Le passage à la retraite va entraîner un grand changement dans la nature de ses revenus. Pour maintenir un niveau de vie à la hauteur de ses aspirations, il faudra sans doute s’y préparer longtemps à l’avance, que l’on soit salarié ou indépendant.

Quelle que soit sa situation personnelle, il faut savoir profiter de tous les avantages fiscaux qui sont offerts par le législateur pour favoriser sa prévoyance. A commencer par combler les lacunes dans sa caisse de pensions (lire en page 54) puis par tirer parti des économies offertes par le 3e pilier lié et parfois dans le cadre du 3e pilier libre. Des possibilités qui présentent néanmoins quelques difficultés en raison de la multiplicité des produits disponibles et d’une législation tant fiscale que successorale réservant son lot de surprises. Mais il est facile de lister les situations à risques comme celles vécues par la compagne d’un homme décédé qui l’avait faite bénéficiaire d’une assurance-vie souscrite dans le cadre d’un 3e pilier lié. L’homme était séparé de son épouse depuis plusieurs années et vivait depuis plus de dix ans avec sa compagne. Mais il était toujours marié.

Finalement, c’est sa femme légitime qui obtint le capital-décès qu’il avait destiné à sa concubine. Il faut dire que la loi (art. 2 de l’OPP2) fixe de manière très claire l’ordre des bénéficiaires: le conjoint (ou le partenaire enregistré) survivant est prioritaire sur tous les autres bénéficiaires. Ce cas, rapporté par l’ombudsman de l’assurance privée et de la SUVA dans son dernier rapport (2009), n’étonne pas du tout Albert Gallegos, responsable du conseil patrimonial et prévoyance de la Banque Cantonale de Genève (BCGE): «C’est un cas classique, qui n’est pas si rare. Cela montre que les bonnes questions n’ont pas été posées lors de la souscription de ce produit. En l’occurrence, il aurait suffi de demander au client quel était son statut matrimonial!» On ose espérer que le vendeur n’a agi de la sorte que par simple incompétence…De belles économies sur l’impôt sur le revenu et sur la fortune

Les quelques moutons noirs de la profession ne doivent pas vous inciter à renoncer aux avantages du 3e pilier lié, car ils sont loin d’être négligeables: un salarié assuré auprès d’une caisse de pensions peut déduire de son revenu imposable des cotisations allant jusqu’à 6566 francs par an et jusqu’à 32 832 francs pour un indépendant non affilié à une institution de prévoyance. De quoi aider à accumuler une épargne bienvenue à l’heure de la retraite, ou en cas de décès, en complément des deux premiers piliers, AVS et 2e pilier. Surtout si la caisse de pensions limite ses prestations au minimum. Mais il faut évidemment être prêt à laisser cette épargne forcée jusqu’à cinq ans au plus tôt avant l’âge du départ en retraite légale, même si l’on peut opérer des retraits par anticipation pour l’accession à la propriété de son logement.

Le fisc est cependant moins généreux qu’il n’y paraît à première vue puisqu’il va se rattraper en soumettant à un impôt sur le revenu, avec un taux réduit, le montant versé, tant en cas de vie qu’en cas de décès. Heureusement, «le bilan fiscal du 3e pilier lié s’avère tout de même largement positif», comme le montre Albert Gallegos dans l’exemple ci-contre.

Notre banquier rappelle également que le 3e pilier lié n’est pas qu’affaire d’assurance mais aussi de banque. C’est ainsi qu’il est possible de souscrire soit un compte de prévoyance auprès d’une fondation bancaire, soit une police de prévoyance auprès d’une compagnie d’assurances. Ou d’un peu des deux. En d’autres termes, «dans le cadre de la prévoyance liée, on peut parfaitement contracter une assurance-vie risque pur, par exemple une assurance décès, tout en ouvrant un ou plusieurs comptes de prévoyance auprès d’une banque», poursuit notre expert.

Mais pourquoi jongler avec plusieurs comptes de prévoyance? «Pour pouvoir opérer les retraits de manière échelonnée au cours de différents exercices. Car, étant donné que l’impôt sur le revenu est progressif, la ponction fiscale prélevée sur un retrait unique sera beaucoup plus élevée que le même montant versé en deux ou trois fois. Par exemple, un couple marié et domicilié à Genève qui retire 200 000 francs à l’échéance de son 3e pilier lié devrait s’acquitter d’un impôt de 11 076 francs. Alors que, poursuit notre interlocuteur, en retirant deux fois 100 000 francs au cours de deux années successives, l’impôt total tomberait à 3316 francs, permettant une économie fiscale supplémentaire de 7760 francs!»

