Dans les phases de ralentissement économique, les titres des sociétés actives dans la satisfaction des besoins vitaux vont mieux se comporter que l’ensemble du marché.

Qu’est-ce qu’une valeur défensive?

Sur les marchés des actions, certains titres sont particulièrement peu dépendants de l’évolution des cycles économiques. C’est pourquoi on les appelle actions défensives, par opposition aux actions dites cycliques, qui présentent la spécificité d’être très sensibles aux variations conjoncturelles.: «Cette distinction, comme le détaille Alexandre Tavazzi, responsable du bureau du CIO (chief investment officer) et de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management (PWM), se base sur une caractéristique intrinsèque de l’activité de l’entreprise et de son modèle d’affaires. Par exemple, les titres de sociétés actives dans les domaines de la consommation non durable, non discrétionnaire, comme l’alimentation, le gaz ou l’électricité ou encore les services publics, sont par définition des actions défensives. À l’inverse, les valeurs cycliques appartiennent au secteur industriel, par exemple les mines de matières premières, les aciéries ou encore les producteurs d’automobiles.»

Concrètement, les périodes de récession vont s’avérer extrêmement néfastes pour le comportement boursier des titres cycliques. À l’inverse, les valeurs défensives offrent une protection contre les temps difficiles – comme c’est le cas aujourd’hui – ainsi qu’on peut le voir sur le graphique proposé par notre interlocuteur pour le marché américain au cours des vingt dernières années. Si l’on cherche des valeurs défensives, on n’a pas besoin d’aller loin puisqu’il suffit de se tourner vers le marché suisse.

Les actions défensives résistent mieux aux récessions que l’ensemble du marché
On peut facilement illustrer le comportement favorable des titres défensifs au cours de ces 20 dernières en prenant l’exemple de l’évolution relative de l’indice américain des actions défensives par rapport à l’indice général américain (S&P 500). On constate qu’à chaque période de récession (les trois zones grisées), les titres défensifs ont mieux performé que l’indice général.

Source : Pictet

Marché suisse riche en actions défensives

La Bourse suisse possède en effet un véritable gisement de sociétés défensives, poursuit notre expert, notamment dans l’industrie alimentaire et pharmaceutique: «Ce marché compte plus de sociétés de grande taille – avec Nestlé, Roche et Novartis qui dominent le marché – que l’indice mondial des actions; elles sont plus profitables, avec un rendement des fonds propres supérieur et des dividendes plus élevés. Ces caractéristiques produisent un autre effet bénéfique dans un environnement marqué par la hausse des taux d’intérêt. En effet, ces entreprises génèrent suffisamment de liquidités par leurs activités pour s’autofinancer, sans subir les effets de relèvement du coût du crédit. Cette capacité d’autofinancement explique d’ailleurs pourquoi les sociétés suisses sont plus généreuses en matière de dividendes.»

Il est important de souligner que outre nos trois multinationales, on trouve sur le marché suisse de nombreuses sociétés défensives de qualité, qui présentent les mêmes spécificités, comme la société familiale Lindt & Sprüngli.

Le franc suisse, atout supplémentaire

Le marché suisse bénéficie également d’un environnement économique favorable et en particulier d’un taux d’inflation modeste, par rapport à ses voisins, à seulement 3,5%. Ce qui va permettre à la Banque nationale suisse, qui a annoncé son intention de lutter contre l’inflation avec une politique de franc fort, de plafonner la remontée des taux d’intérêt directeurs à 1,25%, soit nettement moins que dans les autres pays développés. Les effets négatifs sur la conjoncture en Suisse en seront donc d’autant plus limités.

Quant à la vigueur de la devise helvétique, elle n’inquiète apparemment plus guère, selon notre expert: «Cette politique a été applaudie par l’USAM (Union suisse des arts et métiers), montrant par là que les sociétés suisses ont réussi à s’adapter à ce niveau de franc fort, et qu’en outre, et c’est ce qui est le plus important à mes yeux, elles n’ont plus à payer des intérêts négatifs pour détenir des liquidités auprès de leur banque. La force de la devise helvétique constitue par ailleurs un très grand atout pour les investisseurs qui bénéficient d’une monnaie stable. Vous n’ajoutez donc pas de la volatilité à votre portefeuille à cause des soubresauts éventuels de la monnaie, dont la dépréciation pourrait s’ajouter à la baisse du marché des actions.»

Un marché devenu cher

Les avantages du marché suisse n’ont évidemment pas échappé à l’attention des investisseurs un tant soit peu avertis qui cherchent des sociétés affichant ces caractéristiques. L’intérêt pour ces valeurs a donc très logiquement fait monter leur cours, au point de les rendre chères en termes de multiple (PER). Toutefois, la valorisation a elle seule ne suffit pas pour établir sa stratégie, mais doit aussi reposer sur l’évolution conjoncturelle. Ainsi, le stratégiste de PWM conclut: «Il est raisonnable de détenir aujourd’hui dans son portefeuille des valeurs comparables à celles que l’on trouve sur le marché suisse. Mais le jour où le cycle économique repartira, il faudra réduire sa part en actions suisses et accroître celles qui viennent du reste de la planète.»