Deuxième pilier Comment survivre à l’érosion des rendements et à l’explosion du nombre de retraités? Bien des caisses de pension sont dans l’incertitude. L’expert Pierre Novello fait le point.
Les Suisses doivent-ils s’inquiéter pour leur deuxième pilier? Le spécialiste du marché Swisscanto n’est pour sa part guère rassurant. Le groupe vient de publier les résultats d’une enquête réalisée au printemps auprès de 370 institutions de prévoyance. Il en ressort que les caisses de pension se font du mouron. Certaines se demandent comment elles survivront à l’érosion des rendements financiers et à l’explosion du nombre de retraités. Craintes justifiées? Auteur du «Guide de votre prévoyance», ouvrage de référence en Suisse romande, l’expert indépendant Pierre Novello fait le point.
L’horizon s’assombrit-il pour les caisses de pension?
Pierre Novello: Les chiffres diffusés récemment par Credit Suisse n’incitent pas au catastrophisme.Ils font état d’une amélioration de la situation financière des caisses de pension ces dernières années du fait des bons résultats des placements en actions. Ces performances ont permis aux caisses de constituer des réserves. La part des institutions affichant un taux de couverture supérieur à 100% a nettement augmenté en 2012 et 2013. Ce qui ne dit rien, c’est vrai, des défis de taille que les caisses devront relever ces prochaines années: les taux d’intérêt bas et le vieillissement démographique.
Quelles sont les institutions les plus fragiles?
La situation varie fortement d’une caisse de pension à l’autre. De nombreuses institutions se portent bien, à commencer par celles qui sont adossées à un employeur solide, comme Migros ou Nestlé. La situation est moins rose du côté des caisses publiques: plusieurs d’entre elles doivent être assainies. Les institutions les plus vulnérables–publiques ou privées–sont celles qui comptent beaucoup de rentiers ou d’actifs à la veille de la retraite. La caisse qui doit se faire du souci est adossée à une petite entreprise, elle est en sous-couverture (en découvert) et possède un portefeuille d’assurés âgé.
De quelles armes dispose une telle caisse?
Elle n’a guère de marge de manœuvre. Dans le régime actuel, une caisse ne peut pas revenir sur ses engagements vis-à-vis des rentiers, du moins pour les prestations minimales garanties par la loi (la partie obligatoire). Cela explique la grande vulnérabilité des caisses «âgées». Le système est biaisé en ce sens qu’une institution a intérêt à compter le moins d’assurés âgés possible. On voit d’ailleurs des fondations communes, pour cette raison, rechigner à accepter des demandes d’affiliation d’entreprises et d’indépendants.
Reste que le défi numéro un, à entendre les caisses, c’est l’érosion des rendements financiers…
C’est un fait: avec le niveau plancher historique des taux d’intérêt, les obligations–qui composent l’essentiel du portefeuille des institutions de prévoyance–ne rapportent plus que des cacahuètes. Là encore, toutes les caisses ne luttent pas à armes égales. Les institutions «âgées» sont contraintes à la prudence, ce qui limite la possibilité d’aller vers les investissements plus risqués comme les actions. Cela dit, quand j’entends les caisses pleurer sur les taux bas, je me dis qu’elles passent un peu vite sur un autre aspect positif: l’absence d’inflation. Dans le cas contraire, la valeur du capital serait rognée.
Faut-il s’attendre à une vague defaillites?
J’en doute: le deuxième pilier est complètement décentralisé, ce qui limite les risques de contagion. En cas d’insolvabilité, un fonds de garantie doit couvrir les engagements envers les assurés. Il s’agit évidemment d’une digue modeste en cas de faillites en chaîne. Mais je ne crois pas à un tel scénario.
Dans les circonstances actuelles, que conseillez-vous aux assurés?
De lire leur certificat de prévoyance! Beaucoup ne le font pas et se rendent compte, un beau jour, qu’ils ont une couverture minimale. Si tel est le cas, il peut valoir la peine de souscrire un troisième pilier pour améliorer sa couverture retraite. Tout le monde n’en a évidemment pas les moyens. Il y a une injustice inhérente au système: le salarié ne choisit pas son institution de prévoyance, il ne peut donc pas en changer s’il est mécontent. Cela crée un déséquilibre entre les salariés bien lotis et les autres.