Avec un volume de 100 000 milliards de dollars, les obligations représentent le marché financier le plus important de la planète. A ce titre, il n’a pas échappé à la crise financière qui a rappelé au monde entier qu’il n’y avait plus de placement véritablement sans risque

Les marchés obligataires constituent le marché financier le plus important de la planète, avec un volume de 100 000 milliards de dollars (mi-2013, Banque des règlements internationaux, BRI), en forte progression depuis 2007 (70 000 milliards). Soit 80% pour les obligations domestiques (ou intérieures) et 20% pour les obligations internationales. Par obligations internationales, la BRI entend les titres émis par des non-résidents sur tous les marchés, par opposition aux obligations domestiques, qui sont émises par des résidents sur leur marché local.

Depuis 2007, les administrations publiques (administration centrale; Etats, provinces ou cantons d’une fédération; administrations locales) ont été les plus gros émetteurs de titres de dettes, principalement sur leur marché national, pour atteindre un encours de 43 000 milliards de dollars en juin 2013, soit une augmentation de 80%. «Ce qui n’est pas surprenant, souligne la BRI, étant donné la forte expansion des dépenses publiques enregistrées ces dernières années.» Les sociétés non financières ont progressé à un rythme comparable, mais à partir d’un niveau plus faible. En revanche, les émissions des sociétés financières ont connu une faible croissance, qui s’explique par le désendettement de ce secteur.

A l’instar des marchés des actions, les obligations sont cotées sur les principales places financières. Mais l’essentiel des échanges se déroule hors bourse, sur le marché OTC (over-the-counter). Ainsi, les transactions ont lieu par le biais d’un réseau décentralisé de dealers, auxquels seuls les grands institutionnels ont accès. Par ailleurs, les familles de produits obligataires sont très diverses et s’avèrent souvent complexes, comme la dette titrisée, sous forme de CDO et autres ABS, qui sont à l’origine de la crise des subprime.

Dette publique et crise de l’euro

Le marché obligataire de la dette publique européenne a traversé une terrible crise en 2010-2012, baptisée crise de l’euro, à la suite de celle des subprime. Cette dernière crise a contribué à la dégradation des finances publiques de plusieurs pays partageant l’euro déjà lourdement endettés à la suite de l’accumulation de déficits publics – Grèce, Irlande, Portugal, Italie –, ainsi que de l’Espagne, causée par un endettement privé excessif. Ce phénomène s’explique principalement par des taux d’intérêt très bas, alignés sur ceux de l’Allemagne, mais avec des taux d’inflation nettement plus élevés.

Après avoir craint une véritable explosion de l’euro, dans la foulée du quasi-défaut grec sur sa dette, et la perspective d’un effet de domino sur les membres les plus fragiles de l’Union économique et monétaire, le pire a été évité. Des plans d’austérité drastiques furent mis en place, un mécanisme européen de stabilité créé, tandis que le président de la Banque centrale européenne proclama sa détermination à sauver l’euro. En cette fin 2014, la situation paraît sous contrôle, mais l’endettement reste très élevé, alors que la croissance n’est pas au rendez-vous.

Obligations d’Etat ou de société privée

La crise de l’euro a rappelé qu’il n’y avait aucun placement véritablement sans risque. L’Etat américain lui-même, vers qui tous les investisseurs se tournent en cas de turbulences, a accumulé une telle montagne de dettes qu’on peut émettre des doutes quant à sa capacité absolue à honorer tous ses engagements sur le long terme. De toute façon, l’attrait des emprunts d’Etat s’est beaucoup réduit: ils ne pourront plus doper les performances des portefeuilles, comme ils l’ont fait au cours des trente dernières années, grâce à la baisse graduelle des taux d’intérêt. Ce qui a ainsi permis aux obligations souveraines à 10 ans de générer une rentabilité nominale moyenne de 9,3%, coupons inclus, d’une manière relativement régulière, comme l’indique une étude de la banque Pictet.

Cette période semble en effet révolue, en raison notamment de la faible probabilité de voir les taux d’intérêt diminuer plus encore et dont la baisse ne pourrait être que limitée de toute façon. Plutôt que de recourir aux obligations d’Etat, de nombreux intervenants sur le marché recommandent d’investir dans des obligations de sociétés privées (corporate). Un des arguments avancés est la meilleure capacité à déterminer si le rendement proposé rémunère correctement le risque pris. Alors qu’avec les gouvernements, il faut évaluer les conséquences de leur politique sur les comptes publics, et de leur détermination à la mener à bien. Le problème des obligations de qualité, autrement dit notées investment grade, c’est leur faible rendement, qui est parfois même inférieur à celui des emprunts d’Etat. D’où la tentation d’aller sur des titres de qualité inférieure, notés à haut rendement, en raison d’un faible taux de défaillance attendu en regard des rendements espérés.

La dette émergente

Le marché de la dette des pays émergents a pris beaucoup d’ampleur au cours de ces dernières années, tant en devises étrangères qu’en monnaies locales, attirant de nombreux investisseurs à la recherche de rendements plus élevés que sur les titres des marchés développés. Depuis mi-2013, ce marché a perdu beaucoup de son lustre, en raison des perspectives de croissance moroses de ces économies et du resserrement pressenti de la politique monétaire des Etats-Unis, provoquant un vigoureux mouvement de désengagement des investisseurs.