Le très bas niveau des taux d’intérêt a profité aux fonds dont le rendement s’avère nettement plus élevé que ceux des emprunts de la Confédération
Différentes études ont montré que la rentabilité des placements immobiliers à long terme est en général plus proche de celle des actions, alors que le risque est plus proche de celui des obligations. C’est exactement ce que l’on a enregistré en Suisse comme l’indiquait la Sfama en septembre 2013 dans son étude «Fonds immobiliers suisses, une classe de placement qui a fait ses preuves»: au cours des trois dernières décennies (à fin 2012), les fonds immobiliers suisses ont enregistré une performance globale de quelque 6% en moyenne. Ils ont ainsi dépassé nettement les rendements correspondants des obligations de la Confédération à 10 ans, pour un risque un peu plus élevé. Tandis que cette performance n’est que légèrement inférieure à celle du marché des actions, qui est considérablement plus risqué et qui est soumis à une volatilité plus forte. Etant donné la faible corrélation existant entre les placements immobiliers et les investissements en actions ou en obligations, leur intégration dans un portefeuille diversifié provoque fréquemment, pour un risque donné, une amélioration de la rentabilité globale. De même, l’introduction de l’immobilier réduit aussi, dans de très nombreux cas, le risque.
Des fonds cotés en bourse
Contrairement aux directions des autres fonds de placement, celles des fonds immobiliers ne sont tenues de racheter les parts qui leur sont soumises que pour la fin d’un exercice, avec un préavis de douze mois.
Les parts seront alors remboursées au prix de rachat du jour de paiement. Ce délai, autorisé par la loi, vise à empêcher que les investisseurs ne vendent leurs parts en masse dans les périodes de baisse des prix immobiliers et ne provoquent alors une accélération du mouvement.
Les détenteurs de parts de fonds immobiliers peuvent toutefois les céder à d’autres investisseurs avant l’échéance. La loi a en effet prévu que les directions de tels fonds assurent un traitement de leurs parts sur un marché, que ce soit en bourse ou hors bourse. Il existe un écart, généralement positif, entre le cours de bourse et la valeur nette d’inventaire (VNI), qu’on appelle agio. Historiquement, cet agio se situe autour de 15%.
L’écart se creuse
Au début de l’année dernière, l’agio était pratiquement à ce niveau pour les fonds cotés, à 14,3% en moyenne, comme l’indique Philippe Kaufmann, spécialiste du marché immobilier auprès de Credit Suisse. Mais il est remonté jusqu’à 20,3% à fin novembre et a même fait un bond en décembre pour atteindre 26,1%. L’explication de ce phénomène n’est pas difficile à trouver. Elle vient des taux d’intérêt tombés à leur plus bas et qui ont été le moteur principal de la hausse. Car les fonds immobiliers sont très sensibles à l’évolution du loyer de l’argent: ils dégagent, comme les obligations, un rendement direct relativement élevé et constant, basé sur les loyers encaissés qui constituent leur principale source de revenus. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt montent, le cours des fonds immobiliers baisse; inversement, lorsque les taux reculent, le cours des fonds monte.
L’analyste de Credit Suisse met par ailleurs en évidence la forte divergence en matière d’agios qui s’est manifestée entre les fonds immobiliers dédiés aux biens commerciaux et à ceux qui sont investis dans les immeubles résidentiels. Alors qu’entre 2010 et mi-2012, la différence d’agios entre les deux classes de fonds immobiliers restait limitée, poursuit notre interlocuteur, «entre 5 et 10 points de pourcentage», l’écart s’est creusé l’an dernier: les premiers ont vu leurs agios progresser nettement moins fortement, pour atteindre 12%, contre 32% pour les fonds immobiliers résidentiels. Cette divergence refléterait les difficultés particulières du secteur commercial, «qui sont devenues plus claires» sur les marchés des bureaux et des surfaces de vente, et qui sont beaucoup plus grandes que dans le secteur résidentiel.
Agios trop élevés ?
Après une hausse aussi élevée des agios, la question qui se pose est de savoir s’ils ne sont pas trop hauts. A cette interrogation, notre spécialiste répond par la négative: «Ils reflètent la différence de rendement entre les fonds immobiliers et ceux des emprunts d’Etat, qui n’a d’ailleurs jamais été aussi importante que depuis 1995. C’est pourquoi un investisseur possédant des parts dans un fonds immobilier n’aurait pas avantage à s’en dessaisir en raison de leur rendement élevé, en tout cas cette année. Au-delà de 2015, c’est différent.» Mais tout dépendra de l’ampleur de la hausse des taux d’intérêt qui finira un jour ou l’autre par se produire.
L’analyste de Credit Suisse estime par ailleurs que le marché des fonds immobiliers dispose en quelque sorte d’un «filet de sécurité» puisque la montée des agios s’est accompagnée de la création de nouveaux fonds et de la levée de capitaux par les fonds existants pour des montants importants. Or, il existe logiquement une relation négative entre ces nouvelles émissions et le cours des fonds cotés, puisque les investisseurs tendent à replacer une partie de leurs capitaux dans ces nouveaux véhicules de placement. Ainsi, conclut l’expert, «l’arrêt de nouvelles émissions aidera à soutenir le cours des fonds existants».