La facilité d’accès à l’information n’est pas un gage de réussite dans l’allocation optimale de son portefeuille, d’autant qu’elle n’est que partielle et requiert des connaissances souvent pointues. Pour s’aider dans cette tâche, on peut s’inspirer de la démarche suivie par les professionnels

La facilité d’accès à l’information n’est pas un gage de réussite dans l’allocation optimale de son portefeuille, d’autant qu’elle n’est que partielle et requiert des connaissances souvent pointues. Pour s’aider dans cette tâche, on peut s’inspirer de la démarche suivie par les professionnels.

«Malgré l’énorme évolution de l’information mise à la disposition des investisseurs, il est impressionnant de constater que ceux-ci sont encore ancrés sur la performance, et qui plus est la performance récente, juge Haroldo Jimenez, responsable des études financières et sélectionneur de fonds auprès de la Banque Cantonale de Genève (BCGE). C’est même parfois le cas de la part de professionnels. C’est ainsi que chacun est tenté de faire ses choix sur de simples classements. Si les informations données par les fournisseurs sont utiles, il faut une clé pour savoir dans quoi investir. Sans compter que les chiffres en eux-mêmes sont insuffisants: il faut compléter cette analyse par une recherche qualitative, c’est-à-dire en allant visiter le fonds ou en interrogeant le gérant sur sa stratégie.»

Ce constat est quelque peu décourageant pour l’investisseur – individuel, même prêt à aller au-delà de la simple performance, puisqu’il n’a pas la possibilité d’obtenir ce genre d’informations, dites qualitatives. Il ne pourrait d’ailleurs pas les exploiter convenablement, à moins d’avoir lui-même une formation financière très poussée. Il n’aura en outre accès qu’à une fraction des données émises par les grands fournisseurs d’informations financières, comme Lipper ou Morningstar, comme on l’a dit précédemment. Cela dit, une connaissance même limitée peut faire la différence. Par exemple, pourquoi acheter des fonds aux frais élevés, qui pèsent sur la performance, alors qu’il est si facile de les comparer? Mais il peut aussi être judicieux de s’inspirer de la démarche des professionnels pour se constituer un portefeuille de fonds de placement et mieux s’orienter sur ce marché.

La démarche professionnelle

La toute première étape dans la constitution d’un portefeuille pour un investisseur individuel «sera d’identifier son horizon d’investissement et sa capacité à perdre de l’argent», rappelle Laurent Auchlin, responsable du nouveau service de recherche de gérants auprès de Credit Suisse pour la clientèle extrêmement aisée.  Ce qui déterminera la composition globale de son portefeuille, soit fondamentalement la répartition entre actions et obligations, que ce soit directement, ou plus généralement sous forme de fonds de placement.

Une fois déterminées les grandes classes d’actifs de son portefeuille, il faudra passer à l’étape de l’allocation d’actifs proprement dite. Les choix seront d’autant plus importants que la performance du portefeuille va dépendre essentiellement de l’évolution des marchés sur lesquels les véhicules de placement vont être investis.

L’investisseur individuel aura souvent de la peine à résister aux sirènes du dernier thème à la mode, en s’accrochant à la performance historique la plus récente. Le mouvement se poursuivra-t-il? Peut-être, mais pendant combien de temps et à quel moment un autre secteur du marché prendra-t-il la relève? C’est d’autant plus important d’avoir les réponses à ces questions que les performances des fonds classiques – dits long only – reposent essentiellement sur les mouvements du marché sur lequel le véhicule de placement est investi, tant à la hausse qu’à la baisse. Ainsi, ce sont les grandes tendances économiques qui vont déterminer les performances de chaque secteur et de chaque type de produits sous-jacents.

Dans cette perspective, la performance historique ne constitue donc pas un indicateur fiable pris isolément, car il manque de consistance, pour reprendre la terminologie utilisée par les professionnels. En d’autres termes, comme le résume bien Michaël Malquarti, responsable de la recherche gérant chez Syz Asset Management: «On peut parfois prendre les résultats du passé pour déterminer l’évolution future du fonds, mais il faut comprendre les vecteurs de la performance historique et se poser la question de savoir s’ils sont toujours en place.»

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Les professionnels de la gestion de fortune vont donc généralement établir leur stratégie sur la base d’un scénario macro-économique, en intégrant les considérations géopolitiques et autres interventions des banques centrales, pour déterminer l’évolution plus ou moins prévisible des différents secteurs de l’économie. Ensuite, si l’on considère par exemple le marché des actions, les analystes procéderont avec une approche descendante: à l’intérieur des catégories au potentiel le plus riche, ils essayeront d’identifier les titres des sociétés les mieux placées pour en profiter, selon leur modèle d’affaires, la palette de leurs produits et la qualité de leur management notamment.

