La crise que traverse actuellement un certain nombre de fonds monétaires grevés de CDO («collateralized debt obligation») sur le marché américain des «subprime» a provoqué une inquiétude plus que légitime sur le contrôle et la surveillance de ces produits réputés les plus sûrs de la gamme des fonds de placements. La Suisse n’a pas été épargnée, puisque quelques fonds étrangers ont dû suspendre temporairement la possibilité pour les clients de racheter des parts en raison de leur incapacité d’évaluer leurs actifs. Certains évoquent d’éventuels procès.

En Suisse, il est en fait difficile d’avoir une vision globale puisque, comme l’explique Romain Marti, directeur suppléant de la Commission fédérale des banques, «seuls les fonds domiciliés en Suisse sont soumis à la surveillance de la CFB. Or la grande majorité des fonds monétaires autorisés en Suisse sont domiciliés à l’étranger, en raison du droit du timbre (aboli depuis quelques années) et de l’impôt anticipé de 35%», explique notre interlocuteur.

Autre facteur à l’origine de cette situation, l’enregistrement d’un fonds au sein d’un Etat de l’Union européenne permet au produit d’être distribué sans entraves parmi les 27 pays membres.

Deux douzaines de fonds

En fait, les fonds de domicile suisse sont au nombre d’à peine deux douzaines de produits. Pour ces véhicules de placement, indique encore Romain Marti, «nous sommes en train de nous informer sur les portefeuilles de ces fonds. Mais, d’après nos informations, il semble qu’aucun ne soit exposé à des CDO sur les «subprime» américains. Certains le sont à des ABS (Asset back securities), mais pas non plus sur ce marché. Ces investissements ne semblent de toute façon pas dépasser une fourchette comprise entre 2 et 6%.»

Quant aux fonds domiciliés à l’étranger, ils sont soumis à l’autorité de surveillance du pays d’émission du fonds, comme l’indique l’article 120 de la LPCC.

Ceci dit, une autorisation n’est délivrée que si la direction ou la société est conforme aux dispositions de la LPCC au regard de l’organisation, des droits des investisseurs et de la politique de placement. Il faut également, comme le prescrit l’alinéa c. de ce même article, que «la dénomination du placement collectif ne puisse pas prêter à confusion ni induire en erreur». Point que l’on retrouve dans l’article 12 de cette même loi pour les fonds domiciliés en Suisse.

Autorisation retirée?

On peut évidemment se demander si l’autorisation octroyée à des fonds monétaires bourrés de CDO sur des «subprime» pourrait être retirée, pour les sanctionner d’avoir trompé les investisseurs. La réponse de la CFB est que, «tant que le fonds respecte le prospectus et le règlement, la CFB n’a pas de raison d’intervenir, explique Romain Marti. D’autant plus que ces produits bénéficiaient d’excellentes notations de la part des agences spécialisées.»

En fait, c’est plutôt vers ces dernières qu’il faut pointer le doigt. Le problème n’est pas nouveau et rappelle l’affaire Enron-Arthur Andersen: quand vous êtes payé par celui que vous devez évaluer, comment résister à la complaisance?

Notations excellentes

Cependant, il paraît un peu facile de rejeter toute la faute sur les agences de notation, car tous les professionnels avertis connaissaient les risques de ces produits composés de titres de qualité très variable et qui, comme par miracle, bénéficiaient d’un label de qualité excellente. La prudence aurait dû être d’autant plus de mise que le marché immobilier américain donne des signes de surchauffe depuis des années. Se réfugier derrière des notations de crédit notoirement complaisantes n’est guère convaincant.

En fait, la crise révélée par ces fonds monétaires met en évidence une des faiblesses de la loi: l’investisseur est censé être averti et parfaitement apte à juger le contenu des investissements engagés. Il est vrai, comme le rappelle Romain Marti, que l’investisseur a tous les moyens pour s’informer sur la politique du fonds, suisse ou étranger, avec le prospectus, simplifié ou non, et le règlement, et peut obtenir gratuitement des explications de la part de la direction du fonds.

«Mais en réalité, il est extrêmement difficile, voire impossible, à un néophyte de savoir ce qui se cache sous les lignes de positions de papiers monétaires plus ou moins complexes et encore moins de connaître le degré de risque auquel il est exposé», comme en convient notre interlocuteur.

Quelle que soit l’évolution de cette affaire et de ses éventuelles suites judiciaires, on peut se demander quels sont les moyens pour attaquer la direction d’un fonds de placement en cas de litige. «Comme un fonds est contrat de droit civil, explique Romain Marti, on peut déposer une plainte civile. Mais, et pour les fonds domiciliés en Suisse uniquement, la CFB peut intervenir auprès d’un fonds qui violerait la loi ou son règlement», ajoute-t-il, ce qui est «meilleur marché et plus efficace qu’une procédure civile». A relever, poursuit le directeur suppléant de la CFB: «Si le client se plaint parce qu’il a perdu de l’argent, nous ne pouvons rien faire. Il doit passer par le droit civil, par les tribunaux.»

En cas de faillite de la banque dépositaire

Les directions de fonds de placement domiciliés en Suisse ou à l’étranger doivent obligatoirement déposer leur fortune auprès d’une banque, appelée justement banque dépositaire. Cet établissement est chargé de l’émission et du rachat des parts. Elle doit également veiller à ce que la direction du fonds respecte la LPCC et son règlement. Malheureusement, cette sécurité se paie par la prise d’un autre risque en cas de faillite de cette banque dépositaire.

Car si la part de la fortune constituée de titres n’entrera pas dans la masse en faillite, il en ira autrement des liquidités confiées à la banque. Ces dernières seront donc perdues pour les détenteurs de parts.

Par ailleurs, il est important de noter que les investisseurs ne sont absolument pas protégés en cas de pertes consécutives aux mouvements des marchés.

Etant donné la complexité des documents officiels, il est ainsi vivement recommandé de demander des explications au vendeur du fonds pour savoir sur quels marchés, avec quels instruments et en quelles monnaies il est investi. Car le détenteur de parts ne pourra se prévaloir de son ignorance en cas de perte.