Vérifier que les besoins seront couverts au moment du départ n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Exemple pour un couple, chiffres à l’appui
Si vous avez dépassé la cinquantaine, il est temps de considérer sérieusement l’état de votre budget de retraité en devenir: vos revenus couvriront-ils vos besoins, et ce jusqu’à un âge avancé? Cet exercice est moins simple qu’il n’y paraît. D’autant plus que différentes options vont se présenter à l’heure du départ, principalement l’alternative entre retirer son capital de 2e pilier et privilégier les rentes ou l’anticipation possible de la retraite. Et peut-être pouvez-vous encore profiter de certains avantages fiscaux offerts par le 2e pilier ou par le 3e pilier lié (3a).
Pour illustrer cette démarche, prenons un exemple proposé par la Banque Cantonale de Genève (BCGE), avec différents scénarios, en date du 30 juin 2011. Il s’agit d’un couple marié, en ménage commun, domicilié au Grand-Saconnex (GE). Le mari est né le 10 juin 1958 (53 ans), tandis que son épouse est née le 25 août 1963 (bientôt 48 ans). Tous deux sont sans confession. Ils ont deux enfants: un garçon de 20 ans et une fille de 17 ans, en formation, qui vivent toujours chez leurs parents. Par ailleurs, le mari était divorcé et avait eu un premier enfant, né le 27 février 1988 (23 ans), mais qui ne vit pas avec son père. Ce dernier verse une pension alimentaire à son ex-femme.
En termes de fortune, le couple possède son propre appartement, estimé à 1 200 000 francs et qui est hypothéqué à hauteur de 550 000 francs. Par ailleurs, il possède un portefeuille titres équilibré de 200 000 francs, ainsi que de liquidités pour 50 000 francs. En outre, le mari a accumulé un avoir de vieillesse de 364 600 francs auprès de sa caisse de pensions. Quant à son épouse, son avoir de libre passage est nettement plus réduit, à 47 800 francs, car elle travaille à temps partiel. Enfin, le couple a souscrit à une assurance vie mixte en prévoyance libre (3b), dont la valeur de rachat se monte à 66 900 francs. Au total, il dispose d’une fortune brute de 1 929 300 francs. Comme l’appartement est grevé d’une hypothèque de 550 000 francs, la fortune nette de ce couple est donc de 1 379 300 francs.
On doit également s’intéresser au budget familial. Du côté des revenus, la situation est particulièrement simple, puisque le mari est salarié et gagne 150 000 francs bruts par an, soit 124 360 francs nets tandis que son épouse, également employée mais à temps partiel, reçoit un salaire de 35 000 francs bruts par an, soit 30 100 francs nets. Au total, les revenus nets du ménage s’élèvent à 154 460 francs.
En revanche, les dépenses demandent une description plus détaillée, à commencer par le coût de la vie (frais d’alimentation, d’habillement, de loisirs, de scolarité, d’assurance maladie, de pension alimentaire, etc.) à hauteur de 88 400 francs. A ces dépenses, il faut ajouter 16 500 francs d’intérêts hypothécaires et 6500 francs d’amortissement, 3200 francs de primes d’assurance vie (3b), ainsi que 19 000 francs d’impôts. Soit au total 133 600 francs. Il en ressort que cette famille dégage une capacité d’épargne annuelle de 20 860 francs (= CHF 154 460 – CHF 133 600).
Selon les hypothèses retenues, il s’avère que cette famille est bien couverte contre le risque d’invalidité et de décès. Le spécialiste peut donc se concentrer sur la prévoyance vieillesse. La première étape consiste à partir de la situation actuelle et à faire des projections sur la période de transition vers la retraite et au-delà. Le planificateur a fixé les besoins en revenus annuels de ce couple dès la retraite à 80% de leurs revenus bruts de leur période d’activité professionnelle, soit 148 000 francs (= 80% x CHF 185 000), c’est-à-dire 12 333 francs par mois.
Pour évaluer si les revenus de la retraite vont pouvoir couvrir les dépenses correspondantes, il suffit de remplacer les salaires de chacun des deux conjoints par leurs rentes respectives de l’AVS et du 2e pilier lorsqu’ils partiront en retraite. Dans la projection de base, on prend l’âge légal AVS pour le mari, soit 65 ans, et pour la femme, 64 ans.
Concrètement comme on le voit dans le graphique (1), le salaire brut combiné des deux conjoints avant la retraite du mari s’élève à 15 417 francs par mois (= (CHF 150 000 + CHF 35 000)/12 mois). Au moment où le mari quitte la vie active, son salaire fait place à sa rente AVS, de 2320 francs, et à une rente de 2e pilier de 4372 francs. La femme continue de son côté à travailler jusqu’à ce qu’elle atteigne 64 ans. Au cours de cette période, ce couple touche donc au total de 9609 francs par mois.
Puis, lorsque l’épouse arrive à son tour à l’âge de la retraite, elle va recevoir une rente de l’AVS et du 2e pilier. Mais l’AVS va alors procéder au splitting et plafonner le total des deux rentes à 3480 francs (en 2011-2012). Quant à sa rente de 2e pilier, elle va s’élever à 622 francs. Au total, et jusqu’au décès d’un des conjoints, ce couple touchera 8474 francs par mois.
Comme on le voit immédiatement sur le graphique (1), les revenus seront insuffisants à couvrir les besoins du couple. Il ne faut cependant pas négliger le versement du capital de l’assurance vie, lorsque le mari atteint 60 ans, pour un montant de 100 000 francs.
