PATRIMOINE Dans certains cas, il peut être recommandé de modifier son régime matrimonial et de rédiger un testament pour favoriser l’un ou l’autre de ses héritiers, voire de conclure un pacte successoral avec eux si leur accord se révèle nécessaire

Pour l’organisation de sa succession, on peut laisser la loi s’appliquer, puisqu’elle a déjà prévu la liste des héritiers et la part revenant à chacun d’entre eux. Pour Etienne Jeandin, notaire à Genève et auteur de l’ouvrage Chroniques notariales (Editions Schulthess, 2012), ce choix peut parfaitement convenir au cas d’une famille traditionnelle.

Toutefois, il est souvent beaucoup plus judicieux de profiter de la liberté offerte par le cadre légal pour parvenir à des résultats sur mesure à des situations qui posent des difficultés. «Par des arrangements matrimoniaux et successoraux, on aurait pu arriver au millimètre près à la solution idéale.» Ces règles de partage sont identiques dans tous les cantons, puisqu’elles relèvent du Code civil, précise notre interlocuteur.

Liquidation du régime matrimonial

Pour prendre le cas classique d’un couple marié, il faut tout d’abord rappeler que le processus se déroule en deux phases: tout d’abord, la liquidation du régime matrimonial, qui va déterminer ce qui revient au conjoint survivant, avant la succession ellemême. Le résultat de cette première étape va dépendre de la nature du régime matrimonial choisi, à savoir la participation aux acquêts – de loin le plus courant –, la séparation de biens et la communauté de biens, qui est plutôt rare.

Le principe de la participation aux acquêts est simple: chacun des deux conjoints gère et dispose de ses biens propres, c’est-à-dire qu’il possédait avant le mariage ou reçus en héritage ou par donation, et ceux qu’il a acquis – les acquêts – sous ce régime. Lors de la liquidation, les biens propres restent la propriété exclusive de chaque époux, tandis que les acquêts sont mis en commun pour être répartis de manière équitable entre les deux conjoints. En séparation de biens, par définition, la liquidation du régime matrimonial ne donne lieu à aucun partage.

La masse successorale qui ressort de la liquidation du régime matrimonial va donc pouvoir être partagée entre tous les héritiers. Si l’on suit l’ordre défini par la loi, les héritiers légaux, rappelle Francine Robin, responsable des successions auprès de la Banque Cantonale de Genève, sont les suivants: «Le conjoint survivant ou le partenaire enregistré, les descendants (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants). Et s’il n’y a ni conjoint ni descendants, ce sont les parents, ou si l’un ou les deux parents sont déjà décédés, leurs descendants (frères et sœurs, à défaut neveux et nièces). En l’absence des parents et de leurs descendants, les héritiers légaux sont les grands-parents ou leurs descendants.»

Le testament

Le futur défunt peut toutefois intervenir sur les modalités de sa succession – par testament – en réduisant le droit de l’un ou de l’autre héritier légal jusqu’à une part incompressible, dite part réservataire. «Par exemple, poursuit Francine Robin, le père d’un enfant, qui est donc son unique héritier, peut restreindre la part de ce dernier aux trois quarts, et attribuer ainsi le quart restant à sa guise. Cette part est appelée quotité disponible. La réserve sera différente selon l’héritier légal. Si elle est de trois quarts pour un descendant, elle n’est que de moitié pour le conjoint ou le partenaire enregistré. Elle est également de moitié pour le père ou la mère lorsque le défunt n’a pas de descendants.»

Si un testament se révèle nécessaire, le futur défunt peut choisir entre différentes formes. Le testament est dit olographe lorsqu’il est écrit entièrement à la main, signé et daté par le testateur. Il peut également s’agir d’un testament dit public, qui est établi par un notaire, en présence de deux témoins. Il est évidemment important de faire connaître à ses proches l’existence d’un tel document et l’endroit où il a été gardé. «Il est d’ailleurs recommandé, explique Nathalie Eckert, présidente de la Chambre des notaires de Genève, de déposer son testament auprès de la Justice de paix ou chez le notaire, qui s’assurera de sa validité et qu’il n’est pas sujet à interprétation, en le contrôlant au fond et à la forme.»

Le pacte successoral

Par conséquent, si l’on veut s’assurer que des règles de partage ou d’autres volontés particulières seront acceptées par ses héritiers, le testament ne convient pas. «En revanche, explique Nathalie Eckert, le pacte successoral peut constituer une très bonne solution. Il s’agit en effet d’un véritable contrat multilatéral qui ne peut plus être modifié sans l’accord de tous et qui ne devrait donc pas permettre opposition ou contestation lors de son application.»