VÉHICULES IMMOBILIERS Nouvelle loi en vigueur depuis le début de l’année. Les Real Estate Investment Trusts doivent reverser au moins 90% de leurs revenus aux actionnaires. Revalorisation du parc immobilier.
Après la France en 2003 et la Grande-Bretagne cette année, le Parlement allemand a également approuvé la nouvelle loi sur les sociétés de placement immobilier sous une forme qui s’inspire des Real Estate Investment Trusts (REITs) américains. Adoptée début avril 2007, cette loi devrait entrer en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier. Ces sociétés devront obligatoirement être cotées en Bourse. À l’instar des REITs créés aux États-Unis, elles seront exonérées de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les bénéfices, à condition de reverser au moins 90% de leurs revenus à leurs actionnaires. L’Italie devrait également introduire prochainement ce type de sociétés.
Le développement des REITs en Europe, qui représentent déjà 50% des sociétés immobilières, suscite évidemment beaucoup d’intérêt de la part des professionnels. Et même de ceux qui n’ont aucune ligne en immobilier dans leurs mandats discrétionnaires, comme l’explique William Jaccard, responsable du groupe Private Banking Mandates de l’Union Bancaire Privée (UBP) : « Ces changements législatifs pourraient avoir pour effet de revaloriser considérablement la valeur du parc immobilier de plusieurs grands groupes de distribution en France ou en Allemagne, comme Metro ou Casino. D’un point de vue stratégique, UBP n’alloue pas de part en immobilier dans les portefeuilles pour la clientèle privée internationale. Bien que reconnaissant l’attrait de cette classe d’actifs sur la construction de portefeuilles, nous concentrons nos investissements en placements dits alternatifs sur les hedge funds. II en irait peut-être autrement si notre culture n’était pas aussi marquée dans ce domaine. »
UBP ne constitue d’ailleurs pas une exception, puisqu’un certain nombre d’établissements font également l’impasse sur l’immobilier pour leur clientèle privée, tel HSBC Private Bank.
Les taux d’intérêt qui favorisent les actifs immobiliers
En revanche, Pictet & Cie fait partie de ces établissements qui investissent sur le marché immobilier pour leur clientèle sous mandat, comme l’indique Yves Bonzon, stratège pour la clientèle privée : « La part allouée à l’immobilier varie de 2 à 5% dans les comptes balancés de la clientèle sous gestion. Ces investissements prennent la forme soit de fonds d’investissement immobiliers monde ex-USA ou asiatiques soit en REITs, principalement japonais ou singapouriens. Ce choix s’explique par le fait que ce sont ces pays qui offrent le plus de REITs cotés en Asie. »
Pour justifier ces choix, Yves Bonzon met en avant « la démographie et la tendance à l’urbanisation très favorables en Asie pour l’immobilier et la politique mercantile de ces pays, dont l’une des caractéristiques est de sous-évaluer la valeur de leur devise. Cela implique des taux d’intérêt réel inférieurs à leur taux naturel ou d’équilibre. Or c’est une situation extrêmement positive pour les actifs immobiliers. »
Le responsable de Pictet & Cie indique par ailleurs que « la banque a également recouru à des fonds immobiliers en Suisse pour profiter de certains avantages fiscaux, par exemple dans le canton de Vaud, comme alternative aux obligations. En revanche, les REITs asiatiques sont plutôt utilisés comme alternative aux actions. Par exemple, pour les clients conservateurs. Avec 25% d’actions, les REITs, à l’instar des hedge funds, constituent un bon moyen d’inciter ces clients à prendre un peu plus de risques. Quant à l’immobilier suisse, pour des clients résidant dans notre pays, il faut prendre en considération le patrimoine immobilier qu’ils possèdent déjà pour éviter de concentrer leurs investissements sur ce type d’actifs. La situation est évidemment différente, lorsqu’on parle d’immobilier asiatique, qui offre une réelle diversification. »
À relever que si Yves Bonzon considère les fonds immobiliers comme des véhicules de placement très intéressants et qui ont tout à fait leur place dans les portefeuilles, il combat l’idée qu’il faut y investir partout et en permanence. « Ainsi, à l’heure actuelle, il ressort de nos analyses internes que les fonds immobiliers américains sont très chers et qu’on ne les achèterait pas aujourd’hui. Il faut par ailleurs prendre garde au risque d’illiquidité, tel qu’on a pu en connaître il y a deux ou trois ans avec les fonds allemands à la suite de scandales comptables. Par ailleurs, les investissements se font également par le biais de private equity pour les clients très fortunés. »
L’immobilier est sous-représenté dans les portefeuilles suisses
