Alors que de nombreux observateurs craignent la découverte de nouveaux cadavres dans le placard dans la foulée de la crise du subprime, l’investisseur dans des fonds immobiliers doit-il en craindre les répercussions? En effet, bien que cette crise concerne le marché hypothécaire résidentiel, il ne paraît pas sans conséquence sur l’immobilier commercial aux Etats-Unis, comme s’en font l’écho les analystes de Credit Suisse dans leur dernière édition mensuelle «Global Real Estate». Au point que les analystes de la banque recommandent d’éviter de nouveaux investissements dans ce secteur.
Pas d’impact direct
Pour l’investisseur qui n’aurait recouru qu’à des fonds autorisés en Suisse, «cette crise n’aura sans doute aucune influence directe. En effet, ces fonds sont pour la plupart exclusivement concentrés sur le marché national, et donc complètement à l’abri de la crise américaine», comme l’explique Jean Golinelli, le CEO de CB Richard Ellis – PI Performance. Avis partagé par Ulrich Braun, responsable du service Real Estate Strategies de Credit Suisse Asset Management. «Seul un fort ralentissement, voire une récession, pourrait indirectement avoir un impact sur ce secteur, mais comme sur l’ensemble de l’économie», estiment nos deux interlocuteurs.
En revanche, l’investisseur devrait plutôt s’intéresser à l’évolution des taux d’intérêt, qui sont déterminants pour l’évolution de la valeur boursière des fonds immobiliers. En effet, comme le rappellent les analystes de Credit Suisse dans leur dernière étude annuelle sur le marché immobilier *, les valeurs boursières des fonds immobiliers ne coïncident jamais avec leur VNI. Ce qui est normal, puisque cette VNI ne peut être calculée quotidiennement, comme les autres fonds, mais plutôt sur une base annuelle.
Agios très élevés
Cette différence, qu’on appelle agio quand la valeur boursière est supérieure à la VNI, s’explique essentiellement par le niveau des taux d’intérêt. On retrouve la même logique qu’avec les obligations, dont le cours boursier s’adapte au changement de rendement demandé par le marché: lorsque les taux montent, la valeur boursière du titre baisse et inversement.
Compte tenu de l’évolution des taux au cours de ces dernières années, on ne s’étonnera pas de constater, comme on le voit sur le graphique ci-contre, que l’agio moyen pondéré est largement supérieur à la VNI, pour s’établir actuellement à 18,9%, après être monté à 22,2% en 2006. Ce retrait est dû à la légère remontée des taux d’intérêt enregistrée au cours depuis l’an dernier. Cela montre que les très belles performances des fonds durant ces dernières années proviennent essentiellement de la progression des agios. Ce qui n’est évidemment pas de très bon augure puisqu’on voit mal les taux d’intérêt reprendre leur chemin à la baisse sur le moyen terme.
Cet environnement n’est donc guère propice à soulever l’enthousiasme pour les placements immobiliers, malgré les différentes études qui tendent à prouver que, sur le long terme, les investissements immobiliers contribuent, pour un risque donné, à améliorer la rentabilité des portefeuilles. Le manque d’intérêt pour la pierre s’explique sans doute en grande partie par le risque – souvent évoqué – de surexposition du patrimoine à l’immobilier quand l’investisseur possède son propre logement.
Nouveaux véhicules d’investissement
Mais l’offre évolue puisque de nouveaux véhicules investis à l’étranger sont récemment apparus en Suisse, pour profiter du boom immobilier dans les pays émergents ou déjà développés. On compte ainsi le fonds parapluie Julius Baer Real Estate Securities Fund, investi sur l’Europe de l’Est, l’Amérique latine et l’Asie ou le fonds LCF Edmond de Rothschild Prifund Alpha Property Securities, fonds multigestion en immobilier, investi à l’échelle mondiale, lancé conjointement par la Banque Privée Edmond de Rothschild et CB Richard Ellis – PI Performance. L’investisseur peut ainsi bénéficier d’actifs immobiliers décorrélés de ses biens immobiliers détenus en direct en Suisse, généralement son logement.
Ces nouveaux produits de placement profitent de l’introduction progressive des Real Estate Investment Trust, les fameux REIT. Ces véhicules d’investissements créés aux Etats-Unis se caractérisent par leur transparence et surtout par l’exemption fiscale dont ils profitent, permettant ainsi à leurs bénéficiaires d’échapper à la double imposition. En contrepartie, les REIT sont soumis à un certain nombre de contraintes, principalement celle de verser au moins 90% de leurs revenus imposables. Le marché des REIT s’est vraiment développé aux Etats-Unis au début des années 1980, pour se répandre par la suite au reste du monde, en particulier en Asie. L’Europe n’est pas en reste, puisque l’Allemagne vient d’adopter un statut proche pour les sociétés de placements immobiliers, après la France et la Grande-Bretagne.
* Swiss Issues Immobilier – Faits et tendances 2007