Mais les atouts de la prévoyance liée ne s’arrêtent pas là, puisque, ajoute Albert Gallegos, «aucun impôt sur la fortune n’est prélevé sur l’épargne ou la valeur de rachat de l’assurance jusqu’à l’échéance du contrat, contrairement à un produit souscrit dans le cadre du 3e  pilier libre».

LES DIX POINTS A SAVOIR

1 Il faut toujours souscrire plusieurs produits de 3e pilier lié pour en étaler le versement à l’échéance sur différents exercices au lieu de s’engager sur un seul instrument de ce type. De cette manière, on parvient à casser la progressivité fiscale de l’impôt sur le revenu (à taux réduit) et on paiera au total moins d’impôt.

2 Il ne faut jamais retirer l’avoir de vieillesse de son 2e pilier en même temps que le versement de fonds issus du 3e pilier lié. En effet, ces deux sources de revenus sont soumises au même impôt séparé sur le revenu. L’étalement des retraits permet à nouveau de réduire l’effet de la progressivité de l’impôt.

3 Les rachats dans son institution de prévoyance doivent être étalés dans le temps, sur plusieurs années. Ce qui permet, dans la même logique, de casser la progressivité fiscale et de maximiser l’impact des déductions sur l’impôt à payer.

4 Avant de procéder à des rachats dans sa caisse de pensions, il faut examiner son taux de couverture, sa réserve de fluctuation de valeurs et l’objectif de cette dernière.

5 Le rachat d’années dans son institution de prévoyance effectué dans les trois années précédant le départ en retraite ne peut plus être prélevé en capital. Le retrait de l’entier de l’avoir de vieillesse n’est d’ailleurs pas toujours possible. La loi oblige cependant toutes les institutions de prévoyance à prévoir qu’au moins un quart de ce montant puisse être pris en capital.

6 Contrairement aux rachats dans sa caisse de pensions, les versements maximaux autorisés annuellement dans des produits de 3e pilier lié ne peuvent donner lieu à aucun rattrapage au cours des années suivantes. L’avantage fiscal est donc définitivement perdu.

7 Il est possible de procéder à des amortissements indirects de sa dette hypothécaire via un 3e pilier lié, en profitant non seulement des déductions fiscales sur les cotisations versées, mais aussi grâce à la déductibilité des intérêts débiteurs sur le revenu imposable. Pour optimiser cette solution, il faut procéder à des amortissements directs partiels tous les cinq ans, comme la loi l’y autorise.

8 Ceux qui ont retiré tout ou partie de leur 2e pilier pour l’accession à la propriété doivent tout d’abord rembourser ces fonds avant de pouvoir procéder à des rachats (déductibles).

9 Les rentes viagères sur deux têtes sans restitution de primes sont vivement déconseillées aux couples de concubins en raison de conséquences fiscales qui peuvent s’avérer désastreuses selon les législations cantonales.

10 Un indépendant à haut revenu a avantage à s’affilier à une institution de prévoyance pour profiter de déductions fiscales nettement plus élevées que celles qui sont accordées dans le 3e pilier lié.

En cas de décès, le 3e pilier lié s’avère idéal pour des concubins

Malgré l’exemple de cette malheureuse concubine, cité par l’ombudsman, qui s’est fait «souffler» les fonds que son compagnon lui avait destinés, le 3e pilier lié constitue en fait une excellente solution en cas de décès pour le bénéficiaire qui vit en concubinage de longue date avec le preneur d’une assurance-vie mixte.

En effet, le bénéficiaire est alors soumis au même taux d’impôt réduit sur le revenu que celui qui aurait été appliqué à l’assuré à l’échéance du contrat. Par comparaison, en 3e pilier libre, il aurait dû régler l’impôt successoral. Cet impôt dépend des liens de parenté: entre conjoints mariés, il tombe même à zéro. En revanche, s’il s’agit d’un ou d’une concubin(e), l’impôt montera jusqu’à 50% dans le canton de Vaud et jusqu’à 54,6% dans celui de Genève. Ainsi, explique Fabrice Welsch, responsable prévoyance et conseil patrimonial à la Banque Cantonale Vaudoise (BCV), «une concubine survivante, par exemple, domiciliée à Lausanne, qui devrait recevoir 200 000 francs d’une assurance-vie mixte dans le 3e pilier lié aurait à payer 20 409 francs au titre de l’impôt sur le revenu. Dans le 3e pilier libre, elle serait exonérée de cet impôt, mais elle devrait en revanche régler au fisc un impôt successoral de 100 000 francs (50%). Soit 79 591 francs de plus!»

Avant de subir la pression du fisc, le bénéficiaire d’une assurance-vie mixte souscrite en 3e pilier libre pourrait devoir rendre des comptes aux héritiers légaux. «En effet, la valeur de rachat de l’assurance mixte tombe dans la masse successorale pour déterminer le montant des parts réservataires des héritiers légaux. Et si cette valeur empiète sur ces dernières, le bénéficiaire pourrait être obligé de les indemniser, par une action dite de réduction», comme le précise Fabrice Welsch.