Dans notre exemple, les mesures qui sautent aux yeux des professionnels, c’est la possibilité pour la femme de souscrire à un produit de 3e pilier lié pour profiter des cadeaux fiscaux qui lui sont associés. Ensuite, c’est de transformer l’amortissement direct en un amortissement indirect, via un produit de 3e pilier lié, souscrit cette fois par le mari, qui permet une économie fiscale substantielle. En revanche, on suppose qu’aucun des deux époux n’a de lacunes dans sa caisse de pensions et qu’aucune économie ne peut donc être réalisée pour l’instant par le biais de rachat.
Tout sur la prévoyance
LT
Pierre Novello, journaliste indépendant, a réalisé avec la collaboration d’Albert Gallegos, spécialiste de la prévoyance, un ouvrage intitulé Le Guide de votre prévoyance, coédité par Le Temps. Avant sa publication à la mi-juin, nous publions une série de cinq articles sur des thèmes clés du livre. Première partie aujourd’hui sur la planification de la retraite. Consacré à la prévoyance des indépendants, le deuxième volet paraîtra le 14 mai. Il sera suivi le 4 juin par une explication des avantages et des risques d’un retrait du deuxième pilier pour financer un achat immobilier. La quatrième partie se concentrera sur la rente-pont et sera publiée le 11 juin. Enfin, le dernier épisode de cette série, à paraître le 18 juin, se penchera sur les rachats complémentaires dans le deuxième pilier pour financer une retraite anticipée.
Les projections selon le choix des rentes de deuxième pilier ou le retrait du capital
P. N.
> Comment évoluera le budget si le mari part à la retraite à 62 ans et la femme à 60 ans
Le planificateur peut ainsi commencer à faire des projections en intégrant les mesures à prendre pour établir le budget des années à venir dans la perspective du passage à la retraite, selon que le mari prend son capital de 2e pilier ou fait le choix des rentes. Dans notre exemple, on suppose que le mari veut partir en retraite anticipée à 62 ans et son épouse à 60 ans.
Commençons par le cas où le mari se décide pour les rentes. Dans le graphique (2), on voit l’évolution des revenus des conjoints dans la partie positive et, dans la zone négative, celle de leurs dépenses. La différence, quand elle est positive, implique que le couple épargne et, quand elle est négative, qu’il doit puiser dans sa fortune disponible, composée du portefeuille titres et des liquidités, dont on voit la variation dans le graphique du bas.
Tant que les deux conjoints sont actifs, les revenus du couple sont uniquement constitués par leur salaire respectif. Dans cet exemple, on a en effet négligé les revenus des capitaux. L’année où il part en retraite, le mari touche encore une partie de son salaire, complétée par une fraction de sa rente de 2e pilier, puisqu’il a choisi cette solution. Il recevra sa rente complète l’année suivante. Il devra encore attendre trois ans avant d’avoir droit à la rente AVS, lorsqu’il atteindra 65 ans. Parallèlement, son épouse, qui prend sa retraite à 60 ans, commencera à recevoir sa rente de 2e pilier à ce moment-là, mais devra également patienter jusqu’à 64 ans pour avoir droit à une rente AVS.
Si l’on se tourne du côté des dépenses, tout dépend évidemment des hypothèses qui sont intégrées dans le scénario: l’inflation projetée est de 1,5%, tandis que le taux hypothécaire attendu au cours des cinq prochaines années est de 4,5%, soit sensiblement plus élevé qu’aujourd’hui.
Ces suppositions expliquent l’augmentation graduelle du coût de la vie jusqu’au départ en retraite du mari, où les dépenses se réduisent fortement, ainsi que les impôts. Ce qui est logique puisque les revenus reculent sensiblement. Par ailleurs, le mari cesse de cotiser à son 3e pilier lié (3a) lorsqu’il arrête de travailler, comme le fait ensuite son épouse lorsqu’elle prend à son tour sa retraite.
Comme on le constate sur le graphique (2), le couple doit consommer progressivement sa fortune disponible pour faire l’appoint. Mais différents facteurs vont également l’influencer, outre le rendement des capitaux, dans la période précédant ou suivant le départ en retraite des deux conjoints. En effet, le versement du capital issu du 3e pilier libre (3b) du couple fait rentrer 100 000 francs; puis, 78 000 francs vont s’ajouter grâce au 3e pilier lié (3a) du mari, souscrit en vue de l’amortissement indirect. Notons que cette somme n’est finalement pas utilisée à cette fin, car la dette hypothécaire est suffisamment basse. Enfin, 100 000 francs seront encore perçus sur le 3e pilier lié (3a) de l’épouse.
On refait la même analyse en ne changeant qu’un seul paramètre: le mari choisit cette fois le retrait intégral de son 2e pilier en lieu et place des rentes. En revanche, on suppose que son épouse opte toujours pour les rentes de sa caisse de pensions.
Comme on l’observe sur le graphique (3), l’évolution des revenus, des dépenses et de la fortune disponible est identique à celle de la solution précédente jusqu’au moment où le mari part en retraite, à 62 ans, et retire son capital de 2e pilier. Il ne dispose alors plus de revenus jusqu’à 65 ans, lorsqu’il commencera à toucher sa rente AVS, laissant évidemment un déficit plus important à combler. Mais, simultanément, sa fortune disponible fait un bond, correspondant au versement de son 2e pilier, et augmente ainsi de plus de 700 000 francs.
Ensuite, on voit que la consommation de capital est logiquement beaucoup plus rapide qu’avec le choix des rentes. Ce qui veut dire que si les deux conjoints atteignent un âge très avancé, ils auront entièrement consommé leur fortune disponible et devront survivre avec très peu de revenus. Au cours des premières années suivant leur départ en retraite, la diminution du capital est toutefois ralentie par les retraits du capital du 3e pilier lié (3a) du mari, puis de celui de sa femme, comme c’était également le cas avec l’option des rentes du 2e pilier.