Les placements prenant en compte la durabilité ont aujourd’hui le vent en poupe, mais il faut faire preuve de prudence et de sagacité pour choisir un produit adapté à son profil d’investisseur et qui tient vraiment ses promesses.

Qu’est-ce qu’un investissement durable?

Depuis quelques années, les produits financiers prétendument verts ont connu une hausse vertigineuse. Au point qu’en Suisse, plus de la moitié des fonds se disent ESG, c’est-à-dire respectant des critères environnementaux, de gouvernance et sociaux, comme l’indique Angela de Wolff, associée fondatrice de la société Conser à Genève, qui vérifie la durabilité des produits et/ou mandats de gestion en Suisse et à l’international.

Mais avant d’examiner la verdeur plus ou moins marquée de ces fonds, il faut tout d’abord distinguer l’approche adoptée par ces acteurs financiers. Notre interlocutrice les range en cinq grandes catégories, selon leur impact croissant: «L’exclusion de sociétés ne respectant pas les critères ESG; le choix de sociétés qui intègrent ces critères dans leur gestion; le best-in-class, qui consiste à sélectionner l’entreprise qui respecte le mieux les critères ESG dans son secteur d’activité; l’engagement actionnarial, c’est-à-dire l’influence exercée sur le management pour prendre en compte les critères ESG; l’investissement d’impact, qui vise à produire un effet social et environnemental positif, comme c’est le cas de l’agriculture durable ou des énergies renouvelables.»

Évolution des approches d’investissement durable en Suisse

Selon la classification de Swiss Sustainable Finance, qui compte neuf catégories, l’approche la plus appliquée en termes de volumes d’investissement durable est l’exclusion.

Source : Swiss Sustainable Finance (SSF)

Comment choisir son fonds durable?

Si l’on est convaincu par l’approche durable, non seulement sur le plan philosophique, mais aussi pour pérenniser ses investissements sur le long terme, il faut tout d’abord déterminer son profil d’investisseur, affirme notre spécialiste, en répondant à ce type de questions: «Est-ce que j’attends de mon investissement qu’il soit cohérent avec mes valeurs en excluant les titres qui me déplaisent? Est-ce que je veux qu’il soit net zéro carbone, ou est-ce que j’accepte d’avoir des investissements dans des entreprises responsables de l’émission de CO2, mais qui sont en train d’opérer une transition vers des énergies propres?»

L’investisseur peut ensuite commencer sa recherche de produits qui lui correspondent. Il n’existe malheureusement pas de standard en matière de classification de durabilité, ce qui facilite l’écoblanchiment. On pourra toutefois recourir avec profit à la base de données de Swiss Fund Data (www.swissfunddata.ch), qui est détenue conjointement par l’AMAS (Asset Management Association Switzerland) et la Bourse suisse (SIX Swiss Exchange). Ce site, en libre accès, qui intègre tous les produits de gestion collective autorisés à la vente en Suisse, a repris la méthodologie de Morningstar pour classer les fonds durables selon trois critères de durabilité.

Grille d’évaluation simple

On peut ainsi facilement sélectionner des candidats sérieux pour les faire entrer dans son portefeuille. Mais il faudra procéder à un examen personnalisé pour séparer le bon grain de l’ivraie. Ainsi, recommande notre spécialiste, pour les fonds domiciliés dans l’Union européenne, on commencera par se renseigner pour savoir s’ils répondent à l’article 8, pour les fonds vert clair, ou 9, pour les fonds vert foncé, de la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Mais ce n’est qu’une toute première étape.

Il faut également prendre en compte la crédibilité du prestataire ou de la société de gestion, avant de se plonger dans la documentation disponible pour chaque fonds, que l’on trouve notamment sur www.swissfunddata.ch ou sur le site de la société de gestion, à commencer par son prospectus: «Parmi les autres principaux points à passer au crible, on citera la stratégie et la politique d’investissement durable et le type d’approche retenu, la manière dont elle est appliquée et les ressources qui lui sont consacrées. Par exemple, il faut examiner la sélectivité des critères d’exclusion ou des approches best-in-class. Autre point essentiel à analyser: les dix positions les plus importantes du fonds, qui permettent d’avoir une idée de la cohérence de la gestion par rapport à la politique de durabilité affichée.»

Performance et volatilité

L’investisseur qui privilégie les placements durables sacrifie-t-il une partie de son rendement à court terme, comme on l’a observé dans le secteur des énergies renouvelables, et notamment de l’énergie éolienne et solaire, qui a connu une forte chute de cours depuis le début de l’année? Et de manière plus générale, doit-on considérer qu’il faille faire preuve d’une grande patience avant de toucher les fruits éventuels de ses investissements durables?

Face à ces interrogations, Angela de Wolff fait part de son désaccord. «Si vous prenez des fonds thématiques, quels qu’ils soient, ils seront toujours plus volatils que l’ensemble du marché, car ils concentrent le risque. Ce n’est donc pas une caractéristique propre aux investissements durables. Ils pourront ainsi connaître temporairement une période de sous-performance par rapport aux fonds diversifiés.

En revanche, pour des mandats balancés durables, même avec beaucoup d’exclusions, on constate empiriquement que leur performance s’avère proche de celle des standards traditionnels. Par ailleurs, il faut considérer le caractère hétérogène des approches, avec des niveaux d’exigence très différents. C’est pourquoi l’attribution d’une sous-performance à la durabilité me paraît vraiment erronée!»