Lorsqu’un conseiller financier aborde la prévoyance de son client, il doit considérer les trois piliers, pour en exploiter pleinement les avantages fiscaux, avant de passer à l’étape suivante, comme le rappelait Albert Gallegos, responsable du conseil financier auprès de la Vaudoise Assurances, au salon Investissima en février dernier. En particulier, avant de se précipiter sur un produit de 3e pilier, il s’agit d’évaluer les possibilités de rachat existant au niveau de sa caisse de pension, en cas de lacunes, pour profiter des exonérations fiscales qui leur sont liées.
Qu’en est-il de l’indépendant? Car, on peut le rappeler, l’affiliation de ce dernier à une institution de prévoyance est facultative. Un indépendant, seul ou avec des employés, décidera souverainement de s’affilier ou non à une institution de prévoyance. Ou s’il le désire, il pourra aussi souscrire à un produit du 3e pilier, lié ou libre. Logiquement, l’indépendant pourrait reprendre sans autre la démarche prônée par Albert Gallegos.
Pourtant un certain nombre de personnes qui se sont mises à leur compte privilégient un produit du 3e pilier, en ignorant complètement le 2e pilier. Au-delà des remous actuels autour de la prévoyance professionnelle, une telle démarche est sans doute justifiée dans certains cas. Sans entrer dans des cas individuels, on peut toutefois établir un très bref inventaire des avantages et inconvénients des différentes solutions, de manière non exhaustive.
Auparavant, précisons qu’un indépendant peut s’affilier, d’une part, à l’institution de prévoyance de son association professionnelle ? sous la forme d’une fondation commune; d’autre part, cette personne peut adhérer à la caisse de pension de son personnel, le cas échéant. Pour les cotisations, la base de calcul est le revenu utilisé par la Caisse de compensation de l’AVS, soit le bénéfice net dégagé pendant l’année.
Tout d’abord, mentionnons les avantages fiscaux liés au 2e pilier, soit l’absence d’impôt sur la fortune de l’avoir accumulé dans ce cadre et la déductibilité des cotisations, tandis que les prestations sont imposées de manière avantageuse. En comparaison avec un 3e pilier lié ou libre, tel qu’un assureur vie va lui proposer, «l’indépendant qui s’affilie à un 2e pilier bénéficie au niveau du décès et de l’invalidité d’un tarif inférieur» affirme Jean-Paul Bernard, gérant de la fondation commune CIEPP (Caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle), qui compte 27 000 assurés. Jean-Paul Bernard précise en effet que «les tables actuarielles utilisées par les assureurs sont moins favorables à leurs assurés que celles auxquelles recourent les fondations communes».
Autre avantage perçu par Jean-Paul Bernard, «la solidarité tarifaire entre hommes et femmes, et entre les classes d’âge, contrairement à ce que pratiquent les assureurs vie. Par ailleurs, autre atout du 2e pilier, les rentes sont normalement plus élevées que pour les bénéficiaires d’un 3e pilier. En effet, le taux de conversion utilisé dans le cadre du 2e pilier, par exemple pour la LPP à 7,2%, est trop élevé en regard de l’espérance de vie actuelle. En outre, les changements à venir ne se feront que lentement, toujours en retard par rapport à l’évolution démographique».
Autre élément favorable pour l’indépendant qui arrête son contrat, ajoute Jean-Paul Bernard, «c’est que tout ce qu’il a acquis au niveau de l’épargne lui est rétrocédé, sur lequel il va devoir verser un impôt. Alors qu’avec un produit de 3e pilier lié ou libre, la valeur de rachat sera inférieure: il faudra environ vingt ans pour éviter une réduction».
Mais toute médaille a son revers. Tout d’abord, les rentes issues d’un 2e pilier seront imposées à 100%, tandis que celles qui proviendront du 3e pilier ne le seront qu’à hauteur de 40%. Autre désavantage: toutes les caisses de pension n’accordent pas le choix entre capital et rentes, même si c’est très souvent le cas. D’une manière générale, il est très important de souligner que les institutions de prévoyance jouissent d’une grande liberté pour accorder des prestations allant au-delà des minima légaux. Il faut donc examiner soigneusement leur règlement.
En matière de décès et invalidité, le 2e pilier, poursuit Jean-Paul Bernard, «répond très bien aux besoins de protection familiale classique». Les caisses prévoient ainsi presque toujours des rentes pour veufs (inexistantes dans la loi). Quant à l’invalidité, les critères retenus sont identiques à ceux de l’AI. En revanche, reconnaît Jean-Paul Bernard, «le 3e pilier est plus souple en matière de décès: dans le 3e pilier lié, on mentionne les autres héritiers, tandis que dans le 3e pilier libre, la liste s’élargit au bénéficiaire de son choix. Par ailleurs, vous ne pouvez pas faire d’amortissement indirect par le biais du 2e pilier pour l’acquisition de votre logement, mais seulement en recourant à un 3e pilier lié. En outre, vous ne pouvez obtenir de prêt sur votre 2e pilier, alors que c’est le cas avec le 3e pilier».