Thomas Lancereau, responsable de la recherche pour la France, le Moyen-Orient et l’Afrique pour Morningstar France, détaille l’approche qualitative développée depuis 2009.

Pourquoi avez-vous lancé cette prestation de notations qualitatives en parallèle de votre analyse quantitative traditionnelle, que symbolise votre système d’étoiles?

Nous pensons que les analyses quantitative et qualitative sont toutes deux utiles pour l’investisseur. Notre système de classement par étoiles, selon la performance ajustée du risque, permet de faire un premier tri, dans un univers qui comprend entre 30 000 et 40 000 fonds en Europe. Tandis que la note des analystes de Morningstar, qui est prospective et indépendante, ne s’applique qu’à 1400 fonds, à cause du travail humain que cela implique.

Il est vraiment important de dire aux investisseurs dans leur sélection de titres qu’ils doivent éviter de se focaliser sur la performance de court terme, car elle constitue un très piètre indicateur de la performance de long terme. Ils devraient plutôt essayer de regarder, à l’aide – je l’espère – des outils de Morning­star, d’autres facteurs que sont la qualité des équipes de gestion, la robustesse des processus d’investissement ou l’intégrité des sociétés de gestion qui détiennent le fonds. Il ne faut par ailleurs pas qu’ils sous-estiment l’impact des frais, qui est le seul élément d’un fonds qu’on peut contrôler en termes quantitatifs pour l’avenir.

L’examen des notes qualitatives des analystes de Morningstar sur les fonds montre qu’elles sont majoritairement positives, avec très peu de notes négatives. Comment expliquer un tel résultat? Y a-t-il un biais dans la sélection des fonds alors que vous affirmez par ailleurs votre complète indépendance à cet égard?

Statistiquement, c’est vrai que nous avons un biais positif. Mais il s’explique facilement. Tout d’abord, même s’il n’y a pas de critères rigides pour établir ces évaluations, Morningstar s’est attaché à noter en priorité les fonds les plus gros, car l’objectif est d’aider leurs nombreux investisseurs à prendre des décisions grâce à une analyse indépendante. En privilégiant les fonds de grande taille, nous obtenons donc ce type de notes, qui résulte également d’une certaine efficience du marché.

Mais en parallèle nous notons des fonds de plus petite taille, parce que nous les considérons a priori comme intéressants pour les investisseurs. Ce serait par exemple le cas d’un fonds qui viendrait d’être créé par un gérant talentueux. En revanche, on ne risque pas de trouver de petits fonds mal notés, avec des appréciations négatives ou neutres. Cela n’aurait pas beaucoup d’intérêt, puisqu’il y a peu d’investisseurs dans ce type de produits.

Par ailleurs, et c’est le second point qui est aussi très important, ces notes sont revues au moins une fois par an: nous décidons alors de ce que nous continuons à couvrir ou pas. Or comme ces notes s’adressent a fortiori aux investisseurs, les fonds qui sont notés de manière négative ou neutre vont être remplacés le plus fréquemment possible, car ils ne présentent plus d’intérêt en termes d’opportunités de placement. Cela nous permet de renouveler à chaque fois notre liste de couverture et explique qu’au fil du temps, il y ait de moins en moins de notes négatives.

Bien que nous n’ayons pas vocation à couvrir les fonds indéfiniment, nous allons cependant continuer à le faire pour de très grands véhicules de placement pour indiquer que nous n’avons pas de conviction ou que le produit ne nous semble pas bon. Par la suite, les arbitrages se font, et nous pourrons alors nous concentrer sur notre objectif qui est d’identifier les meilleurs fonds pour les investisseurs.

L’investisseur individuel qui aurait pleine confiance en vos analyses n’aurait-il donc qu’à aller chercher les fonds uniquement notés Gold pour constituer son portefeuille?

Il ne faut pas simplifier à l’extrême, car le plus mauvais portefeuille peut être constitué de fonds notés uniquement Gold! Parce qu’il ne s’agit pas de recommandations, mais d’opinions. L’investisseur doit faire son travail d’allocation de style par exemple. Si vous avez acheté trois fonds Valeur notés Gold, vous n’aurez que des fonds Gold. Mais vous ne serez pas diversifié.

Comme nous sommes totalement indépendants, nous n’allons pas nous forcer à trouver des fonds Gold. Si notre conviction n’est pas très forte, notre meilleure notation sera peut-être Bronze ou Silver. Mais si l’investisseur en a besoin pour établir son portefeuille d’allocation d’actifs, il devra quand même les acheter. C’est pourquoi nous avons ces trois notes Gold, Silver et Bronze pour signaler aux investisseurs notre conviction positive et son degré. Et c’est vraiment le point de rupture entre Bronze et Neutre, qui n’est pas une note positive.