À l’autre extrémité du spectre, les analystes de Credit Suisse militent pour des proportions très élevées dans leur étude annuelle sur le marché immobilier suisse, baptisé Swiss Issues Immobilier – Faits et tendances 2007 : « Nous rappelons chaque année que l’immobilier est sous-représenté dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels et privés en Suisse. Vu leurs qualités de diversification et leur structure risque- rendement, des parts de 20 à 30% se justifient tout à fait sur le long terme, et ce quelles que soient les variations de la conjoncture. »
Interrogé sur cette citation, Jean-Noël Granges, responsable de la clientèle institutionnelle suisse romande à Credit Suisse, explique que, « pour les caisses de pension, il est effectivement conseillé d’avoir une part importante en immobilier direct et indirect. Les taux de 20 à 30% correspondant à des moyennes. Le taux idéal devra toutefois être déterminé par une analyse d’asset liability management. »
« Pour les privés, en revanche, le patrimoine immobilier constitue déjà souvent une part importante de la fortune, répond Laurent Morattel, responsable des mandats de gestion pour la Suisse romande. Ce pourcentage variera donc selon la taille des avoirs à disposition. Il faut bien séparer les deux choses, car si on parle de la part immobilière dans un mandat de gestion traditionnel, la philosophie d’investissement est très différente de celle d’une caisse de pension (qui serait ou non sous mandat). »
« Nous avons actuellement un peu plus de 2,5% d’investissements en immobilier dans nos mandats avec le franc suisse comme monnaie de référence et plus de 5% dans nos mandats Focus Suisse mis en place en mars 2006. La particularité du Focus Suisse par rapport au franc suisse normal est un investissement plus important sur la Suisse au niveau des actions et des obligations », précise encore Laurent Morattel. Le choix d’investir dans l’immobilier est dû à une volonté de diversifier nos placements alternatifs et de pouvoir profiter d’une faible corrélation entre ces investissements et ceux réalisés en actions ou obligations.
« L’utilisation de tels investissements, poursuit Laurent Morattel, permet en effet d’améliorer le rapport rendement-risque de nos portefeuilles. De plus, les placements immobiliers bénéficient d’autres caractéristiques intéressantes : un rendement régulier (rendement locatif) avec des loyers généralement adaptés à l’inflation. Toutefois, malgré le fait que ces placements soient inclus dans les portefeuilles orientés sur la Suisse, nos placements immobiliers ne se limitent pas à ce pays mais investissent également en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, où le potentiel de développement est particulièrement intéressant. Nos investissements en immobilier sont faits exclusivement sous la forme de placements créés spécialement pour nos mandats et disponibles uniquement pour les clients sous mandats. »
Ces placements, appelés Realis, investissent dans des fonds immobiliers suisses et étrangers, dans des sociétés immobilières suisses et étrangères ainsi que dans des sociétés d’investissement en immobilier et dans du private equity. La diversification de l’univers d’investissement permet de répartir les risques.
Logique de diversification
La Banque Privée Edmond de Rothschild a pour sa part pris récemment la décision stratégique d’introduire une ligne en immobilier dans les fonds sous mandat, explique Michel Lusa, membre du comité de direction : « Dans notre portefeuille modèle, qui est notre benchmark, nous estimons qu’il faudrait idéalement atteindre une part de 10% en immobilier. Or, étant donné que nous commençons à construire ces positions et que par ailleurs, nous sortons de plusieurs années de très fortes surperformances de l’immobilier global, nous allons plutôt débuter à 5%, pour des portefeuilles en euros ou en dollars. »
Pour justifier cet engagement dans l’immobilier, Michel Lusa met en avant le fait que « les grands marchés d’actions et d’obligations – américains et européens – sont totalement corrélés entre eux. Pour obtenir une véritable diversification, il faut se tourner vers d’autres actifs, tels l’alternatif, dans lequel nous sommes investis jusqu’à 30%, de même que dans les matières premières, essentiellement dans les métaux précieux. L’introduction d’immobilier dans les portefeuilles répond à cette même logique de diversification, d’autant plus que c’est un actif financier important qui croît de plus en plus en raison de l’apparition de REITs dans de nombreux pays. Par ailleurs, l’immobilier est l’un des secteurs les plus porteurs pour tous les pays en forte croissance, en Asie, au Moyen-Orient, dans les pays d’Europe de l’Est. »
Pour Michel Lusa, une autre raison d’investir dans l’immobilier vient de ce que sur les grands marchés obligataires ou d’actions, il est difficile de battre l’indice et donc ardu de faire de la gestion active. En revanche, sur des marchés nouveaux, comme l’immobilier, sur le plan international, il est possible de trouver des managers qui sont capables de réaliser de la surperformance.
