Au début du mois dernier, SWX Swiss Exchange publiait un communiqué de presse presque triomphal à l’occasion du 100e ETF coté sur le marché suisse. En fait, ce nombre était même largement supérieur, pour atteindre 112. SWX Swiss Exchange y affirmait notamment que, «grâce à ces produits flexibles et avantageux, les investisseurs privés et institutionnels sont en mesure de couvrir les besoins les plus divers».

Pas toujours les plus avantageux

A cette lecture, on pouvait légitimement se demander si les fonds indiciels classiques, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas cotés en bourse, avaient déjà disparu. Ou s’ils étaient condamnés à brève échéance, à l’instar des certificats indiciels, en très nette baisse de vitesse. En fait, si les ETF sont généralement appréciés – à partir du moment où l’on accepte de recourir à des instruments de gestion passive -, les fonds indiciels ont toujours leur place dans les portefeuilles, comme l’indique notre petite enquête.

La force des ETF, sur laquelle s’accordent tous nos interlocuteurs, c’est la très large palette de produits disponibles, qui ne cesse d’ailleurs d’augmenter. En fait, les sélectionneurs de produits n’ont souvent d’autre choix qu’un ETF, car il n’existe tout simplement pas de fonds indiciels classiques sur le marché recherché. Autre atout évoqué, la possibilité de les vendre à découvert, comme l’explique Yves Bonzon, directeur des investissements de la banque Pictet & Cie, «ce qui donne de la liquidité au marché».

En revanche, l’argument habituel de coûts plus avantageux en faveur des ETF est mis en question. La Banque Cantonale Vaudoise en prend même le contre-pied, comme l’explique René-Pierre Giavina, le responsable de la sélection des fonds: «Pour le client, le fonds indiciel est meilleur marché que l’ETF. Le problème, c’est qu’on ne compare que les TER, sans tenir compte des frais d’achat et de vente des parts. Or dans certains marchés, les spreads, c’est-à-dire l’écart entre les cours d’achat et de vente sont très importants. Même s’il est vrai que, pour les grands indices, ces spreads sont très bas.» L’avis de la BCV est d’autant plus intéressant qu’elle recourt très largement aux produits indiciels, soit «plus de 50% dans un mandat purement actions, entre des ETF et des fonds indiciels.»

Cours en temps réel

En tant que produit coté, l’ETF bénéficie évidemment d’une transparence de cours totale par rapport au fonds indiciel: alors que vous pouvez intervenir en cours de séance avec un ETF, en temps réel, le cours d’exécution d’un fonds non coté sera basé sur la VNI, établie en fin de séance et publiée le jour suivant, au mieux. Ce qui peut évidemment susciter quelques surprises en cas de fortes variations de cours quotidiennes. C’est la raison pour laquelle Yves Bonzon explique que «nous allons plutôt utiliser les ETF quand le mouvement est de nature tactique. En revanche, nous nous tournerons vers le fonds indiciel si l’horizon de placement est de plus longue durée, à partir d’une année. Car, surtout pour des investissements importants, le risque de contrepartie est moins élevé avec un fonds indiciel que sur un ETF.»

Complément aux fonds

Michel Juvet, le responsable de la recherche de la banque Bordier & Cie, indique que la banque utilise les ETF comme outil temporaire «lorsque nous nous décidons d’augmenter notre allocation dans un secteur, mais que nous n’avons pas un titre supplémentaire à inclure dans le portefeuille». De son côté, Aurèle Storno, gérant de portefeuilles pour la clientèle institutionnelle chez LODH, explique que l’ETF peut même compléter à point nommé la gestion par fonds: «Cela permet notamment de gérer des sur ou sous-pondérations très rapidement, sans perturber la gestion des fonds dans lesquels nous sommes investis, en effectuant constamment des achats et de ventes.»

Allant plus loin, René-Pierre Giavina explique que cette problématique constitue d’ailleurs un des critères de base quand il faut choisir entre un fonds indiciel classique et un ETF sur le même marché, en raison des montants relativement importants que la banque va engager. En effet, «si le volume du fonds est trop faible, nous pourrions nous décider pour l’ETF correspondant.» L’horizon-temps de placement constitue également un critère essentiel, poursuit notre interlocuteur: «S’il s’agit de mouvements à relativement court terme, nous allons privilégier les fonds indiciels, parce qu’avec les ETF, nous risquons de faire face à un problème d’offre et de demande, avec un élargissement des spreads.»

Victimes de leur succès

Les ETF sont quelque peu victimes de leur succès (150 à 500 produits en trois ans, et 1400 en comptant les cotations multiples), comme l’indique Amedeo Serra, associé de la société Addvision, qui a fait le choix de fonder sa gestion sur des ETF. En effet, ce succès «a attiré des gens qui ont lancé des ETF sur des indices parfois peu liquides et pas très compréhensibles. Certains produits s’habillent en ETF, mais n’en sont pas en réalité. Ce qui explique qu’un certain nombre d’entre eux ne réplique que médiocrement leur indice de référence.» Or la qualité de la réplication constitue un autre critère très important de la sélection, comme le rappelle Amedeo Serra.