Les rentes certaines sont une bonne alternative si l’on a besoin de revenus réguliers après avoir retiré une partie de son capital de 2e pilier

Les déclarations du Conseil fédéral portant sur le 2e pilier au début de l’été, visant à en limiter le retrait aux personnes quittant la Suisse, ont suscité une forte émotion. Il pourrait ainsi n’être plus possible de sortir l’avoir de prévoyance en arrivant à l’âge de la retraite, pour accéder à la propriété de son logement ou encore lorsqu’on devient indépendant.

L’idée des autorités est de contrer les fortes augmentations de dépenses des prestations complémentaires, dont l’objectif est de venir en aide aux rentiers AVS ou AI qui ne parviendraient pas à couvrir les besoins vitaux. Dans cette perspective, la limitation du retrait serait de nature à réduire le risque de voir ceux qui choisissent cette solution émarger au bout du compte à cette assurance sociale. Toutefois, comme le reconnaît le Conseil fédéral, le lien de cause à effet n’est pas prouvé.

L’avenir dira si cette réforme aboutira et sous quelle forme. Cependant, on peut rappeler qu’elle ne porterait de toute façon que sur la partie obligatoire du 2e pilier, c’est-à-dire que le capital de prévoyance dépassant un montant d’environ 400 000 francs n’y serait pas soumis. On notera d’ailleurs que même pour cette partie obligatoire, le retrait intégral n’est pas garanti à l’assuré. En effet, les institutions de prévoyance ne sont contraintes de verser à la personne partant en retraite qu’un quart de son avoir de prévoyance en capital, le reste étant servi sous forme de rentes.

Cela étant dit, on peut se poser la question de savoir si c’est vraiment une bonne idée de vouloir prendre son capital. Paradoxalement, la caisse de pension devrait y être d’autant plus favorable que ça lui permettrait de se débarrasser du risque de longévité lié au service de la rente jusqu’au décès de l’assuré. Du côté de ce dernier, la problématique se pose dans les mêmes termes, c’est-à-dire le nombre d’années de survie après le départ en retraite.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’assuré dont l’espérance de vie est faible n’a en principe aucun avantage à choisir les rentes. Mais l’équation se complique si son conjoint lui survit pendant de nombreuses années. Auquel cas le survivant recevra la rente de veuve ou de veuf, d’un montant de 60% du montant qui était versé à l’assuré. Dans ce cas de figure, il faut évidemment s’interroger sur l’état de santé du conjoint.

Le retrait du capital peut également être indiqué en cas de fondation d’une nouvelle famille, comme l’explique Albert Gallegos, responsable du département Conseil patrimonial et prévoyance auprès de la Banque Cantonale de Genève: «En cas de décès de l’assuré, seuls les enfants mineurs ou en formation, jusqu’à 25 ans, toucheraient une rente d’orphelin, tandis que les autres enfants plus âgés n’auraient droit à rien. La prise du capital permettrait de rééquilibrer le partage. Autre motif; le départ à l’étranger dans des pays au coût de la vie inférieur à celui de la Suisse. La rente AVS pourrait suffire à couvrir les dépenses, sans avoir besoin de recourir aux rentes du 2e pilier. Dans ce cas, autant retirer le capital pour procéder par exemple à des investissements immobiliers ou alors pour aider ses enfants à démarrer dans la vie.»

Concrètement, pour celui ou celle qui fait le choix du retrait de tout ou partie de son capital de 2e pilier et qui a besoin de revenus réguliers, le premier produit qui vient à l’esprit, c’est la rente viagère privée. Mais, évidemment, avec restitution, c’est-à-dire qu’en cas de décès prématuré de l’assuré, le solde des primes qui n’auraient pas été utilisées pour le service de la rente est versé aux héritiers.

On peut suivre une autre stratégie, comme celle que préconise Albert Gallegos, c’est-à-dire en recourant dans un premier temps aux rentes certaines, qui sont un pur produit de placement. Cet instrument financier consiste en une prime unique, suivie immédiatement ou de manière différée du remboursement échelonné de ce capital auquel s’ajoute un intérêt. En cas de décès du souscripteur d’un tel produit, ses héritiers continueront à toucher cette rente jusqu’au remboursement intégral du capital, y compris ses intérêts. Il n’y a donc aucune composante d’assurance. Ainsi, explique le banquier, «une personne de 62 ans pourrait par exemple investir dans un produit de rentes certaines pendant dix ans, pour souscrire ensuite à une rente viagère, qui serait alors bien moins coûteuse».

Les rentes certaines sont particulièrement intéressantes sur le plan fiscal puisque considérées comme un placement: elles ne sont donc imposées que sur leur rendement. Par comparaison, on rappellera que les rentes du 2e pilier sont taxées sur leur intégralité, alors que les rentes viagères privées, en 3e pilier libre, le sont à hauteur de 40%. Le fisc peut favoriser plus encore les rentes certaines, comme c’est le cas à Genève. Ainsi, jusqu’au complet remboursement de la prime et des intérêts, ce produit présente une valeur de rachat, qui va donc être soumise à l’impôt sur la fortune. Mais si le souscripteur renonce au rachat éventuel, il ne sera plus imposé sur la fortune pour ce montant. Il continuera évidemment à recevoir les prestations dues jusqu’à la fin du contrat, lui ou ses héritiers.