Les produits structurés sont-ils dangereux? Fondamentalement, le risque des produits structurés va dépendre de l’évolution de leur sous-jacent. Mais il sera très différent selon la famille de produits à laquelle ils appartiennent. C’est pourquoi il est nécessaire d’aller plus dans le détail, en décomposant ce vaste ensemble selon la nomenclature de la Bourse Suisse (SWX), puisque la plupart de ces produits sont négociés en Bourse, à savoir les certificats, les produits à rendement maximum et les produits à capital protégé.

On constate que les deux premières catégories, dans leur forme la plus basique, sont très exposées au risque du sous-jacent: les certificats répliquent fidèlement l’évolution de la valeur sur laquelle ils sont construits, tandis que les produits à rendement maximum suivent, avec un léger retard, leur sous-jacent lorsqu’il prend le chemin de la baisse. Par définition, les produits à capital protégé échappent presque complètement à ce risque (la couverture n’atteint en général que 90% du capital investi).

Si le risque associé au sous-jacent paraît facile à évaluer, il n’est pourtant pas toujours correctement perçu par les investisseurs en raison de présentations parfois quelque peu fallacieuses. Par exemple, le reverse convertible, qui fait partie des produits à rendement maximum, est souvent confondu avec un produit obligataire classique. Il s’agit d’un produit sur une action qui délivre un revenu annuel sous forme d’un intérêt fixé d’avance et garanti, justement, jusqu’à l’échéance. En contrepartie, si le sous-jacent dépasse le cours d’émission, le détenteur du reverse convertible reçoit le montant investi; et si l’action tombe en deçà du cours d’émission, c’est le titre qui est livré à l’investisseur. C’est donc un produit à revenu fixe avec un risque action.

Un investisseur prudent pourrait donc n’investir que sur les produits à capital protégé pour éviter le risque lié au sous-jacent. Ce serait le cas uniquement s’il conservait ses produits structurés jusqu’à l’échéance. Car s’il désire les vendre en Bourse avant terme, il risque de subir une perte en capital sur l’opération sous l’influence des mouvements du sous-jacent. En effet, comme l’explique Paul Coudret, coauteur avec Nils Tuchschmid d’un remarquable ouvrage de vulgarisation sur la gestion alternative, «le risque est de paniquer et de vendre le produit structuré avant l’échéance en perdant ainsi la possibilité d’obtenir le rendement promis, car tous les rendements sont calculés à l’échéance». Remarque qui vaut évidemment pour toutes les familles de produits structurés.

Un autre risque qui est souvent évoqué, comme le rappelle Urs Schneider, ancien directeur de l’International Finance & Commodities Institute (IFCI) à Genève, «c’est le risque de contrepartie. Car il ne faut pas oublier qu’un produit structuré est un prêt accordé à l’émetteur. En cas de faillite, l’acheteur peut ainsi tout perdre. Evidemment, si l’émetteur s’appelle UBS, le risque en temps normal est très limité…» Par ailleurs, l’excellente qualité de débiteur est une condition nécessaire mais non suffisante: il faut en effet que l’émetteur assure la bonne tenue du marché secondaire pour les produits cotés en Bourse. En d’autres termes, il faut que la société émettrice maintienne, en tant que teneur de marché (market maker), un écart raisonnable entre les cours d’offre et de demande (bid et ask) afin que les investisseurs puissent revendre en tout temps leurs produits dans de bonnes conditions.

Paul Coudret mentionne encore un autre risque lié à la fiscalité de ces produits. En effet, explique-t-il, «si le sous-jacent est une action, la situation est simple puisqu’il ne s’agit que de perte ou de gain en capital. En revanche, dès qu’il y a une composante d’intérêts, c’est la bouteille à l’encre! Et il est très difficile de savoir comment l’administration fiscale va imposer tel ou tel produit. Quant aux vendeurs, ils sont en général très mal formés dans ce domaine. Etant donné le poids de l’impôt éventuel, si l’on n’arrive pas à obtenir des informations fiables, il vaut mieux s’abstenir sur ce type de produit», ajoute notre interlocuteur.

La recommandation de notre auteur peut d’ailleurs s’appliquer à tout investissement sur les marchés financiers, c’est-à-dire qu’il faut éviter de toucher aux produits dont on ne comprend pas clairement le mécanisme. Car les dangers de confusion sont nombreux, aidés en cela par les émetteurs qui multiplient les produits, et leurs acronymes, en les truffant d’options exotiques.

Comment investir votre argent II – Les placements alternatifs, par Paul Coudret & Nils Tuchschmid, Tout Compte Fait, 2006.