Sous leur apparente simplicité, les ETF, ces fonds échangeables en bourse, obligent l’investisseur à se préoccuper de plusieurs points techniques. Frais, réplication physique ou synthétique, risque de contrepartie doivent être examinés

Les ETF (exchange traded funds), qui sont des fonds indiciels négociables en bourse, sont de plus en plus populaires. Ils n’en demeurent pas moins risqués pour plusieurs raisons, comme l’a mis en évidence une étude publiée le mois dernier dans une revue de l’Université d’État de l’Ohio (1). Ainsi, les chercheurs ont montré un accroissement de la volatilité des actions sur lesquelles ces produits sont construits, tant en cours de séances que sur une base quotidienne. Pour expliquer ce phénomène, ces spécialistes mettent en avant l’activité d’arbitrage entre les ETF et les actions sous-jacentes, qui augmentent les transactions sur ces titres.

Cette étude cristallise ainsi les interrogations autour de cette famille d’instruments financiers qui ont pris une importance considérable au cours de ces dernières années. Toujours selon cette publication, les ETF représenteraient un volume de 2500 milliards de dollars de fonds sous gestion (octobre 2013), au point de faire craindre l’accroissement des risques systémiques dans les marchés financiers. Crainte qui s’était d’ailleurs matérialisée lors du «flash crash» du 6 mai 2010 sur le marché américain lorsque les cours s’étaient effondrés, avant de récupérer le terrain perdu avant la clôture: sur le grand nombre de transactions finalement annulées, celles qui portaient sur les ETF en représentaient les deux tiers.

Sur cette crise potentielle de liquidités se greffent les risques de contrepartie, que la réplication de l’indice soit physique ou synthétique. Dans le premier cas, bien que le fonds investisse directement – tout ou partie – dans les titres constituant l’indice sous-jacent, il est fréquent qu’il prête une partie de ses titres pour améliorer sa performance. Quant à l’ETF à réplication synthétique, il procède à un swap, pour échanger le rendement de l’indice à répliquer contre celui d’un portefeuille – qui sert de collatéral – dans lequel la fortune de l’ETF est investie. Il existe donc un risque qui s’ajoute à celui du marché sous-jacent, si la contrepartie ne parvient pas à honorer son engagement.

Par rapport à ce risque systémique, l’investisseur individuel peut s’interroger. S’il estime ce risque exagéré et considérant qu’il concerne de toute façon tous les types de placements susceptibles d’être la cible de traders à haute fréquence, il n’a pas de raison de renoncer globalement aux ETF. Mais il doit s’adapter aux nouvelles règles du jeu. Car, comme l’écrit Hughes Van Den Berghe, conseiller financier indépendant à Lausanne, dans un ouvrage consacré à la finance2, les énormes pertes subies sur les ETF (dont beaucoup furent annulées par la suite) viennent de ce que leurs détenteurs «avaient placé des ordres «stop» dans le marché destinés à vendre automatiquement passé un certain seuil de pertes». Moralité, les ordres «stop loss» sont à bannir dans des marchés vulnérables à de violents trous d’air.

A partir de là, l’investisseur doit commencer à faire ses devoirs pour déterminer le type d’ETF dans lequel il veut placer ses fonds: ETF à réplication physique ou synthétique? Il doit aussi s’informer sur les risques de contrepartie éventuels. Information qu’il n’est pas toujours facile d’obtenir. Sur le marché européen, le risque pour ce dernier type de produit est limité à 10% du capital. Malgré ce risque réduit, les investisseurs semblent privilégier les ETF à réplication physique. C’est d’ailleurs aussi la tendance de l’industrie, sous l’influence du leader mondial Blackrock.

Au-delà de ces critères de risque, le choix d’un ETF doit évidemment correspondre à à celui de l’indice sous-jacent que l’on veut mimer. Il est donc nécessaire d’évaluer l’écart entre l’évolution du produit et celle de son sous-jacent, autrement dit son track record. Autre élément important, la réputation de l’émetteur de l’ETF, qui garantira la liquidité nécessaire pour maintenir un spread – l’écart entre prix offert et demandé qui s’ajoutera aux frais de courtage à chaque transaction –, à l’intérieur d’une fourchette resserrée. Il s’agit également d’éviter que l’ETF ne soit rapidement dissous, et les parts remboursées à des conditions sans doute mauvaises. Dans la même logique, il faut prendre garde aux produits établis sur des indices exotiques ou sur des segments de marché trop étroits.

Les ETF complexes, comme les produits à levier, peuvent par ailleurs constituer de véritables pièges pour les néophytes. En effet, comme leur nom l’indique, ils permettent de multiplier l’évolution de l’indice sous-jacent, par exemple le double ou le triple, sur une base journalière. Mais, comme le relève Hughes Van Den Berghe, ces produits sont destinés aux traders à court terme car, «dans la durée», ils ne se comportent pas du tout selon ce schéma. De même, les ETF dits inverses, c’est-à-dire des fonds dont la valeur augmente lorsque le sous-jacent baisse, et inversement lorsque ce dernier augmente, sont destinés au trading à court terme. Sur la durée, même quelques semaines, le résultat sera très différent, avec «à la clé parfois de très lourdes pertes».

1. «Do ETFs Increase Volatility?» par Itzhak Ben-David, The Ohio State University, Francesco Franzoni, Université de Lugano et Swiss Finance Institute, Rabih Moussawi, University of Pennsylvania.

2. «Comprendre la finance et vos placements – Tout ce qu’on vous cache sur votre épargne», Hugues Van Den Berghe, Van Den Berghe Investment Services, Lausanne, 2012.