MATIÈRES PREMIÈRES Ces produits ont aussi une fonction importante de diversification. Surtout s’ils sont investis de manière directe.

De belles perspectives attirent les investisseurs qui redécouvrent les matières premières, comme une catégorie d’actifs indépendante et dotée de caractéristiques propres. UBS rappelle que, dans ce domaine, « l’offre et la demande sont les principaux facteurs d’influence des prix ; le prix des matières premières tend à suivre des cycles longs et leurs caractéristiques risque/rendement sont analogues à celles des actions ». En conséquence, poursuit la banque, les matières premières améliorent les caractéristiques de risque/rendement du portefeuille, grâce à la faible corrélation avec les actifs financiers actions ou obligations. Enfin, les matières premières constituent une « protection contre l’inflation ».

Dans la même veine, Credit Suisse met en avant la croissance mondiale, tirée par la Chine et l’Inde, dont les besoins nécessitent des investissements colossaux en infrastructures (réseaux d’alimentation en eau, logements, bureaux, usines, égouts, transports, etc.). Cette production accrue dope la demande de matières premières. L’attrait pour ces produits comme supports d’investissement est d’autant plus grand que, dans un portefeuille diversifié, les actifs n’évoluent pas de manière synchrone, ce qui limite la volatilité et stabilise le rendement dans la durée.

Les matières premières sont donc à la mode. Il faut dire que depuis 1998 leurs prix ont connu une très forte croissance. Même si leurs cours ont souffert au long de ces derniers mois, le mouvement à long terme devrait se poursuivre. Si l’on en croit la plupart des spécialistes. UBS, par exemple, met en avant une série de facteurs allant dans ce sens : des années de non-investissement chronique de la part des fournisseurs, les risques Inhérents aux. politiques des gouvernements et des banques centrales, Ia mondialisation et les mutations structurelles à long terme, les tendances démographiques actuelles, des aspects géopolitiques et un marché potentiellement haussier à long terme.

Investissements directs limités

Face à un tel enthousiasme, on s’attendrait à ce que les deux premières banques du pays proposent une allocation correspondante dans les portefeuilles sous mandat de leurs clients. En fait, ce serait plutôt le contraire. Jean-Paul Darbellay, porte-parole de Credit Suisse pour la Suisse romande, détaille : « Actuellement, nous n’incorporons pas beaucoup de matières premières dans nos mandats. Dans le cadre de ces derniers, nous investissons plutôt dans l’or et le pétrole, plus rarement dans d’autres matières premières. L’évolution des cours de certaines matières premières demande une connaissance particulière et certains placements ne correspondent pas à nos critères pour des investissements dans nos mandats de gestion. Pour certains mandats, sur mesure uniquement, un produit structuré à capital garanti sur l’or a été mis en place. »

Quant à UBS, si l’on considère son mandat modèle pour un portefeuille équilibré en francs suisses, on ne trouve aucune trace d’investissement direct en matières premières… En revanche, d’autres banques spécialisées dans la gestion de fortune, comme l’Union Bancaire Privée (UBP), proposent une part non négligeable de matières premières pour les portefeuilles de leurs clients. William Jaccard, responsable du groupe Private Banking. Mandates de l’UBP indique : « La part allouée aux matières premières, au sens large du terme, c’est- à-dire en incluant les métaux précieux, représentait 7% d’un portefeuille « Balancé » à la fin du mois d’avril. » Il s’agissait en réalité d’une exposition en instrument dérivé, sur l’or (future). Un instrument, qui mobilise peu de cash, et qui est peu coûteux en termes de frais. Enfin, il bénéficie d’un pricing efficient (spread de 40 cts).

« L’allocation indirecte réelle globale des portefeuilles est toutefois beaucoup plus importante. Si l’on tient compte des expositions des gérants de fonds avec lesquels on travaille. » Nombre d’entre eux, notamment les hedge funds managers (25% de l’allocation), sont exposés à cette thématique au travers de positions dans le secteur de l’énergie (pétrole, gaz) et des matériaux (sociétés minières et/ou investissements directs dans les matières premières).

Focalisation sur le métal jaune

William Jaccard explique encore : « L’or, présent dans les portefeuilles depuis plusieurs années, bénéficie avant tout d’éléments fondamentaux favorables à l’appréciation du prix de ce métal à long terme. » Soit peu d’investissements réalisés ces dernières années par les producteurs, très forte demande au niveau de la joaillerie, besoins en augmentation provenant de la Chine et de l’Inde, diversification des réserves monétaires, etc.

