Les médecins accèdent souvent à la propriété. La gestion financière de telles acquisitions s’inscrit dans une optimisation de la prévoyance, de la réunion des fonds propres jusqu’à la politique d’amortissement.

Pour financer l’acquisition d’un bien immobilier, un jeune médecin serait sans doute tenté de retirer une partie de son 2e pilier, pour autant bien entendu qu’il soit capable de réunir 1 0 % de fonds propres qui proviennent d’une autre source. Toutefois, cette solution n’est guère judicieuse, comme l’affirme Albert Gallegos, responsable du département Conseil patrimonial et prévoyance de la BCGE : « Cette stratégie va en effet empêcher les rachats, car il faudra d’abord rembourser les montants sortis de la caisse de pension. Il faudrait donc plutôt essayer de trouver de l’argent ailleurs, par exemple en ayant constitué un compte de prévoyance en 3e pilier lié, qui pourra être retiré pour financer cette acquisition sans blocage.»

Mise en gage à privilégier

Pour sa part, Roland Bron, responsable de VZ Vermögenszentrum, conseille à ses clients médecins d’éviter la sortie de fonds du 2e pilier, en préférant la mise en gage : «Le retrait risque de créer un trou dans la prévoyance, contraire- ment au nantissement qui permet également d’éviter l’empêchement des rachats. Toutefois, si la situation financière du débiteur s’avère trop juste, la banque peut refuser cette solution car la dette hypothécaire serait jugée trop élevée en regard de ses revenus.» De son côté, Antoine Faure, responsable de la société de conseils financiers Univie à Carouge (GE), se montre sceptique sur la capacité de jeunes praticiens encore salariés à réunir les fonds propres pour l’accession à la propriété via un produit de 3e pilier lié, rappelant que la cotisation maximale par année ne dépasse pas la somme de 6’768 francs : «Étant donné le niveau des prix sur le marché immobilier, on ne va pas très loin ! En revanche, un médecin indépendant non affilié à une caisse de pension pourrait effectivement accumuler rapidement des fonds propres suffisants en quelques années, puisque la cotisation maximale monte à 33’840 francs par an, sans les contraintes imposées au 2e pilier.»

Les atouts du 3e pilier lié

Dans cette perspective, l’affiliation à une caisse de pension pourrait être retardée, le temps de se constituer ses fonds propres via un compte de prévoyance dans le cadre du 3e pilier lié. La souscription à une assurance vie mixte n’aurait en effet guère de sens sur une période trop courte pour compenser les frais prélevés en début de contrat. On précisera qu’à l’image de la prévoyance professionnelle, le 3e pilier lié peut être retiré ou mis en gage. Le 3e pilier lié est aussi justifié pour commencer à amortir son bien immobilier, de manière indirecte. On rappellera que dans ce cas, le débiteur ne rembourse que le service de la dette, tandis qu’il verse un montant correspondant à l’amortissement sur un compte séparé : un compte de prévoyance ou une assurance vie du 3e pilier lié. Pourquoi utiliser cette méthode ? L’amortissement indirect est intéressant pour des raisons fiscales puisque les intérêts restent inchangés jusqu’au remboursement. Mais, surtout avec le niveau des taux d’intérêt actuels, l’essentiel des économies qui peuvent être engrangées provient des déductions fiscales autorisées dans le cadre du 3e pilier lié.

Rythme d’amortissement

Une autre question qui se pose est de savoir à quel rythme amortir. On sait que la valeur locative, revenu fictif qui s’ajoute au revenu imposable, constitue un des arguments traditionnels pour maintenir un endettement relativement élevé à l’âge de la retraite. L’idée étant de pouvoir continuer à déduire de son revenu imposable les intérêts hypothécaires, et de réduire par là ses impôts. Ce dernier élément joue évidemment un rôle moindre actuellement étant donné le bas niveau des taux d’intérêt. Par ailleurs, estime Roland Bron, c’est une question à replacer dans un contexte individuel : «Il faut souvent rembourser une partie de la dette pour qu’elle soit adaptée au revenu à la retraite. Ce qui permet également de pouvoir négocier dans de bonnes conditions avec la banque. D’un autre côté, il ne faut pas trop amortir afin de laisser suffisamment de fortune disponible pour être capable de combler les lacunes de prévoyance après la retraite. D’autant plus que les rentes individuelles ont diminués au cours de ces dernières années ».

Augmenter son hypothèque

On peut même aller plus loin, comme l’explique Olivier Reymond, conseiller en prévoyance auprès de la Banque Cantonale Vaudoise (BCV), en augmentant la dette hypothécaire pour procéder à des rachats dans sa caisse de pension : «Par exemple, supposons qu’un client possède une maison qui vaut un million de francs avec un prêt hypothécaire de 500’000 francs qui arrive à échéance. On constate alors qu’il a la possibilité de procéder à des rachats dans sa caisse de pension pour un montant de 100’000 francs. On va donc lui proposer de renouveler son hypothèque non pas à 500’000 francs, mais à 600’000 francs. Ces 100’000 francs supplémentaires seront donc virés dans la caisse de pension, en deux fois 50’000 francs, pour optimiser les déductions fiscales. Cette opération permet d’améliorer ses rentes à la retraite tout en réalisant une économie fiscale pouvant se monter jusqu’à 45 % du montant du rachat pour les hauts revenus dans le canton de Vaud.