vitamine C tous les matins.

– Vous préconisez des courtes périodes de sommeil pour lutter contre le stress. Mais n’est-ce pas très difficile?

– C’est vrai qu’il faut s’entraîner. Des études ont été faites auprès des navigateurs solitaires: il faut dormir au moins 15 minutes pour que ce sommeil soit réparateur. Il vaut mieux dormir 4 fois une heure que quatre heures. Cela permet de gagner du temps. On peut ainsi réduire sa durée de sommeil d’un cinquième.

– Vous semblez déplorer le manque de connaissances des médecins en matière de stress.

– Complètement! Je suis même tout à fait outré par le manque de formation dans le cadre des études médicales à propos du stress. La plupart des médecins ne sont pas plus au courant de ce qu’est réellement le stress que les journalistes ou les simples citoyens. Le stress dans les facultés de médecine n’est pas enseigné en tant que tel: on en parle, mais comme ça en passant. Or la neuro-immuno-psychologie tend à prouver chaque jour un peu plus que 80% de la pathologie est provoquée ou déclenchée par le stress chronique.

– Quels sont les populations les moins stressées que vous avez rencontrées?

– Je crois que la population la plus équilibrée que j’ai rencontrée, ce sont les coupeurs de têtes, les Dayaks, à Bornéo, qui n’ont jamais eu de contact avec la civilisation. J’y ai passé les meilleures semaines de ma vie. On trouve aussi en Afrique des tribus qui ne sont pas du tout stressées et sont heureuses. Au Nigeria, par exemple, où j’ai passé trois mois en début d’année.

Les énergies du stress par le Dr Xavier Maniguet.
Éditions Robert Laffont, Paris 1994.

«Soigner des angines ne m’intéresse pas!»

Sous des dehors de Français moyen, en nettement plus bronzé et plus sportif, Xavier Maniguet impressionne par son extraordinaire polyvalence. Toutefois, reconnaît cet homme d’action, «je n’exerce la médecine que lorsque cela me permet d’aller au bout du monde, de faire de nouvelles expériences et de rencontrer des gens que je ne connais pas. Mais soigner des angines, cela ne m’intéresse pas.»
Pour Xavier Maniguet, le remède au stress passe par l’action qui repose elle-même sur une trilogie: «la polyvalence, l’adaptabilité, qui est d’autant plus forte que vous êtes polyvalent et l’agressivité, au moins défensive. Je souhaite que les gens soient plus réactifs». Et là, M. Maniguet en perd presque son calme, en avouant que sa seule source de stress c’est l’administration française, ce «monument d’immobilisme et d’irresponsabilité et de je-m’en-foutisme, aux impôts, à l’administration, à la SNCF ou à la poste».