La caractéristique de faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles est également un élément pris en compte. De plus, depuis 2005., le prix de l’or s’est peu à peu affranchi du dollar (relation inverse) et monte maintenant contre l’ensemble des principales devises. À court terme toutefois, la demande financière a très largement anticipé et dépassé ces éléments.

Une demande purement spéculative s’est instaurée, qui milite pour une prudence à court terme. Les fondamentaux sur ces thèmes sont bons, ajoute notre interlocuteur, notamment en raison de l’augmentation de la demande mondiale (en particulier celle des pays émergents), et des difficultés à accroître et/ou estimer la production pour certaines de ces matières premières. À long terme, les perspectives de placement sont donc très intéressantes.

Comme l’UBP, l’établissement privé Edmond de Rothschild investit sur les matières premières par le biais de l’or, comme l’explique Michel Lagier, responsable de la politique de placement de la banque : « Jusqu’à très récemment, le nombre d’outils disponibles pour être exposés sur ces marchés était assez limité pour les mandats de gestion, alors que l’or est le produit le plus accessible depuis longtemps », indique-t-il. Le mandat suisse de gestion interdisait ainsi des spéculations à travers les futures. Aujourd’hui, le législateur est devenu un peu plus souple et, surtout, des produits structurés et des fonds de placement sont apparus sur ces marchés, autorisés pour les mandats. Abondant dans le même sens, William Jaccard précise : « Depuis cette année, les directives de l’ASB concernant le mandat de gestion de fortune se sont assouplies en la matière et devraient à terme favoriser ce type d’investissement qui offre une diversification intéressante dans le cadre de la construction d’un portefeuille. »

Il est prévu au point 8 des directives traitant des opérations bancaires ordinaires qu’en vue de diversifier l’ensemble du portefeuille, le. recours à des métaux non précieux et à des matières premières peut avoir lieu sous la forme d’un placement collectif, d’un dérivé, d’un indice ou d’un produit structuré.

Rôle de substitution

Cet accès à l’or facilité serait insuffisant si le métal précieux ne présentait un avantage déterminant. Comme l’affirme Michel Lagier : « Les grands cycles pour l’or et les autres matières premières sont très similaires. C’est ainsi que l’or joue un rôle de substitut et constitue un très bon moyen pour être exposé aux matières premières. Concrètement, la banque a décidé, il y a déjà quelque dix-huit mois, de monter la part de l’or dans les portefeuilles sous mandat à 7%. Cette recommandation permet d’être fortement corrélé aux cycles des matières premières et donc d’être décorrélé aux actions et aux obligations, tout en étant très faiblement investi en matières premières diversifiées. » À relever que la moyenne effective d’or détenue par la clientèle, y compris celle qui n’est pas sous mandat, tombe à 3%.

Cependant, si l’on tient compte des titres de producteurs de matières premières, cette exposition aux matières premières est probablement deux fois plus élevée. Comme dans toutes les banques privées, la part de titres de mines d’or, de producteurs d’énergie ou de cuivre dans les portefeuilles a considérablement augmenté au cours des dix-huit derniers mois.

Michel Lagier insiste : « Ce n’est pas la même chose d’avoir des titres de BHP, Exxon, Total ou encore Rio Tinto dans son portefeuille que d’être véritablement investi dans des matières premières ! Ces valeurs cotées ne se comportent pas comme les produits qu’elles exploitent : les mines d’or, par exemple, sont fortement corrélées avec le reste du marché. Avec des titres boursiers, on fait une allocation sectorielle, mais pas d’allocation par classe d’actifs, ce qui réduit sensiblement le bénéfice de la diversification. »

Investissement via des fonds

La Banque Cantonale Vaudoise (BCV) a adopté une politique basée sur des fonds de placement. Fabio Alessandrini, responsable du comité de gestion de L’AMC Alternative Fund-BCV Diapason Commodity, souligne : « Dans nos mandats, la part de matières premières est actuellement de 2 à 3%. Cette position est en phase de construction et elle pourrait monter jusqu’à 5% en fonction du développement des marchés. » L’investissement est réalisé dans un panier diversifié de matières premières, dont la composition est proche de celle de l’indice RICI développé par Jim Rogers, par le biais du fonds BCV-Diapason Commodity Fund.