Trois types d’instruments
« Pour investir dans le secteur immobilier, la banque recourt à trois types d’instruments, ajoute-il. Nous disposons du fonds immobilier global Prifund Alpha Property Securities, d’une sélection de fonds qui sont d’ailleurs les sous-jacents de notre fonds, ainsi que d’ETF, sur le marché européen et américain. » Le fonds Prifund englobe l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie développée, tout en visant, à titre complémentaire, certains marchés émergents à forte croissance et à démographie dynamique. La gamme d’instruments va des fonds d’investissement immobiliers (cotés en Bourse ou non), aux sociétés immobilières (cotées ou non), aux REITs et ETF répliquant un indice immobilier ou un panier de valeurs immobilières. Cette gamme s’étend encore aux hedge funds ou aux fonds de private equity, liés au domaine immobilier.
« Le Private Equity Real Estate, précise Michel Lusa, est limité à un maximum de 10%, la part de hedge funds à 30%, tandis que le reste est attribué au long only avec des managers qui investissent dans des valeurs cotées ainsi que dans de l’immobilier direct. »
Thématiques ciblées
Du côté de Lombard Odier Darier Hentsch, « la quote-part de l’immobilier oscille entre 3 et 5% du portefeuille total, c’est-à-dire 10 à 25% de la partie dite alternative, composée de hedge funds, de fonds de private equity ou d’investissements immobiliers. » Information donnée par Jacques Raemy, responsable du private asset management de cet établissement à Genève qui complète : « Nos investissements sont caractérisés par des thématiques ciblées, telles que le panier Immobilier sur l’Europe de l’Est, le panier REBEL (Real Estate Basket on European Laggards) ou encore le fonds de private equity Doughty Hanson European Real Estate Fund II. »
« Plus précisément, indique Patrick Fournier, responsable des investissements immobiliers de la banque, la stratégie qui sous-tend le panier immobilier sur l’Europe de l’Est – qui est un certificat libellé en euros – repose sur le fait que les taux de rendement immobiliers convergent progressivement dès l’accession d’un pays à l’Union européenne, comme cela a été le cas avec l’Irlande, l’Espagne ou le Portugal. De plus, on constate une forte progression de la taille et de la liquidité des sociétés immobilières en Europe de l’Est. En ce qui concerne le panier REBEL, sa stratégie d’investissement repose, d’une part, sur l’introduction des REITs en Allemagne et en Italie pour cette année encore et, d’autre part, sur les laggards : il existe en effet des différences relativement importantes d’un marché à l’autre, avec quelques régions et/ou titres faisant office de retardateurs. »
Jacques Raemy ajoute pour sa part que « dans le cas du fonds Infrastructure LODH, nous avons récemment établi un partenariat avec Macquarie Bank Group – un des leaders en matière d’investissements et de gestion en infrastructure – principalement destiné à nos clients disposant d’un patrimoine important (HNWIs). Bien que de tels investissements ne puissent pas être considérés comme de l’immobilier au sens strict, ils en partagent suffisamment de caractéristiques pour y être assimilés. Il s’agit, à titre d’illustration, d’infrastructures aéroportuaires, autoroutières, d’équipements électriques ou en eau. »
Nouveaux fonds sur le marché immobilier suisse
Depuis quelques mois, on a pu constater un frémissement sur le marché des fonds immobiliers suisses, après un long sommeil. En effet, outre l’entrée en Bourse du fonds immobilier Dynamic Real Estate Fund (DREF) – centrée sur la Côte vaudoise, suivant son opération de doublement de sa fortune par l’émission de nouvelles parts –, plusieurs nouveaux fonds ont été créés. Chronologiquement, en automne dernier, la Banque Bonhôte & Cie, à Neuchâtel, lançait un fonds de placement immobilier qui investira en propriétés directes dans des immeubles locatifs en Suisse romande, principalement dans les cantons de Neuchâtel et Vaud. Après avoir engrangé pour près de 400 millions de francs de souscriptions, la taille du fonds a dû être limitée à 300 millions de francs. L’intérêt des investisseurs a sans doute été accru en raison de l’avantage fiscal de ce produit : le détenteur de parts est exempté d’impôt sur les revenus distribués et sur la fortune.
