CONSEILS FINANCIERS Pas facile de s’y retrouver dans la jungle des produits de placement lorsqu’on est novice. Les conseils de base de deux spécialistes indépendants.

La complexité croissante des produits d’épargne ou d’assurance rend la vie toujours plus difficile à l’épargnant. En dépit de l’élévation des règles de protection des consommateurs – Berne prépare une loi sur les services financiers à l’horizon 2015 – une personne moyennement expérimentée peut se retrouver avec un produit inapproprié sur les bras. Analyse de Hugues VanDen Berghe et Pierre Novello, auteurs de deux guides* parus en 2012, spécialistes indépendants en matière de conseil financier.

L’épargnant moyen sans formation financière particulière est-il adéquatement informé par son prestataire de services financiers?

Pierre Novello: Les entretiens organisés par les conseillers à la clientèle bancaires, par exemple, permettent certes de faire un premier tour de la situation de leurs clients sur le plan de leurs revenus, de leur fortune et de leurs envies et possibilités, mais sans combler de grosses lacunes. Ils abordent rarement la question de la prévoyance professionnelle. Généralement, ces entretiens d’une heure débouchent sur la vente de parts de fonds de placement, ce qui reste plutôt décevant.

Hugues Van Den Berghe: L’approche des conseillers financiers dépend fortement de leur expérience. Ceux qui viennent de la banque tendent à placer des produits d’épargne. Les assureurs proposent spontanément des produits de prévoyance et d’assurance. Enfin, les juristes s’intéressent d’abord à l’aspect fiscal. Le client doit être conscient non seulement de ces facteurs, mais aussi du mode de rémunération de la personne qui le conseille: touche-t-il des commissions sur les produits qu’il écoule, ou n’est-il rémunéré que par des honoraires?

Le Tribunal fédéral contraint depuis novembre les banques à rembourser à leurs clients les rétrocessions qu’elles ont reçues. Ce jugement vous paraît-il nécessaire?

HB: C’est évidemment une bonne chose de contraindre les banques de rembourser leurs clients. Cela dit, la Finma veut interdire aux conseillers indépendants de toucher des rétrocessions. Au Royaume-Uni, qui les fait disparaître dès 2013, un conseiller indépendant sur trois a déjà mis un terme à son activité à cause de cela.

PN: Les clients doivent apprendre à poser les bonnes questions et comprendre les réponses. C’est une question de formation personnelle.

HB: Les documents sont souvent rédigés par des juristes, de manière très rébarbative.

Quelles questions un épargnant standard doit-il poser à son banquier?

PN: Plus que poser des questions, l’épargnant doit s’attendre à ce que son conseiller l’interroge sur sa fortune, son âge, sa situation professionnelle et familiale ainsi que sur tous les scénarios prévisibles afin d’établir une adéquation entre la situation personnelle, les besoins et les placements qui lui sont le plus indiqués.

HB: On accorde trop de poids aux gains fiscaux sans examiner les performances réalisables avec des placements moins favorisés par le fisc. Il faut par ailleurs être attentif aux frais et se méfier des conseils simplistes, tels que celui d’investir dans des titres de sociétés «bon marché» ou que l’on connaît bien. Les épargnants doivent éviter de placer dans des actions individuelles. Il est beaucoup plus simple d’acheter des ETF (fonds cotés en Bourse).

Le Conseil fédéral a imposé en 2011 une forme d’information abrégée et standardisée concernant les fonds de placement inspirée du KIID (Key Investor Information Document) de l’Union européenne. Cette exigence suffit- elle à fournir une information accessible?

HB: Pour les fonds de placements, l’information est assez bonne. On pourrait l’améliorer en indiquant, par exemple, la rotation des actifs. Mais les indications de performance ne sont pas toujours complètes. Il manque parfois l’historique complet sur plusieurs périodes depuis le lancement. Les performances ne sont pas systématiquement annualisées et les mesures du risque pas toujours clairement spécifiées. Et souvent, les frais n’apparaissent pas clairement.

PN: L’information est souvent disponible, mais de manière dispersée et dans une présentation telle que l’on a de grands risques de s’y perdre.

Un défi majeur des prestataires de services n’est-il pas justement de réussir à présenter des informations claires et synthétiques?

HB: Le problème, c’est que les fiches d’information des banques ne mentionnent pas toujours explicitement l’ensemble des frais encourus par les fonds profilés (qui canalisent l’épargne dans des fonds sous-jacents en fonction des objectifs de rendement et du profil de risque du client). Les conseillers les présentent couramment comme libres de coûts. Or, il n’existe pas de placement gratuit. De plus, des frais élevés absorbent une partie de la performance.

Les régulateurs doivent-ils contraindre les banques à afficher plus clairement leurs conditions et leurs frais?

PN: Les informations essentielles sont largement disponibles. Si la banque ne les livre pas dans leur intégralité, elles sont rendues accessibles par des organismes indépendants comme Morningstar. Le client doit savoir que le conseiller qui lui fait face cherche avant tout à écouler ses produits pour réaliser des ventes et gagner sa vie! C’est donc au client de poser des questions et de vérifier les réponses.

HB: Le client doit faire un minimum d’efforts pour s’informer, c’est clair. Lorsqu’il achète une voiture ou un frigo, il passe des heures à en examiner les caractéristiques et les prix. Mais, curieusement, il n’entreprend pas ces démarches lorsqu’il se rend chez son banquier.

PN: Il cherche à se débarrasser du problème! Placer de l’argent est moins glamour qu’acheter une voiture.

HB: En revanche, les assureurs n’ont pas l’obligation de fournir une fiche d’information standardisée au client lors de la vente.

PN: Cependant, les éléments essentiels sont présentés. Ce qui est caché en revanche, c’est une partie des frais.

HB: Les frais d’acquisition d’un avoir déposé sur une police d’assurance ne sont pas spécifiés dans les conditions générales. Le client qui passe par un courtier risque, en outre, de se voir très mal informé, ou même qu’on lui mente. Et, si on s’adresse à un tel intermédiaire, aucun recours auprès de l’ombudsman n’est possible.

Les vendeurs de produits dépassent-ils les limites de ce qui est tolérable en matière de pertinence de l’information?

PN: Comme partout, cela dépend de l’honnêteté du conseiller que l’on a en face de soi. A la base, un conseiller en produits financiers fait un travail similaire à celui d’un vendeur d’articles d’électroménager. Ce qui fait la différence, c’est l’importance de la décision pour le client. Celui qui prend une police d’assurance sur la vie s’engage pour de très longues années, voire des décennies. D’où l’importance d’un très bon niveau d’information et d’une bonne compréhension de celleci!

HB: Un conseiller en assurances devrait être obligé de mentionner oralement les frais à son client. De même, il faudrait contraindre les instituts financiers à synthétiser l’information relative aux frais, aux risques, etc. Or, l’information devrait être affichée de manière à ce qu’il soit impossible de s’y tromper.

*Hugues Van Den Berghe: «Comprendre la finance et vos placements. Tout ce qu’on vous cache sur votre épargne». Edité par Van Den Berghe Investment Services, 2012.

Pierre Novello: «Le guide de votre prévoyance». Edité par l’auteur, 2012. «Bourse – Guide de l’investisseur», 2007, 3e édition revue et augmentée.