Tous les classements de fonds de placement publiés dans la presse sont basés sur la performance, en général sur différentes périodes, comme c’est le cas avec le tableau qui figure au-dessus de cet article. On y trouvera aussi la volatilité mesurée par l’écart-type qui mesure le risque du portefeuille. Ce qui permet de calculer le ratio de Sharpe, s’il n’est pas indiqué, qui donne une mesure de la qualité de la performance ajustée au risque. Le volume du fonds, c’est-à-dire ses actifs, est souvent également présent.
Si l’on suppose que l’on a déterminé une allocation de portefeuille correspondant à son profil de risque, ces informations suffisent-elles pour opérer un choix rationnel? En d’autres termes, peut-on ainsi réellement sélectionner les meilleurs fonds ajustés au risque pour constituer les différents éléments de son portefeuille?
Peu de stabilité des résultats
Malheureusement, ces informations historiques quantitatives sont en fait d’une utilité très relative, comme l’explique Cyrille Urfer, responsable de la sélection des fonds de placement auprès de LODH: «La performance passée est souvent un très mauvais guide de la performance à venir. Car, dans le domaine des fonds classiques, vous avez assez peu de récurrence dans les résultats d’une période à l’autre, surtout sur les horizons généralement utilisés, c’est-à-dire trois ans, voire cinq ans.»
Retour vers la moyenne
Pour évaluer la capacité à reproduire ces résultats, il faudrait pouvoir identifier quels sont les facteurs qui en ont été à l’origine. Sinon, on reste dans un brouillard total. D’autant plus, reprend Cyrille Urfer, qu’«il faut prendre en compte la question de la stabilité des équipes de gestion et de celle des organisations dans laquelle elles opèrent. Car il peut se produire des changements majeurs dans les équipes de gestion, dans le processus d’investissement et dans la nature même des produits. Comme cela a très souvent été le cas dans le domaine de la gestion des actions de croissance, après l’éclatement de la bulle spéculative en 2000. On ne peut donc plus utiliser le track record passé comme une bonne indication de ce qui a été fait.»
Paradoxalement, poursuit notre interlocuteur, «étant donné qu’il n’y a pas de récurrence dans les résultats passés, on devrait plutôt choisir des produits figurant dans le 2e ou 3e quartile, car ces derniers ont une probabilité plus élevée d’entrer dans le 1er quartile que ceux qui y figurent actuellement. Vous devez en fait partir du principe que vous avez un phénomène de retour vers la moyenne, c’est-à-dire que celui qui est en tête à un moment donné ou à un autre a une plus grande probabilité de ne pas l’être à l’avenir.»
Fiabilité des classements
Dans le même esprit, José Galeano, CIO de 3A, la division de gestion alternative de la banque Syz & CO, confirme que «statistiquement, un fonds dans le 1er quartile devrait effectivement revenir vers la moyenne. Il y a cependant des exceptions car la distribution des performances n’est pas symétrique. Pour les identifier, il faut se livrer à une analyse plus approfondie sur les raisons de la performance afin d’évaluer s’il y a des chances qu’elle se maintienne.»
A ce problème de base s’en ajoute un autre: la qualité des classements eux-mêmes. C’est ainsi que les spécialistes sont très critiques, en raison de leurs approximations et erreurs. Au point de refaire eux-mêmes leurs propres classifications, comme c’est notamment le cas chez LODH. Car, comme l’explique Cyrille Urfer, «la classification peut s’organiser autour de deux grands axes distincts: d’une part la taille, c’est-à-dire la capitalisation boursière (grande, moyenne ou petite); d’autre part, le style, soit valeur ou croissance. Ce dernier point est d’autant plus important qu’une bonne partie de la performance lui est attribuable.»
Si le fonds est mal classé, l’interprétation sera complètement faussée: un brillant résultat par rapport à la moyenne de sa catégorie – autrement dit son benchmark – pourra être dû à une prise de risque beaucoup plus importante que ne l’indiquerait l’appartenance à une catégorie donnée.
Risque de marché
Pour l’investisseur individuel, le recours à de tels classements est-il complètement absurde? Pas tout à fait, si l’on en croit Akimou Ossé, ingénieur financier auprès de la Banque Syz & Co, «car cela permet à celui qui n’a pas le temps ou les ressources pour mener une étude approfondie de se faire une certaine idée des résultats obtenus par les fonds et dans les différents styles.»
D’autant plus, ajoute José Galeano, «si l’on investit sur un fonds en actions sur le marché suisse, on sera fondamentalement exposé au risque du marché suisse, car plus de 90% du résultat du fonds s’explique par l’évolution de l’indice. A partir de cette option de base, l’investisseur peut affiner son choix, selon qu’il veut une gestion très indexée ou non. Mais il ne s’agit là que d’une partie marginale du risque que l’on peut prendre, en plus ou en moins.»
En fait, peut-on ajouter, étant donné l’incapacité de l’investisseur individuel à juger de la qualité de cette prise de risque additionnelle, il serait logique de se cantonner à des produits indexés, tels que fonds indiciels ou ETF. Il restera alors à résoudre la question fondamentale de savoir sur quels marchés investir. Mais c’est là un autre problème…
Performance ajustée au volume
On sait que le volume joue un rôle sur la performance nette. En effet, il faut que la fortune du fonds soit suffisamment grande pour que les frais prélevés par la direction du fonds soient répartis sur de nombreux investisseurs. Un fonds trop petit entraînera des coûts par part élevés.
A l’inverse, un fonds qui gère une taille d’actifs trop importante va perdre de sa flexibilité et donc de son efficacité.
Mais on néglige souvent un autre aspect lié à l’évolution de la taille des encours.
Comme l’explique Yves Bonzon, directeur des investissements auprès de Pictet & Cie, «il arrive souvent qu’une belle performance sur cinq ans ne donne qu’un résultat insignifiant en unités monétaires.
Ce paradoxe n’est qu’apparent: c’est simplement parce qu’au cours des trois premières années, par exemple, la taille du fonds est très modeste. Puis, comme par hasard, la performance s’aligne sur celle de l’indice, parallèlement à la croissance du fonds au cours des deux dernières années.»