En diversifiant son portefeuille sur des titres libellés en monnaies étrangères, on s’expose à un risque supplémentaire : le risque de change. Peut-on le couvrir complètement ou partiellement, et quelles stratégies appliquer pour en réduire les effets ? 

Qu’est-ce que le risque de change ?

Lorsqu’on veut définir le risque de change, on comprend qu’il s’agit de l’impact des variations des devises étrangères dans lesquelles son portefeuille est investi. Ce qui signifie que l’on raisonne par rapport à une monnaie dite de référence, dans laquelle on compte et on dépense son argent. Si l’on réside en Suisse, la monnaie de référence est le franc suisse. Les investissements dans une devise qui monte par rapport au franc suisse sont évidemment favorables, alors qu’à l’inverse, si la monnaie étrangère s’affaiblit, cela va réduire la performance lorsqu’elle sera convertie dans notre monnaie.

La forte appréciation du franc suisse vis-à-vis de l’euro depuis une quinzaine d’années illustre ce dernier cas de figure, comme on le voit sur le graphique ci-contre, montrant l’impact de la conversion en franc suisse de l’indice MSCI Europe, calculé sur des grandes et moyennes capitalisations en euros, comme l’explique Gero Jung, chef économiste chez Mirabaud : « Alors que l’indice en euros a presque doublé sur cette longue période, à hauteur de 90%, la performance convertie en franc suisse peine à dépasser les 10%.»

La belle performance en euro chute en franc suisse
En raison de la tendance à la dépréciation de l’euro en franc suisse, passant de 1,60 franc à la parité en quinze ans, l’indice MSCI Europe connaît finalement une faible croissance lorsqu’il est converti en franc suisse. L’institution du taux plancher par la BNS en 2011, supprimé en 2015, n’a fait que freiner ce mouvement.

Source : Mirabaud Asset Management

Quelle stratégie de couverture ?

Certains grands acteurs refusent de s’exposer au risque de change, telles les caisses de pension, qui, souvent, le « couvrent systématiquement », comme l’indique notre interlocuteur. Mais ce n’est pas la règle, car, d’une part, le risque de change peut s’avérer positif et doper la performance et, d’autre part, la protection, sous la forme de futures, c’est-à-dire de contrats à terme sur devises, est coûteuse. « Concrètement, si par exemple ces frais s’élèvent à 2% sur une base annualisée, cela signifie que l’investissement doit dégager une performance d’au moins 2% pour qu’on commence à faire du profit. »

C’est la raison pour laquelle il peut être judicieux d’agir de manière différenciée. « C’est en fonction des vues sur l’évolution de ces devises que nous procédons ou non à des couvertures. Par exemple, l’année dernière, nous avions une forte conviction sur la force du dollar américain. Pour un investisseur dont la monnaie de référence était le franc suisse, on ne procédait donc pas à une protection systématique contre le risque de change vis-à-vis du dollar. » Cette stratégie est également influencée par le profil de l’investisseur et de son horizon-temps : « Elle a du sens surtout pour des investisseurs de moyen à long terme, d’au moins trois ans. »

Un exercice difficile

« Les prévisions pour les taux de change reposent sur trois piliers principaux, détaille l’expert : tout d’abord, on regarde les indicateurs macroéconomiques, pour déterminer l’évolution de la croissance d’un pays par rapport à un autre. Par exemple, si l’économie américaine croît plus rapidement que celle de l’Europe, c’est plutôt favorable pour le dollar. Le deuxième pilier, ce sont les indicateurs financiers, y compris sous forme de flux, comme les grands mouvements d’achats ou de ventes d’actions sur les différents marchés. L’optimisme sur les perspectives des marchés européens en début d’année en est une belle illustration, suscitant des vagues d’achats, et donc la montée de l’euro. Enfin, troisième facteur, qui n’est pas le moins important, les politiques différenciées des banques centrales, en particulier leur politique pour contrer l’inflation. »

Malgré cet arsenal d’outils d’analyse, notre interlocuteur reconnaît la faiblesse des prévisions sur l’évolution des taux de change. « C’est plus difficile que pour les actions et les obligations, comme le montre également la recherche scientifique. C’est la raison pour laquelle on ne prend pas de paris forts sur les changes. »

L’investisseur en franc suisse avantagé

« Avec des stratégies de couverture onéreuses, l’investisseur individuel pourrait être tenté d’accepter purement et simplement ce risque. Ce qui se fait souvent dans la pratique », reconnaît notre expert. D’autant plus que si cet investisseur raisonne en franc suisse, il pourrait tirer parti d’une caractéristique très avantageuse du marché suisse des actions. Il est en effet dominé par plusieurs multinationales de qualité. En d’autres termes, les titres de ces valeurs cotées en franc suisse donnent accès non seulement, de manière indirecte, à une large diversification internationale, mais également à la couverture de change intrinsèque qui lui est liée, puisque la performance s’affiche en franc suisse. Sans oublier les petites et moyennes entreprises suisses, qui sont fréquemment très tournées vers l’international, et qui « sont souvent leaders dans leur domaine ».

Du côté des obligations, la situation s’avère également très favorable puisque de nombreux émetteurs étrangers, tant publics que privés, sont présents sur le marché suisse, et donc en franc suisse, permettant ainsi d’éviter le risque de change, sans coût additionnel.