Toujours sur le marché suisse, la société Swiss Finance Property Corporation a également lancé, en automne 2006, le fonds immobilier SF Property Securities Fund, dont le portefeuille est composé de fonds immobiliers et de sociétés par actions immobilières. Enfin, en janvier 2007, c’était au tour de la Banque Privée Edmond de Rothschild de lancer, conjointement avec CB Richard Ellis – PI Performance, le fonds Prifund Alpha Property Securities. À la différence des autres fonds, celui-ci est un produit qui est basé sur des investissements à l’échelle mondiale. Comme l’explique Patrick Fournier, de LODH, « les produits qui s’appuient sur le marché suisse ne peuvent se développer en raison du manque d’objets disponibles ».
De son côté, Solvalor Fund Management, société de gestion du fonds immobilier romand Solvalor 61, vient d’annoncer une nouvelle émission de parts pour 104 millions. Une partie de cette somme sera consacrée au financement de projets de construction dont les cinq projets en cours d’évaluation ou de construction seront réalisés selon les normes Minergie. « Nous avons décidé de faire oeuvre de pionnier en matière d’environnement », a déclaré Philippe Truan, directeur de Solvalor. Par ailleurs, preuve de l’intérêt grandissant pour les investissements immobiliers, on apprenait à la fin d’avril que SWX Swiss Exchange et le Centre d’information et de formation immobilières (CIFI) allaient collaborer en matière d’indices immobiliers, dans le but de contribuer notablement à la promotion de la transparence du négoce et au financement de l’immobilier.
Les REITs s’étendent sur les principaux marchés
Un Real Estate Investment Trust (REIT) est un véhicule d’investissement créé aux États-Unis en 1960. Un REIT se caractérise par sa transparence fiscale et surtout par l’exemption fiscale dont il bénéficie, évitant ainsi à ses bénéficiaires la double imposition. En contrepartie, les REITs sont soumis à un certain nombre de contraintes, principalement celle de verser au moins 90% de leurs revenus imposables.
Comme l’explique Yves Bonzon, « le marché des REITs s’est vraiment développé aux États-Unis au début des années 1980. Puis, plus récemment, la tendance de la titrisation des actifs immobiliers s’est transmise au reste du monde. Au Japon en 2001, dans d’autres pays d’Asie à partir de 2003. Pour attirer les investisseurs, le prix de ces actifs a été au départ fixé très bas.
L’intérêt des REITs par rapport aux obligations, c’est la croissance du payout : le coupon d’un REIT va augmenter, sous l’effet de l’inflation et de la hausse des loyers, contrairement à celui d’une obligation à taux fixe. Vous allez aussi profiter de la hausse du sous-jacent, puisque le portefeuille va tendre à se valoriser au fil du temps, avec l’inflation et la croissance économique. À quoi va s’ajouter l’effet de levier inhérent à la structure du REIT, grâce à environ 40% d’endettement, qui améliore le rendement à moyen et à long terme pour l’investisseur. Il s’ensuit qu’un REIT offre une meilleure protection contre l’inflation qu’une obligation. »
Le développement des REITs en Europe a suscité la création du premier indice immobilier sur cet instrument sur le Vieux Continent, qui sera lancé le 4 juin prochain par Euronext et l’IEIF (Institut de l’épargne immobilière et foncière). Ce nouvel indice, baptisé Euronext IEIF REIT Europe, sera composé des sociétés européennes les plus représentatives du régime REIT, sélectionnées sur la base de leur capitalisation boursière et de leur liquidité. L’indice compte 24 valeurs européennes appartenant aux quatre pays qui avaient déjà introduit le régime REIT à la fin de janvier 2007, soit 8 valeurs britanniques, 7 françaises, 7 hollandaises et 2 belges.