Le médecin qui s’approche de l’âge de la retraite a sans doute épargné au titre de la prévoyance. Mais il doit prendre garde à certains aspects fiscaux liés à la cessation de son activité.

Un médecin établi en raison individuelle qui s’approche de l’âge de la retraite ou qui désire exercer ses talents dans un autre domaine doit prendre garde à un piège fiscal, lié aux valeurs latentes des actifs figurant dans son bilan. Ainsi, comme l’explique Tibère Roussot, expert-comptable auprès de la fiduciaire Gespower : « Quand vous cessez votre activité, tous les actifs du cabinet passent automatique- ment de votre fortune commerciale à votre fortune privée. A la suite de cette opération, le fisc va estimer tous les biens transférés à leur valeur vénale. Si vous avez par exemple des équipements médicaux complètement amortis, mais qui valent encore plusieurs milliers de francs, ce montant constituera un gain pour le fisc. Et il en ira de même pour le cabinet (si vous en êtes propriétaire) dont la valeur fiscale sera sans doute bien supérieure à sa valeur comptable ».

Allègements fiscaux

On peut heureusement limiter les effets de l’activation de ces valeurs latentes au moment de leur transfert, selon différentes options. Ainsi, poursuit Tibère Roussot, « les revenus de l’indépendant issus de la réalisation des valeurs latentes (dit bénéfice de liquidation) à la cessation de l’activité vont être imposés de manière réduite par rapport à ses revenus ordinaires, comme le prévoit l’article 37b de l’IFD. Pour bénéficier de ces allègements fiscaux, l’indépendant qui cesse définitivement son activité doit être âgé d’au moins 55 ans, mais au maximum de 70 ans ».

L’indépendant qui serait organisé en raison individuelle peut également choisir de se transformer en SA ou Sàrl pour éviter l’imposition de ces valeurs latentes lors de la vente des parts de la société. Mais cette possibilité requiert plusieurs conditions, comme le détaille Bastien Aeby, spécialiste de la fiduciaire Medcare Support : «Tout d’abord, la nouvelle SA ou Sàrl doit rester assujettie en Suisse après le changement de son statut juridique. Ensuite, la société doit reproduire les mêmes valeurs comptables que celles qui figurent dans le bilan de la raison individuelle ; elle doit reprendre une exploitation distincte et viable, à savoir celle d’un cabinet médical. Enfin, aucune vente de parts ne doit intervenir dans les cinq ans suivant cette opération ».

Rappel d’impôt en cas de vente prématurée

« Si vous ne respectez pas l’une ou l’autre de ces conditions, reprend Bastien Aeby, le fisc procédera à un rappel d’impôt en estimant que lors de la transformation de la raison individuelle en SA ou Sàrl, vous avez réalisé ces gains sur les réserves latentes. » Pourquoi ? «Parce que lorsqu’on vend une action d’une SA, ou d’une part sociale d’une Sàrl, le gain en capital est exonéré. Donc la réalisation des valeurs latentes le serait également. La cession immédiate des titres de la société après la transformation constitue ainsi aux yeux du fisc une évasion fiscale, d’où la fixation de ce délai. »

Le choix de passer de raison individuelle en société de capitaux donne la possibilité de diminuer plus encore la somme des impôts à régler, comme le précise Tibère Roussot : «L’indépendant pourrait capitaliser ses revenus excédentaires dans la société, puis, au moment de la cessation de son activité, commencer à vendre le matériel médical par exemple, dont le bénéfice serait également imposé au niveau de la société. Il pourrait ensuite conserver cette structure pendant quelques années, pour la vider de sa substance au fil du temps en se versant des dividendes, qui pourraient constituer un complément à sa prévoyance ».

Le report des bénéfices sous forme de dividendes étalés sur plusieurs années a comme grand avantage, ajoute pour sa part Bastien Aeby, « de casser l’effet de la progressivité de l’impôt et donc de réduire sa facture fiscale totale ».

Calendrier

Question calendrier, les deux experts s’accordent pour conseiller aux praticiens de s’y prendre suffisamment tôt avant le départ à la retraite, étant donné ces contraintes fiscales. Selon Bastien Aeby, « pour maximiser ses économies fiscales, le médecin devrait s’y préparer presque dix ans à l’avance avant la fin envisagée de son activité. Concrètement, le médecin qui veut arrêter de travailler à 65 ans devrait peut-être transformer sa raison individuelle en SA ou Sàrl à 55 ans au plus tard. De cette manière, s’il trouve un jeune médecin dans les cinq ans prêts à lui racheter à bon prix les parts de sa société, il bénéficierait alors d’un gain exonéré sur la plus-value de ses titres. Mais ce ne sera doute pas facile de trouver des candidats à la reprise, comme on le constate aujourd’hui ». Pour sa part, Tibère Roussot recommande : «Si l’on envisage de passer par la transformation de la raison individuelle en société de capitaux, il faut anticiper d’au moins cinq ans l’arrêt de l’activité et au moins trois avant pour la remise du cabinet ».