Pour déterminer la valeur d’une action, on recourt à des chiffres clés comptables et à des valorisations intégrant son cours boursier, afin de les comparer à ceux de leurs pairs et de leur indice sectoriel.
Valeurs comptables

Lorsqu’on veut évaluer des actions, on doit prendre en considération des titres de sociétés actives dans un même domaine. C’est pourquoi Jean-Christophe Rochat, CIO de Banque Heritage à Genève, nous a proposé l’exemple de trois entreprises du secteur automobile américain aux profils très différents, soit General Motors, Tesla et Lucid, qui est un petit constructeur de voitures électriques californien en forte croissance. Ces différents indicateurs ont été rassemblés dans le tableau de la page ci-contre, et comparés avec ceux de l’indice de leur secteur.

Ce tableau permet de mettre en évidence la distinction fondamentale entre les chiffres clés comptables et les mesures qui intègrent la valeur boursière de leur titre. Parmi la première catégorie figurent le chiffre d’affaires, le résultat net, l’EBITDA, qui est l’acronyme d’Earning Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization, soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

«C’est probablement l’indicateur le plus important à regarder pour l’investisseur, souligne notre interlocuteur. Ce chiffre indique la capacité de l’entreprise à générer des profits en se basant uniquement sur les coûts d’exploitation. C’est particulièrement pertinent pour des sociétés de croissance, qui ne pourront afficher de bénéfices nets qu’au bout de quelques années seulement.»

Chiffres clé pour des constructeurs automobiles américains

Parmi les indicateurs les plus importants figurent l’EBITDA, sur le plan comptable, et en termes de ratios boursiers, le PER, et le rapport entre la valeur d’entreprise (EV) et l’EBITDA, soit l’EV/EBITDA.

Source : Banque Heritage / Bloomberg

Valorisations boursières

Parmi les ratios boursiers choisis, on trouve évidemment le classique Price-earning Ratio (PER), soit le rapport entre le cours en Bourse de l’action et son bénéfice net par action. Ce chiffre permet théoriquement de déterminer si le prix à payer pour acquérir le titre constitue une bonne opportunité, ou non, en le comparant au PER de son secteur d’activité. Ainsi plus le PER serait bas, plus il constituerait un signal d’achat. Mais ce raisonnement s’avère trop simpliste, «car le PER est en général calculé sur les bénéfices passés», comme le rappelle notre expert, sans prendre en compte les résultats des années à venir.

Pour être concret, prenons le cas de General Motors, dont le PER s’élève à 4,68 contre 23,5 pour l’ensemble du secteur automobile américain, tandis que celui de Tesla atteint 95,6. Cette comparaison met en évidence la nature de General Motors, «qui est une société mature, n’offrant qu’un faible potentiel de développement, alors que Tesla connaît une forte croissance, justifiant un PER très élevé».

«Une autre limite du ratio PER est qu’il dépend de l’existence d’un bénéfice net. Il est donc généralement inapplicable aux petites entreprises en phase de croissance.» On en revient donc à l’EBITDA, que les professionnels vont utiliser au travers d’un autre ratio, soit l’EV/EBITDA.

EV/EBITDA

Avant d’aller plus loin, il faut commencer par définir ce qu’est l’EV. «Il s’agit de l’abréviation pour Enterprise Value, soit la valeur d’entreprise, détaille notre interlocuteur, qui est constituée par la somme de sa capitalisation boursière, c’est-à-dire la valeur des titres sur le marché émis par la société, et de ses dettes à laquelle on soustrait ses liquidités. La valeur d’entreprise permet d’estimer la valeur de reprise pour un acquéreur potentiel, puisque, en cas de rachat, il devra en assumer la dette nette.»

En divisant la valeur d’entreprise par l’EBITDA, soit l’EV/EBITDA, on obtient un ratio qui donne une évaluation du nombre de fois nécessaire pour que le bénéfice opérationnel couvre la valeur d’entreprise. À l’instar du PER, on peut considérer que plus la valeur est basse, plus le titre est attractif. Mais, on doit évidemment se montrer tout aussi circonspect que pour le PER afin d’en tirer une conclusion définitive, puisque l’EBITDA pris en compte en général est aussi basé sur des données passées.

Par ailleurs, les jeunes sociétés de croissance en phase de démarrage n’affichent parfois même pas d’EBITDA, comme c’est le cas de Lucid, ainsi qu’on le voit dans le tableau. «Mais on peut tout de même les évaluer au moyen d’un autre ratio, le Price to sales (P/S), soit le rapport entre le cours de l’action et les ventes par action que réalise l’entreprise.»

Titres de valeur

Pour certains investisseurs, le besoin en revenu constitue une priorité. Ils vont donc sélectionner les sociétés à dividendes élevés. Ils pourront ainsi recourir au rendement du dividende, c’est-à-dire au rapport entre le cours de l’action et le dividende. Mais, prévient Jean-Christophe Rochat, «ce ne sont pas les sociétés qui versent les plus gros dividendes qui enregistrent les plus fortes croissances. D’ailleurs, les sociétés dites de croissance ne distribuent en principe aucun dividende dans leurs premières années, afin de réinvestir leurs bénéfices pour soutenir leur expansion.»

Cependant, si l’on s’intéresse justement aux titres de valeur, par opposition aux titres de croissance, c’est-à-dire «celles qui ont été émises par des sociétés matures, dans des secteurs en faible croissance et qui sont sous-valorisées», il est également possible de trouver des pépites.

Mais l’approche va s’avérer un peu différente, précise notre expert, en comparant leur cours à leur valeur intrinsèque: «Pour ce type de sociétés, on ne s’attend pas à une progression spectaculaire de leurs bénéfices, mais à l’élargissement de leurs marges, par des processus d’optimisation opérationnelle. Ce n’est donc pas tellement sur des ratios comme le PER que les analystes vont s’appuyer, mais plutôt sur le Price to book (P/B), c’est-à-dire le cours sur la valeur comptable de l’entreprise, qui est par exemple de 0,67 pour General Motors, alors que celui du secteur s’affiche à 3,9.»