La Fondation Genève Place Financière veut jouer son rôle de lobbyiste pour contrer le «Swiss finish». Son président, Nicolas Pictet, déplore la détérioration des conditions-cadres

La place financière genevoise a subi une chute dans le classement bimestriel établi par Z/Yen Group depuis 2007. Genève n’apparaît plus qu’au 13e rang, perdant plus de quatre places par rapport à l’évaluation de l’année dernière. Face à ce constat, Nicolas Pictet, président de la Fondation Genève Place Financière, a mis en garde mardi à Genève contre les effets néfastes du «Swiss finish» dans notre arsenal législatif, à l’occasion de la conférence de presse annuelle de présentation de son enquête conjoncturelle 2014-2015.

L’associé-gérant de Pictet explique le recul de Genève dans la hiérarchie des places financières: «Une réglementation et une action gouvernementale peu positives pour la finance. En d’autres termes, les conditions-cadres se sont détériorées et la volonté du gouvernement de les améliorer est incertaine.» Genève n’est toutefois pas la seule à être rétrogradée: c’est également le cas de Zurich, du Luxembourg ou des centres offshore tels que Jersey et Guernesey.

Les résultats de l’enquête conjoncturelle confirment cette dégradation, avec des indicateurs globalement en baisse. La place genevoise continue cependant d’enregistrer de nouveaux apports de fonds, qui viennent prioritairement de l’étranger, en particulier du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, indique Edouard Cuendet, le directeur de la fondation. Cet indicateur doit toutefois être nuancé, poursuit-il, même s’il ne veut pas «jouer les Cassandre»: 38,5% des plus grands établissements ont enregistré des retraits de fonds (notamment de clients d’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest), alors qu’il n’y en avait aucun lors de l’exercice précédent. «Les ajustements ne sont pas encore terminés. C’est ainsi que les intermédiaires financiers sont prudents sur les perspectives pour 2015 tant en termes d’emplois que de bénéfices compte tenu de l’évolution des conditions-cadres», poursuit-il.

Dans cet environnement, la fondation veut jouer son rôle de lobbyiste en luttant contre la poursuite de la dégradation de ces fameuses conditions-cadres, et en particulier le «Swiss finish». Pour la loi sur les services financiers, Nicolas Pictet fustige «des dispositions inutiles et qui vont bien au-delà de ce que font nos voisins. Il n’est ainsi pas concevable que les intermédiaires financiers fassent l’objet d’une présomption de culpabilité.» Par ailleurs, «la reprise de la stratégie de conformité fiscale dite «Weissgeldstrategie» dans le projet de loi sur les établissements financiers n’est pas plus acceptable, alors que la Suisse s’est ­engagée à pratiquer l’échange automatique d’informations conformément au standard de l’OCDE».

Autre cheval de bataille de la fondation, les questions fiscales. Le président met ainsi en garde contre les effets de différentes initiatives bientôt soumises au peuple ou de projets de loi: la suppression de l’imposition d’après la dépense, qui pourrait faire perdre d’importants revenus fiscaux et de grands consommateurs; l’introduction d’un impôt fédéral de succession; la création d’un impôt fédéral sur les gains en capital privé. Quant à la réforme de l’imposition des entreprises, «Genève doit absolument réussir cet exercice. Il en va du maintien sur notre sol des multinationales et des dizaines de milliers d’emplois qu’elles génèrent», souligne Nicolas Pictet.

Le succès d’une place financière ne peut toutefois pas se résumer à de pures questions juridiques et légales. Dans quel domaine la Suisse pourrait-elle améliorer ses prestations pour regagner du terrain face à la concurrence internationale? A cette question, Nicolas Pictet cite l’asset management, c’est-à-dire la gestion institutionnelle: «Cette activité n’est clairement pas assez développée en Suisse. L’Association suisse des banquiers a entrepris une réflexion sur cette question et en a fait une priorité stratégique. Mais il faut des gens compétents qu’on puisse attirer en Suisse. C’est la principale préoccupation.»