Le patrimoine est comptabilisé comme un revenu virtuel, réduisant d’autant les prestations effectivement versées. Et ceux qui possèdent leur propre logement doivent compter sur une franchise plus élevée, qui monte jusqu’à 300 000 francs dans certains cas

Contrairement à une idée répandue, l’octroi de prestations complémentaires n’est pas totalement incompatible avec quelques économies personnelles et, dans des cas très particuliers, la propriété de son logement.

A la fin du mois dernier, la NZZ am Sonntag révélait que l’OFAS avait l’intention d’abaisser de 50 à 40 ans l’âge limite pour pouvoir retirer son 2e pilier dans le but d’accéder à la propriété de son logement. Une telle mesure viserait à éviter que des propriétaires trop serrés financièrement ne disposent plus à la retraite d’un avoir de vieillesse suffisant pour pouvoir faire face à leurs charges. Ils n’auraient alors d’autres choix que de réclamer le versement de prestations complémentaires pour faire l’appoint.

Les personnes qui sont dans une telle situation ont effectivement le droit d’y recourir puisque ces fameuses prestations complémentaires ont pour but d’aider les bénéficiaires de rentes AVS, AI, d’une allocation pour impotent de l’AI (après 18 ans) ou ceux qui touchent une indemnité journalière de l’AI pendant six mois, lorsque les besoins vitaux ne peuvent être couverts au moyen de ces seuls moyens. Ces prestations constituent d’ailleurs un droit et ne doivent pas être confondues avec des prestations de l’assistance publique ou privée. Il faut être domicilié en Suisse pour y avoir droit.

Cette information, qui n’a pas été confirmée par l’OFAS, n’aurait au fond rien de surprenant. Car de nombreux experts mettent depuis longtemps en garde les candidats à la propriété aux revenus trop modestes contre ce risque. Et il n’est évidemment pas très logique qu’une assurance sociale vienne finalement au secours de personnes qui prennent sciemment le risque de se retrouver en difficulté à l’heure de la retraite. On peut se poser la question de savoir si un tel changement législatif, s’il se concrétisait, permettrait de résoudre ce problème, sans pour autant freiner l’accession à la propriété de son logement, alors que la proportion de propriétaires en Suisse reste très basse par rapport à la moyenne européenne.

Mais une telle norme aurait peut-être l’avantage de rendre plus acceptable la prise en compte du patrimoine pour les personnes plus prévoyantes lorsqu’elles demandent des prestations complémentaires. En effet, la fortune va donner lieu à un revenu virtuel, selon un barème différencié selon que la personne est à l’AVS ou à l’AI, à la maison ou en EMS, réduisant d’autant les prestations complémentaires effectivement versées.

Le besoin en prestations complémentaires se fait surtout sentir lorsque les personnes doivent entrer en EMS, en raison de coûts généralement élevés. Dans ce cas, l’assurance sociale peut aller jusqu’à prendre un cinquième de leur patrimoine (il s’agit d’une décision cantonale), moins une franchise de 37 500 francs pour une personne seule et de 60 000 francs pour un couple, pour l’intégrer dans le revenu pris en compte pour calculer leur droit. Pour les personnes bénéficiaires de rentes AVS et vivant à la maison, le barème est d’un dixième de leur patrimoine au-delà de la franchise.

Pour illustrer notre propos, on peut s’appuyer sur l’exemple fourni par le canton de Vaud sur son site www.vd/ch/sash (dans son annexe au Mémento No 4) qui présente le cas d’une personne qui vit seule en EMS et qui dispose d’une fortune de 137 500 francs.

En déduisant la franchise de 37 500 francs, l’assurance sociale va donc déterminer un revenu virtuel de 20 000 francs (c’est-à-dire un cinquième de 100 000 francs), qui va s’ajouter aux autres revenus pris en compte. Au total, le service des prestations complémentaires AVS/AI a calculé, sur la base de chiffres qui correspondraient à la majorité des situations concernées, que son revenu déterminant était de 49 215 francs pour des dépenses s’élevant à 68 521 francs. Elle aurait donc droit à une prestation complémentaire correspondant à la différence, soit 19 306 francs par an. Mais il manquerait les 20 000 francs virtuels qu’il faudrait qu’elle puise dans ses économies. En un peu plus de 5 ans, elle aurait donc intégralement consommé le montant dépassant la franchise.

Ceux qui possèdent leur propre logement ont droit à une franchise plus élevée, à 112 500 francs, pour monter même jusqu’à 300 000 francs dans certains cas, notamment si l’un des conjoints vit déjà en EMS. Mais, évidemment, si le bien est peu hypothéqué, le propriétaire n’aura sans doute droit à aucune prestation complémentaire. C’est pourquoi certains pourraient être tentés de s’en dessaisir en faveur de leurs héritiers, tout en conservant un droit d’habitation ou un usufruit.

On rappellera qu’à l’instar du bénéficiaire du droit d’habitation, l’usufruitier cède sa propriété au nu-propriétaire, mais reste redevable de la totalité des charges de la maison et, principalement, de celles qui sont liées à l’endettement hypothécaire. En contrepartie, il pourra non seulement occuper le logement, mais également le louer.

Cette stratégie n’aurait cependant aucun effet sur le montant de la fortune pris en compte, car l’assurance sociale va considérer les biens cédés de cette manière par le demandeur de prestations complémentaires comme faisant toujours partie de ses biens, et cela sans aucune limitation dans le temps. Tout au plus un abattement (amortissement) de 10 000 francs par an depuis la donation sera autorisé. Ainsi, en cas de découvert de pension, ce sera au donataire, c’est-à-dire au bénéficiaire de la donation, de le couvrir.

En revanche, le choix entre droit d’habitation ou usufruit n’est pas sans conséquence pour la personne entrant en EMS. Car le droit d’habitation n’est plus alors plus pris en compte comme revenu, contrairement à la valeur locative liée à l’usufruit du logement, même si l’usufruitier y a renoncé.