HÉRITAGE Considéré comme étranger à la famille, le concubin ou la concubine du défunt n’a aucun droit légal sur l’héritage et sera imposé(e) par le fisc au maximum des barèmes. Un testament ou un pacte successoral peuvent améliorer sa situation

Dans le droit successoral suisse, un concubin ou une concubine ne pourra faire valoir de parts légales et encore moins de parts réservataires – incompressibles – comme celles du conjoint survivant ou des enfants du défunt. «Pour les couples non mariés, le testament est donc une nécessité pour que les concubins puissent hériter d’une partie du patrimoine du défunt», souligne Roland Bron, directeur de VZ Vermögenszentrum pour la Suisse romande.

Allant dans le même sens, Francine Robin, responsable des successions auprès de la Banque Cantonale de Genève, explique: «Il est indispensable que les concubins établissent chacun un testament afin de se privilégier mutuellement ou concluent un pacte successoral auprès d’un notaire. Toutefois, il est important de relever que s’il existe des héritiers légaux qui bénéficient de parts réservataires, celui qui rédige son testament ne pourra faire profiter son partenaire de vie plus que de la quotité disponible, c’est-à-dire le solde de la succession après déduction des réserves.»

Fiscalité lourde

Concrètement, cela signifie que pour un défunt avec enfants, ces derniers bénéficient de parts réservataires s’élevant aux trois quarts de la succession, laissant au maximum un quart pour le concubin ou la concubine. Et si le défunt n’avait pas eu de descendance, mais que son père et/ou sa mère lui survivaient, ces derniers auraient droit à la moitié de la succession. L’autre moitié pouvant alors revenir au partenaire survivant.

Le concubin ou la concubine qui bénéficierait d’un testament en sa faveur n’échapperait cependant pas à de lourds impôts de succession – jusqu’à 54% à Genève (taux le plus élevé) et 50% dans le canton de Vaud –, puisque considéré(e) comme n’ayant aucun lien de parenté avec le défunt. Alors que le veuf ou la veuve en est complètement exonéré. Mais les choses sont en réalité un peu plus complexes, comme le rappelle Etienne Jeandin, notaire à Genève: «Contrairement aux règles du droit successoral, inscrites dans le Code civil, le droit fiscal des successions est du ressort des cantons. Et pour les concubins, le traitement est complètement différent.»

Si l’on prend le cas de la Suisse romande, plusieurs cantons prennent en compte la durée du concubinage pour imposer moins lourdement le partenaire survivant au titre de l’impôt de succession. Ainsi, les conjoints non mariés mais vivant ensemble au même domicile fiscal depuis au moins dix ans sont imposés sur la succession à des taux préférentiels à Fribourg et dans le canton du Jura. A Neuchâtel, ce délai est réduit à cinq ans.

Pour échapper à ces impôts de succession, «on assiste parfois à des mariages de couples qui vivaient ensemble depuis trente ans et qui sautent le pas pour des raisons fiscales, mais dans la joie et la bonne humeur quand même!» s’exclame le notaire genevois. Toutefois, poursuit notre interlocuteur: «Notre droit étant assez libéral, on arrive à un résultat presque analogue au concubinage avec un contrat de mariage en séparation de biens et un pacte successoral qui limite très précisément les prétentions réciproques, quitte à renoncer à une partie de la réserve. Mais il ne faut pas oublier que le mariage implique l’obligation d’entretien et la perte d’une demi-rente AVS pour les couples qui auraient droit à deux rentes individuelles complètes maximales. Mais cela arrive que ce soit un motif fiscal qui remporte la décision.»

Assurance risque pur et troisième pilier lié

Pour réduire l’impôt de succession, les concubins peuvent aussi exploiter les avantages fiscaux offerts par le 3e pilier lié et les assurances risque pur, comme l’explique Olivier Reymond, conseiller en prévoyance auprès de la Banque Cantonale Vaudoise: «Dans le canton de Vaud, comme dans la plupart des cantons, un(e) concubin(e) peut être désigné comme bénéficiaire d’un produit de 3e pilier lié – compte de prévoyance ou assurance vie – dont la prestation sera complètement exonérée d’impôt de succession. En revanche, si l’on souscrit une assurance vie dans le 3e pilier libre, il faut éviter l’assurance mixte, qui combine assurance décès et constitution de capital à l’échéance du contrat. En effet, en cas de décès de l’assuré, le capital versé au concubin ou à la concubine sera imposé au taux maximal.»

«C’est pourquoi, recommande notre interlocuteur, on peut recourir à une assurance risque pur, qui ne comprend pas de processus d’épargne. Il n’y a donc pas de valeur de rachat et, logiquement, pas d’impôts de succession. Le bénéficiaire n’échappe toutefois pas à tout impôt, mais à un taux réduit, comme sur le 3e pilier lié.»

Deuxième pilier: la liberté des caisses de pension

En ce qui concerne le 2e pilier, de nombreuses institutions de prévoyance considèrent les concubin(e)s comme des conjoints mariés et leur accordent les mêmes droits en cas de décès, notamment si la vie commune a duré plus de cinq ans. Toutefois, avertit Roland Bron, «plusieurs caisses de pension exigent en outre que l’assuré leur transmette de son vivant une clause bénéficiaire en faveur de son concubin».