Comme on l’a vu dans la première partie de cet article parue dans le précédent numéro de cette publication, les êtres humains recourent à des raccourcis très efficaces dans la gestion leurs actifs financiers. Mais ils peuvent être à l’origine d’erreurs parfois lourdes de conséquences. On peut compléter la liste des biais comportementaux déjà présentés avec les deux mécanismes suivants : l’aversion à la perte et la comptabilité mentale.

L’aversion à la perte constitue un biais mental bien connu des professionnels sur les marchés financiers : il s’agit de notre tendance naturelle à n’accepter de prendre un pari que si le gain espéré est nettement plus élevé que la perte encourue.

Une prudence parfois néfaste

Si l’aversion à la perte conduit à faire preuve d’une prudence souvent bienvenue en Bourse, elle peut se révéler pourtant néfaste sur la performance de son portefeuille à long terme. C’est ainsi que de nombreux petits investisseurs sont enclins à vendre très rapidement les titres de leur portefeuille qui ont monté – pour s’assurer du gain – et à conserver ceux qui ont baissé – pour repousser la perte –, en espérant le redressement ultérieur des cours. Or, à court terme, les titres qui montent tendent généralement à poursuivre sur leur lancée, tandis que les valeurs qui baissent continuent de reculer. En d’autres termes, à cause de l’aversion à la perte, les investisseurs vendent les titres qu’ils devraient conserver et conservent ceux qu’ils devraient vendre…

Il est toutefois primordial de bien prendre en compte la dimension temporelle lorsqu’on suit cette stratégie qui consiste à couper ses pertes et à laisser courir ses profits. Si elle s’avère valable sur le court terme, elle ne l’est plus sur le long terme : les titres des sociétés qui baissent sur une longue période tendent à remonter, tandis que ceux qui se sont bien comportés vont généralement s’affaiblir. Lorsque le mouvement s’inverse, il ne faut donc pas conserver les titres qui montent, mais bien les vendre et garder alors ceux qui ont baissé (mais uniquement s’il s’agit de sociétés solides).

La comptabilité mentale

L’effet de l’aversion à la perte est aggravé par un autre biais, connu sous le terme de comptabilité mentale. Il s’agit de notre habitude naturelle consistant à segmenter les éléments de notre fortune selon l’origine des fonds, la façon dont ils sont conservés ou la manière dont ils sont dépensés. Ce phénomène est particulièrement évident si l’on considère l’argent gagné à la sueur de notre front ou s’il s’agit d’un héritage.

À l’inverse, d’autres comptes constituent des vaches sacrées auxquels on ne doit pas toucher et qui ne doivent donc jamais subir de perte en capital. Cette attitude est loin d’être déraisonnable lorsqu’on doit se garder une poire pour la soif, ou s’assurer un revenu minimal pour la retraite. Mais elle devient irrationnelle lorsqu’elle se combine avec l’aversion à la perte.

Par exemple, lorsqu’on conserve son patrimoine financier en liquidités et en obligations uniquement parce qu’on craint les fluctuations à court terme sur le marché des actions, alors qu’on n’a pas besoin de son argent sur le long terme. En prenant un peu de recul, on prendrait conscience que les effets de la volatilité disparaissent sur une longue période, tout en procurant un rendement nettement plus élevé qu’avec un portefeuille plus conservateur. En résumé, une stratégie apparemment plus prudente garantit un manque à gagner sur le long terme !

Les six questions à prendre en compte avant d’investir en Bourse (2e partie)

Aversion à la perte : Est-ce que j’ai l’habitude de prendre des risques élevés pour éviter d’encaisser des pertes que je pourrais assumer ?

Aversion à la perte (bis) : Est-ce que j’ai l’habitude de prendre des risques élevés pour éviter d’encaisser des pertes que je pourrais assumer ?

Aversion à la perte sur les marchés financiers : Ai-je tendance à vendre rapidement les titres de mon portefeuille qui montent et à conserver ceux qui baissent, au lieu de faire le contraire ?

Confondre court et long terme : Suis-je capable de différencier les mouvements de court terme, qui tendent à se poursuivre dans la même direction, des mouvements de long terme, qui finissent par se renverser ?

Comptabilité mentale : Ai-je segmenté mes avoirs de manière rigide, selon l’origine des fonds et leur affectation ?

Aversion à la perte et comptabilité mentale : Ai-je tendance à éviter les fluctuations boursières à court terme alors que je dispose de l’horizon temps nécessaire pour investir sur le marché des actions ?