Pour être complet, il faut encore ajouter que pour échapper tout à la fois à l’impôt sur les successions et à toute action en réduction contre le ou la concubin(e) bénéficiaire, le preneur pourrait aussi choisir une assurance-décès. C’est-à-dire une assurance risque pur, sans valeur de rachat. Car, comme l’explique encore Fabrice Welsch, «les assurances non susceptibles de rachat ne sont soumises à aucun impôt de succession, tant dans le 3e pilier lié que dans le 3e pilier libre, d’ailleurs. Et comme elles n’ont pas de valeur de rachat, aucun montant ne peut tomber dans la masse successorale.»

Quand le 3e pilier libre se révèle fiscalement plus avantageux que le 3e pilier lié

«A Genève, le 3e pilier libre peut s’avérer fiscalement plus favorable que le 3e pilier lié, détaille encore Alvaro Blanco, conseiller en planification financière auprès de la société Univie à Carouge. Prenons par exemple un couple avec deux enfants dont seul un des deux conjoints est affilié au 2e pilier et/ou au 3e pilier lié. Ce couple peut déduire jusqu’à 7650 francs par année sur les cotisations à une assurance-vie mixte souscrite dans le cadre du 3e pilier libre, avec l’avantage que les prestations à terme seront complètement exonérées de l’impôt sur le revenu. Dans le même cas de figure, ces déductions sont moins élevées dans le 3e pilier lié (6566 francs par an), alors que le capital final est imposé sur le revenu, même si c’est avec un taux réduit.»

Pour les autres cantons romands, les déductions sont quasi nulles. Seul Fribourg fait un geste, comme le relève Albert Gallegos: «La soustraction est de 1500 francs pour les personnes mariées vivant en ménage commun.»

«Le 3e pilier libre s’avère également idéal pour les assurances-vie liées à des fonds de placement investis en obligations, poursuit notre banquier. Car la caractéristique de ce type de titres est de produire des revenus fixes, imposés à 100% sur le revenu. Or, en étant encapsulé dans un produit d’assurance-vie de 3e pilier libre, ses revenus vont bénéficier de cette exonération fiscale. C’est donc un très bon moyen d’optimiser les rendements de sa prévoyance.»

Les rentes viagères  pour le meilleur et pour le pire

Lorsqu’elles sont souscrites en 3e pilier lié, les rentes viagères privées sont imposées de manière identique à celles de l’AVS ou du 2e pilier, c’est-à-dire qu’elles sont intégralement soumises à l’impôt sur le revenu. Mais la plus grande partie des rentes viagères sont conclues sous le régime du 3e pilier libre. Les rentes sur deux têtes ou en prime unique ne pourraient d’ailleurs pas satisfaire aux conditions du 3e pilier lié.

Si le produit est souscrit en 3e pilier libre, la rente est également soumise à l’impôt sur le revenu, mais seulement à hauteur de 40% de son montant. La règle est donc très simple mais va se compliquer en cas de décès. Car, et c’est la grande différence avec les rentes des assurances sociales, les rentes viagères privées peuvent donner lieu à une restitution de primes. «Ce qui veut dire que le capital accumulé par les primes qui n’a pas été entièrement consommé par les rentes au décès de l’assuré sera versé au bénéficiaire», explique Fabrice Geinoz, responsable marché des Rentes Genevoises.

Le bénéficiaire des primes restituées va ainsi être soumis à un impôt au taux de rente sur 40% de ce montant et à un impôt sur les successions sur les 60% restants, comme le montre la Conférence suisse des impôts dans sa recommandation du 27 octobre 2009, dans l’exemple suivant: le souscripteur de rentes viagères différées financées par une prime unique de 270 000 francs (donc en 3e pilier libre) décède avant le versement de la première rente. La valeur de restitution, qui se monte alors à 290 000 francs, revient à sa fille, en tant qu’héritière unique.

Fiscalement, 40% de ce montant, soit 116 000 francs (= 40 % × 290 000 francs), est soumis à un impôt annuel entier, séparé des autres revenus et calculé au cinquième de l’impôt normal. Quant aux 60% restants, c’est-à-dire 174 000 francs (= 60% × 290 000 francs), ils sont soumis à l’impôt sur les successions, qui va dépendre de la législation cantonale.

