Après une année 2022 catastrophique, les fonds immobiliers cotés en Suisse ont évolué en dents de scie en 2023. Malgré la fin de la période des taux négatifs, ces véhicules de placement conservent leurs atouts, notamment un rendement supérieur aux obligations, la régularité des dividendes et la protection contre l’inflation.

Particularités des fonds immobiliers

Les fonds immobiliers sont fermés, c’est-à-dire qu’ils n’émettent de nouvelles parts qu’en cas d’augmentation de capital. Ce qui se justifie par leurs investissements dans la pierre, qui sont particulièrement illiquides. La valeur nette d’inventaire (VNI), c’est-à-dire la fortune du fonds divisé par le nombre de parts, est estimée par un expert sur la base des futurs cash-flows escomptés. Elle n’est publiée qu’une fois par année. C’est la raison pour laquelle, les détenteurs de parts ne peuvent en demander le remboursement que pour la fin d’un exercice avec un préavis d’un an. Mais nombre de ces fonds peuvent être cotés en Bourse, comme c’est le cas en Suisse, donnant ainsi la possibilité de les échanger à tout moment.

«Le cours en Bourse évolue donc au fil de l’offre et de la demande, s’écartant de la VNI, soit au-dessus, on parle alors d’agio, ou au-dessous, qu’on appelle disagio», explique Philippe Gabella, responsable pour la gestion en immobilier indirect auprès de la Banque Cantonale Vaudoise (BCV). C’est ainsi, comme on le voit sur le graphique ci-contre préparé par la BCV, que la performance des fonds immobiliers cotés est composée du dividende, qui est parfaitement régulier, de la variation de la VNI, ainsi que de celle de l’agio.

La performance des fonds immobiliers dépend du dividende et des taux d’intérêt

Sur l’ensemble du marché des fonds immobiliers cotés en Suisse, la performance sur le long terme dépend fondamentalement du dividende, mais, sur le court à moyen terme, par les taux d’intérêt, qui influent sur les agios.

Source : Banque Cantonale Vaudoise

Qu’est-ce qui influence la performance?

«Sur le long terme, les dividendes, financés par les loyers, constituent les principaux contributeurs de la performance, poursuit notre interlocuteur. Globalement, l’immobilier en Suisse bénéficie d’un environnement économique favorable, sans récession et avec des taux d’intérêt assez stables. À quoi s’ajoute le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande de logement, alimenté, d’un côté, par l’insuffisance de constructions et, d’un autre, par la croissance de la population et de l’immigration. Ces conditions permettent aux bailleurs d’accroître les loyers pour compenser la hausse du taux de référence.»

L’autre composante de la performance, l’agio, représente la prime, positive ou négative, pour acquérir des fonds de placement. «Cette prime dépend de l’évolution des taux d’intérêt, mais également de facteurs techniques. C’est ainsi qu’après la longue période de taux négatifs qui s’est achevée en 2022, qui avaient attiré de nombreux investisseurs à la recherche de rendements positifs, le mouvement de hausse des agios s’est retourné à la suite du brusque resserrement de la politique monétaire. Les agios avaient d’autant plus augmenté que les experts tendent à lisser leurs évaluations dans le temps, et n’avaient pas intégré des taux négatifs dans leurs calculs.»

Stratégie d’investissement

Le marché des fonds cotés s’avère très hétérogène, avec une distinction fondamentale entre le marché commercial et résidentiel, qui en représente les deux tiers. Les agios varient donc considérablement entre ces deux catégories de fonds, dont les fondamentaux sont un peu différents, mais également à l’intérieur de chacune d’elles. Agios qui sont aujourd’hui négatifs dans certains cas. La question se pose donc avec d’autant plus d’acuité de savoir si cela vaut la peine d’investir dans des fonds affichant un disagio. «Cette situation constitue un risque, estime notre spécialiste, mais aussi un point d’entrée, si la prime négative se justifie par un facteur technique indépendant de la qualité de gestion du fonds ou des biens en portefeuille.»

À l’inverse, si l’on détient des parts d’un fonds dont la décote peut faire craindre une baisse de la VNI lors de la prochaine estimation, on peut songer à les revendre en Bourse, mais en subissant alors la perte liée au disagio. On pourrait plutôt préférer en demander le rachat au fonds lui-même. «Mais c’est un pari, juge notre interlocuteur, car il faudra non seulement un préavis d’un an, pour la fin d’un exercice, mais aussi prendre le risque de recevoir un montant qui ne sera connu que lors de l’estimation de la VNI à l’échéance.»

Place dans les portefeuilles

On peut se demander si l’acquisition de parts de fonds immobiliers, complexes à analyser, reste d’actualité alors que les obligations sont redevenues rentables. D’autant que les investisseurs peuvent s’inquiéter de l’augmentation à venir des coûts engendrés par la hausse des taux hypothécaires, ainsi que des mesures d’efficience énergétique. Par rapport à ces interrogations, Philippe Gabella rappelle les avantages de ce type d’investissement: diversification, rendement supérieur aux obligations de la Confédération et protection contre l’inflation. Quant aux questions énergétiques, il note que le mouvement est déjà en cours et «que la grande majorité des acteurs les prend très au sérieux, d’autant plus que l’évolution du cadre légal ne laisse guère le choix de procéder ou non à ces investissements».

Enfin, dernier argument en faveur des fonds de placement immobiliers que met en avant notre spécialiste, mais à condition qu’ils soient investis en direct: «Les détenteurs de parts de tels types de fonds sont exonérés de l’impôt sur le revenu qu’ils peuvent en retirer, ainsi que de l’impôt sur la fortune qui lui est liée, ceux-ci étant payés directement par le fonds, à un taux plus intéressant pour l’investisseur, du moins si son taux marginal d’imposition dépasse 20%.»