Etant donné qu’aucun prévisionniste et autre analyste financier ne dispose de boule de cristal, la politique de placement s’avérera plus nuancée, comme l’explique Haroldo Jimenez: «Il faut en effet diversifier le portefeuille, en orientant les recommandations selon notre stratégie. On va ainsi construire un portefeuille qui soit robuste et performant, pour lui permettre de moins baisser lorsque le marché traverse une période de turbulences et de faire aussi bien que lui en période de hausse.»

Retour vers la moyenne

Si l’on sait que les étoiles de Morningstar ont souvent joué le rôle d’unique critère de décision pour de nombreux investisseurs, on -comprend qu’ils jouissent d’une réputation quelque peu sulfureuse auprès de certains des professionnels interrogés. Ces derniers se référant d’ailleurs souvent à cette fameuse étude «Kiss of Death», dont les conclusions ont été résumées en page 4, pour étayer leurs propos. On n’y reviendra donc pas. En revanche, il est tout de même intéressant de s’arrêter un instant sur l’un de ses arguments explicatifs, car il est omniprésent dans le débat: c’est le retour vers la moyenne de la performance historique.

Mais avant d’aller plus loin, comment ce phénomène s’explique-t-il? «Le retour vers la moyenne est un principe de base des statistiques, rappelle Akimou Ossé, analyste quantitatif et associé-gérant de la société Quantplus: comme les événements extrêmes sont rares par définition, un résultat extraordinaire est généralement suivi d’un résultat moyen. Le phénomène est aussi connu sous le nom de «régression vers la moyenne». Dans le cas de la gestion collective, un fonds qui enregistre une performance exceptionnelle au cours des trois dernières années a moins de chances de répéter un tel résultat au cours des trois années suivantes, ne serait-ce qu’en raison des flux de capitaux importants qui vont alimenter le fonds et qui risquent de limiter la marge de manœuvre du gérant.»

Le retour vers la moyenne n’est évidemment guère favorable aux étoiles de Morningstar, et pas tellement non plus pour le critère de Performance absolue que propose Lipper sur son site www.lipperleaders.com. Si Otto Christian Kober, responsable de la méthodologie de Lipper, reconnaît volontiers l’existence de ce phénomène, il en nuance le mécanisme pour mettre en avant le retard avec lequel il se produit et qui peut être mis à profit par l’investisseur: «Avant d’entamer son mouvement de retour vers la moyenne, les fonds les mieux classés continuent à le rester pendant des périodes pouvant aller jusqu’à six mois. On dispose ainsi d’un véritable indicateur pour rester investi dans ce type de fonds pendant ce court laps de temps.»

Notes de Morningstar et Lipper

Les notes des analystes de Morningstar suscitent des réactions nettement plus positives. Par exemple, Laurent Auchlin juge «que ces études sont utiles aux analystes pour leur permettre de comparer les résultats de leurs propres recherches». Haroldo Jimenez se montre plus sévère, estimant que «ces analyses sont un peu superficielles pour les professionnels et un peu complexes pour l’utilisateur moyen». On peut rappeler que ce dernier n’a pas accès aux rapports, réservés aux abonnés (payants), qui ont abouti à la notation de Morningstar. Si vous avez un fonds noté Gold, vous ne savez ainsi pas pourquoi il est si bien placé.

C’est d’autant plus problématique pour ces notations qu’elles ne sont en fait pas réellement prospectives, puisqu’elles ne prennent pas en compte les perspectives du marché sous-jacent, comme le souligne l’analyste de la BCGE: «Ces analyses sont très intrinsèques: un fonds Gold sur des titres de croissance pourra ne pas bien se comporter si le segment de marché sous-jacent entame un mouvement baissier de longue durée.»

Toutefois, ces mesures qui peuvent être considérées comme très basiques n’en sont pas moins utiles lorsqu’on les combine pour effectuer un premier tri dans une catégorie donnée, comme l’explique Akimou Ossé: «Pour sélectionner un fonds, je ne vais pas m’intéresser à celui qui n’a qu’une étoile et dont la note des analystes de Morning-star est négative. Je ne prendrai ainsi en considération que les fonds notés quatre étoiles et plus, pour disposer d’un choix plus large, et qui bénéficient d’une notation à partir de Bronze ou de Silver, pour aboutir à une liste d’une dizaine de fonds. J’examinerai encore le niveau des frais, puis j’essaierai de décider par moi-même.»

La démarche décrite par notre interlocuteur paraît simple à mettre en œuvre, mais il faut souligner qu’elle suppose une compétence professionnelle pointue: elle implique tout d’abord que l’investisseur sache sur quel marché et dans quels instruments il faut investir. Ensuite, qu’il a l’aptitude d’effectuer l’analyse fine du fonds, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.