Le marché des actions est essentiellement dépendant des bénéfices des entreprises et des taux d’intérêt. Des bénéfices en augmentation et des taux orientés à la baisse font monter le marché. Inversement, des bénéfices en baisse et des taux à la hausse le font chuter.
À l’instar de l’évaluation d’une action particulière, la base de calcul pour mesurer l’état d’un marché dans son ensemble est le multiple, c’est-à-dire le ratio cours/bénéfices. Dans ce cas, on prend l’indice du marché, par exemple, pour le marché américain, l’indice S&P 500, qu’on divise par les bénéfices estimés. Cela donne un multiple pour l’ensemble du marché.
Le P/E ratio de Shiller
On peut comparer une telle mesure aux multiples historiques, pour voir si le rendement du marché s’inscrit dans son évolution à long terme. Mais pour plus d’efficacité, on recourt à l’indice corrigé établi par Robert Shiller, prix Nobel d’Economie 2013. Cet indice prend en compte non pas le dernier bénéfice, mais la moyenne des dix derniers, ajustés de l’inflation. Ce ratio est actuellement très élevé, pour atteindre 24, dépassé uniquement par le niveau atteint en 1929 et en 2000, juste avant le krach des valeurs Internet… Ce multiple s’établit ainsi largement au-dessus de sa moyenne historique, qui est d’environ 16 fois.
Le marché apparaît donc très cher. Mais on ne peut se contenter de cette donnée. Il faut aussi la comparer avec les rendements offerts sur le marché obligataire, qui sont actuellement à leur plus bas historique. Car les rendements des actions et des obligations évoluent toujours plus ou moins en parallèle, avec une prime pour les actions qui incorporent un risque plus élevé. Dans cette perspective, le marché des actions n’apparaît plus si surévalué.
Si la clé d’estimation d’un marché des actions passe par ces deux variables simples que sont les bénéfices et les taux d’intérêt, ces dernières sont elles-mêmes extrêmement difficiles à prévoir.
Les bénéfices des entreprises
Les bénéfices de l’ensemble de l’économie dépendent ainsi d’une foule de facteurs liés à la conjoncture, aux pressions salariales, à l’évolution des cours des matières premières et… aux taux d’intérêt. Les prévisions sont donc très hasardeuses.
Elles le sont d’autant plus qu’à chaque trimestre, lors de l’annonce des bénéfices, l’action baisse si les anticipations ont été trop optimistes. À l’inverse, elle s’apprécie si ces prévisions ont été trop pessimistes. Le titre peut également reculer à l’annonce de bons résultats attendus. Ce phénomène du fait accompli est moins paradoxal qu’il n’y paraît : le titre monte parce qu’une bonne nouvelle est anticipée ; lorsqu’elle se vérifie, il n’y a plus rien à attendre (dans le court terme). Un certain nombre de détenteurs du titre le vendent alors pour prendre leur bénéfice.
Les taux d’intérêt à long terme
Les taux d’intérêt à long terme reflètent notamment le sentiment des opérateurs quant à l’inflation à venir. Plus la croissance est forte, plus grande est la crainte de reprise de la hausse des prix. Une peur qui se traduit par la montée des taux d’intérêt à long terme. A l’inverse, l’entrée en récession et la montée du chômage laissent augurer d’une accalmie sur le front des prix, faisant baisser les taux à long terme.
Les questions soulevées par l’évaluation d’un marché
Multiple : Quelle est la valeur du marché selon le rapport cours/bénéfices estimés ? Quel est-il selon le P/E ratio de Shiller ? Comment s’inscrit-il par rapport à la moyenne historique ?
Taux d’intérêt : Quel est le niveau des rendements obligataires à long terme ? Comment vont-ils varier au cours des prochains mois ?
Inflation : Comment les prix se comportent-ils ? A quelle politique monétaire faut-il s’attendre de la part de la Banque centrale ? A quel niveau s’établissent les taux d’intérêt à court terme ?
Bénéfices des entreprises : Comment vont-ils évoluer ? Quel est le niveau d’endettement des sociétés privées ? Quelle est la qualité des prévisions des analystes ?
Cycle conjoncturel : Sommes-nous en phase de boom économique ou plutôt de marasme ? Quel est le taux de chômage et comment va-t-il fluctuer au cours des prochains mois ? Quel est le niveau des stocks des entreprises et de leurs investissements ?