Valeur refuge par excellence, l’or a l’avantage de s’apprécier sur le long terme et de bien résister en cas de turbulences boursières.

Actif rentable

À l’heure où l’on ne parle que de cryptomonnaies, l’or constitue-t-il une solution lorsqu’on construit un portefeuille? Ne s’agit-il pas d’une «relique barbare», comme l’appelait Keynes, qui ne rapporte aucun dividende? Si l’on en croit Arthur Jurus, chef stratégiste Suisse Oddo BHF, ce serait au contraire un actif rentable par l’appréciation de sa valeur au fil du temps, tout en offrant ses qualités défensives traditionnelles.

Son cours est en effet passé de 400 dollars l’once en janvier 2004 à plus de 2000 dollars en début d’année, soit plus de 8% par an, comme on peut le constater sur le graphique ci-contre proposé par notre interlocuteur.

Ce graphique montre ainsi la corrélation inverse entre l’évolution du dollar (contre un panier de devises) et celle de l’or. «Même si cette relation était devenue instable depuis quelques années, elle s’est normalisée en 2023. Cette normalisation a ainsi pris le relais de la relation également inverse entre le cours de l’or et les taux d’intérêt réels américains à long terme. Cette relation fonctionnait d’ailleurs très bien depuis vingt ans. C’est ainsi qu’au cours de l’année qui vient de s’achever, le cours de l’or s’est apprécié en dollars de l’ordre de 15%, soit 6% en francs suisses, puisque la valeur de cette devise s’est accrue de 9% vis-à-vis du billet vert.»

L’or évolue en général dans le sens inverse du dollar

Au cours des vingt dernières années, le cours de l’or en dollars l’once a augmenté lors de la baisse du dollar (contre un panier de monnaies) et a reculé lors de sa hausse.

Source : Oddo BHF

Facteurs d’influence

«Trois facteurs influencent le marché de l’or, détaille notre économiste: tout d’abord, dans l’ordre décroissant, les taux d’intérêt réels à long terme américains, l’action des banques centrales et enfin les événements géopolitiques.» C’est ainsi que, même si l’impact de la remontée des taux d’intérêt américains à long terme sur le cours de l’or a été compensé l’an dernier par le retour de l’effet de la baisse du dollar, «le rôle des taux d’intérêt réel américains de longue durée est toujours aussi présent, comme il l’a été en 2023 et le restera en 2024».

Ce qui n’a rien de très surprenant puisqu’il s’agit d’un coût d’opportunité par rapport à un actif qui ne dégage aucun revenu. Toute hausse des taux d’intérêt s’avère donc défavorable au cours de l’or, et inversement.

Le deuxième facteur d’influence, soit les achats massifs d’or par les banques centrales, il est surtout le fait de la Chine et de la Russie, «qui substituent leurs obligations en dollars contre de l’or». Quant aux événements géopolitiques, ce sont les situations de crises qui incitent les acteurs économiques à acquérir de l’or, comme on l’a vu avec l’éclatement de la guerre entre Israël et les Palestiniens à Gaza, «qui a d’ailleurs eu clairement un poids déterminant sur le cours de l’or à ce moment-là».

Perspectives

À court ou moyen terme, que peut-on attendre du cours de l’or? Pour répondre à cette question, notre interlocuteur met tout d’abord l’accent sur les taux longs américains. «Ces taux vont continuer à jouer le rôle principal. Or ils ont baissé de 5% à 3,5% en fin d’année dernière. Pourquoi? Parce que les investisseurs anticipent la baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale, c’est-à-dire des fed funds, qui pourraient passer du taux actuel de 5,25% à 3,75% en 2025.

Le deuxième facteur qui devrait continuer à faire monter le cours du métal jaune, c’est la poursuite des achats d’or par les banques centrales de Chine et de Russie, qui vont en maintenir le processus d’accumulation, en puisant dans leurs réserves en dollars.

Enfin, en troisième position, les événements géopolitiques, qui peuvent revenir au premier plan en cas de crise, comme cela a été le cas à la fin de l’année dernière.»

À plus long terme, notre spécialiste prévoit le soutien au marché de l’or par la baisse des taux d’intérêt, en raison de la diminution à venir du coût du capital. À l’appui de cette thèse, il met en avant «l’innovation financière, qui réduit notamment les frais de gestion de portefeuilles et de transactions boursières».

Place dans le portefeuilles

Si l’on est décidé à investir sur le marché de l’or pour l’intégrer dans son portefeuille, quels sont les véhicules de placement disponibles? À cette question, Arthur Jurus, rappelle qu’on peut évidemment acheter de l’or physique, avec des lingots, mais aussi en faire l’acquisition de manière indirecte, sous forme de papiers: «Cela peut être en investissant dans des fonds de métaux précieux, ou encore en achetant des actions de sociétés exploitant des mines d’or. L’avantage de détenir de l’or sous forme de papiers par rapport à des lingots, ce sont des frais nettement moindres, puisqu’il n’y a pas de frais de stockage. Au total le coût annuel pour la détention d’or physique peut se monter à 1% en moyenne, contre 0,2% pour des ETF.»

Pour notre expert, la place de l’or dans un portefeuille devrait se monter à au moins 5%, afin qu’il puisse faire bénéficier l’investisseur de ses qualités défensives en cas de turbulences des marchés, par sa décorrélation avec les autres grandes classes d’actifs. Comme on a pu le voir en 2022, alors que les actions et les obligations chutaient simultanément. «Dans cette perspective, l’or doit donc être considéré comme un actif structurel, que l’on ne devrait pas trop toucher, mais au contraire laisser stable dans la composition de son portefeuille.»