Les raisons de ce choix sont multiples. « D’une part, le fonds est basé sur l’indice RICI qui présente, à notre avis, les meilleures caractéristiques en termes, de rendement/risque au sein des indices de matières premières. D’autre part, le produit propose une allocation active entre les sous-segments que sont les métaux, les produits agricoles et l’énergie, ce qui lui confère la flexibilité nécessaire pour faire face à un marché globalement moins favorable. »

Conservateurs s’abstenir

Chez Lombard Odier Darier Hentsch (LODH), on se montre très prudent par rapport aux placements sur les matières premières. En avril dernier, l’établissement a réduit son exposition à 1%. Alors que ta banque privée avait porté cette part à 5% à fin 2004, avant de la ramener à 3% à fin 2005. Philippe Schindler, responsable de la politique de placement, justifie : « L’explosion du prix des matières premières et en particulier ceux des métaux industriels pourraient souffrir à l’avenir. Ces investissements concernent uniquement la clientèle avec un profil de croissance. Ils sont effectués par le biais de mines d’or, en lignes individuelles ou au travers de fonds diversifiés. Et, de façon plus générale, sur les matières premières au travers de fonds de placement investis autant sur les matières premières en direct que sur les sociétés actives dans ce domaine. » Les clients plus conservateurs ont très peu de matières premières dans leurs portefeuilles.

Légère sous-pondération

La banque Vontobel privilégie l’approche avec les produits structurés, notamment au travers d’un support basé sur cinq indices. Daniel Funk, porte-parole, détaille : « Dans la mesure du possible, nous avons une allocation de matières premières dans nos portefeuilles sous mandat, qui se monte actuellement à environ 5%. Ce qui constitue une légère sous-pondération. »

Cinq types de matières premières ont été achetés : métaux industriels, métaux précieux (or, argent, etc.), énergie (huile, gaz, charbon, etc.), agriculture et bétail. Ces cinq groupes sont pondérés de manière équivalente. « Ce choix et cette pondération nous permettent des potentiels de rendements attractifs avec des instruments liquides. »

Enfin, pour des raisons de diversification, la banque ne suit pas la capitalisation du marché mondial. Cette dernière impliquerait un poids de l’énergie de l’ordre de 60%.

Portes d’entrée vers les matières premières

Marché des futures

Jusqu’à récemment, seul le marché des futures permettait de spéculer sur les matières premières. On rappellera qu’un future est un contrat à terme standardisé qui spécifie les conditions pour la livraison dans le futur d’une matière première ou d’un actif financier. Celui qui achète un tel contrat pour spéculer sur le cours du sous-jacent ne veut évidemment pas acquérir celui-ci. C’est pourquoi, avant l’échéance du contrat, il revendra son contrat. S’il a parié juste et que le cours du produit sous-jacent a monté, son future s’appréciera également. Il encaissera donc la différence.

L’inconvénient de ce type de marché vient des échéances, qui nécessitent un contrôle très serré. Pour éviter de devoir prendre livraison d’une tonne de café, par exemple, il faut faire attention de bien renouveler ses contrats avant l’échéance, en procédant à des opérations dites de roll-over ! On peut également utiliser des futures sur indices de matières premières, dont les plus connus, CRB (Commodities Research Bureau), le Dow Jones AIG, le Goldman Sachs Commodities Index (GSCI) et le RICI (Rogers International Commodity Index).

Produits structurés

De nos jours, il est facile d’investir sur les indices de matières premières via des certificats, qui vont les répliquer. Des produits de plus en plus nombreux apparaissent pour proposer des certificats sur différentes combinaisons de sous-jacents. Par ailleurs, un certain nombre de ces produits sont assortis d’options exotiques, qui vont en modifier le profil risque-rendement, selon le comportement du sous-jacent avant l’échéance. Ces produits souffrent en général d’un manque de liquidités qui pénalise l’investisseur s’il veut les vendre avant leur expiration.

Actions

L’investissement dans des sociétés actives dans l’exploitation de matières premières était naguère la solution la plus simple pour être présent dans ce secteur. Cependant, acheter de l’or ou des actions de mines d’or, par exemple, sont deux choses très différentes. Si l’or présente historiquement une véritable décorrélation avec la bourse, cet avantage est bien moindre avec les actions de mines aurifères, dont le comportement est fortement influencé par l’évolution générale du marché.

Fonds de placement

Les fonds de placement et autres ETF (Exchange Traded Funds) constituent une alternative. Toute la question est de savoir dans quoi ils sont investis. Car s’il s’agit d’actions, on se retrouve avec le problème évoqué dans le paragraphe précédent. LODH propose une solution originale, avec les fonds de fonds LODH Multifonds Commodity, (en francs suisses et en dollars), puisqu’ils sont investis dans des fonds qui détiennent eux-mêmes des participations dans des sociétés actives dans ce domaine pour au moins 70% de la fortune du fonds. Les 30% restants sont placés sur des futures sur matières premières. Cette politique permet de profiter de la décorrélation d’investissements indépendants des marchés boursiers. Pour les ETF, on assiste à un rapide développement de nouveaux produits : ainsi la BCZH a créé récemment un ETF sur l’or.