Dans le cas de rentes viagères sur deux têtes, avec ou sans restitution de primes, on entre dans le labyrinthe des législations fiscales cantonales. Par exemple, la transmission de rentes du 1er assuré – à son décès – au 2e, peut être considérée comme une succession (pour autant que la prime ait été financée par le premier assuré), mais l’imposition peut prendre différentes formes. Ainsi, dans le canton de Vaud, indique Fabrice Welsch, «au décès de la première personne assurée, la deuxième personne qui continue à percevoir des rentes aura à payer un impôt calculé sur la capitalisation des rentes à hauteur de 60% sur les successions et de 40% sur le revenu». Si le bénéficiaire survivant n’était pas marié avec le preneur d’assurance, la facture va donc s’avérer salée en droits de succession!

Mais à Genève, c’est pire encore: «Pour des concubins, les rentes sur deux têtes peuvent s’avérer catastrophiques, lance Fabrice Geinoz, car le fisc genevois soumet cette valeur capitalisée – en fonction de l’âge du bénéficiaire – à 100% au titre de l’impôt sur les successions. Supposons que cette capitalisation se monte à 500 000 francs. Si le conjoint survivant en sera complètement exonéré, le ou la concubin(e) sera imposé(e) à un taux de 53,6%, pour pas moins de 268 000 francs, à verser immédiatement!»

IMMOBILIER

Le 3e pilier lié pour accéder à la propriété Les fonds accumulés dans cette couverture volontaire peuvent aussi servir à amortir de manière indirecte son hypothèque.

Le 3e pilier lié peut servir à constituer les fonds propres nécessaires à l’acquisition d’une maison ou d’un appartement. Un projet pour lequel un retrait anticipé est autorisé tous les cinq ans. Et, à l’instar du 2e pilier, cette épargne forcée peut également être mise en gage à la place du retrait. On peut aussi utiliser, dans les mêmes  conditions, les fonds accumulés dans le 3e pilier lié pour amortir de manière indirecte son hypothèque.

En d’autres termes, au lieu de rembourser chaque année une fraction de l’emprunt, on accumule ce montant sur le produit de prévoyance. A l’échéance de ce produit, ou tous les cinq ans, il est possible de prélever le montant épargné. A priori, cette stratégie paraît quelque peu étrange car elle implique que le futur propriétaire paiera au bout du compte des intérêts plus élevés. En fait, le principal avantage de cette solution vient des déductions fiscales sur les cotisations au 3e pilier lié, tandis que les intérêts supplémentaires à payer sont également déductibles et que les intérêts issus du compte de prévoyance, si l’on se décide pour cette possibilité, sont à l’abri de tout impôt.

On comprend donc que si l’on choisit le remboursement partiel, par tranches de cinq ans, on réduit la charge nette des intérêts supplémentaires. Mais alors, «l’assurance mixte ne serait pas une solution optimale, en raison des frais ponctionnés lors des premières années, réduisant d’autant la valeur de rachat de l’assurance, explique Albert Gallegos. Il vaut donc mieux privilégier l’option bancaire, à compléter si nécessaire par une assurance-vie-décès.»

Par ailleurs, comme l’avance Fabrice Welsch, «les taux d’intérêt très bas que l’on connaît actuellement désavantagent les assurances mixtes par rapport à un produit de prévoyance bancaire, du fait du commissionnement de l’apporteur d’affaires qui va coûter environ 5% au souscripteur. Ainsi, finalement, la somme accumulée à l’échéance du contrat peut s’avérer inférieure au montant des primes versées!»

GLOSSAIRE

3e pilier lié (3a): Prévoyance individuelle bénéficiant d’importants avantages fiscaux mais soumis à de fortes contraintes. Elle est limitée aux assurances-vie et aux comptes ou dépôts de prévoyance.

3e pilier libre (3b): La prévoyance libre englobe tous les produits d’épargne individuelle (assurance-vie, fonds de placement, comptes, titres, etc.).

Assurance-vie risque pur: Couverture dont le risque n’est pas certain. Il n’y a aucune composante d’épargne et donc aucune valeur de rachat. L’assurance-décès appartient à cette catégorie. Synonyme: assurance-vie non susceptible de rachat.

Assurance-vie susceptible de rachat: Elle couvre un risque dont la réalisation est certaine pendant toute la durée du contrat. Une assurance mixte, qui couvre le décès et permet de constituer une épargne, est donc une assurance constitutive de capital susceptible de rachat.

Masse successorale: Ensemble des biens sur lesquels va avoir lieu le partage d’un héritage (la succession), dans laquelle la valeur de rachat des assurances-vie va tomber si elle a été souscrite en 3e pilier libre.

Valeur de rachat (assurance-vie): Somme des primes déjà versées, augmentée du taux d’intérêt technique et de la participation aux excédents, moins les coûts d’acquisition non encore amortis.

Parts réservataires: Parts réservataires: Parts minimales réservées à certains parents du défunt sur son héritage. En cas de partage lésant leurs droits, ces héritiers peuvent demander à en être indemnisés par une action dite en réduction.