Jacques Blatter, gérant du fonds Vontobel SICAV – Belvista Commodity Linked Enhanced Fund, connaît particulièrement bien le domaine des matières premières. Il travaille depuis six ans pour Harcourt – contrôlé majoritairement par Vontobel – dans les départements Natural Resources et Relative Value Equity Hedge Fund, après avoir été pendant deux ans responsable du négoce en compte propre pour l’Industrial Bank of Japan à Londres.

Le Temps : Votre fonds présente la particularité d’être composé d’une allocation passive à des indices à hauteur de 70% et d’une partie activement gérée pour le solde. Quel est l’objectif d’un tel fonds ?

Jacques Blatter: Le but est de surperformer de manière substantielle le benchmark que nous avons créé, composé pour moitié du GSCI et pour moitié du DJ-AIG, qui comptent parmi les principaux distributeurs d’indices sur le pétrole, les métaux et les produits agricoles. Pour parvenir à cet objectif, nous comptons non seulement sur les performances des gérants sélectionnés, qui doivent produire une surperformance par rapport aux indices, mais également sur la partie passive, qui est en fait passive entre guillemets. En effet, nous utilisons non pas des variantes standards des indices, mais des variantes optimisées.

– Pourriez-vous expliquer quel est ce mécanisme ?

– Les indices GSCI et DJ-AIG se composent essentiellement de contrats à terme dotés d’une échéance d’un mois. Pour éviter la livraison physique des produits physiques sous-jacents, les contrats sont prolongés jusqu’au mois suivant leur expiration. Cette prolongation est appelée « roll-over ». En d’autres termes, on vend les contrats juste avant leur échéance pour en racheter pour l’échéance suivante.

Mais cette opération n’est pas sans conséquences, puisque les contrats arrivant à échéance peuvent présenter des différences de prix importantes avec les contrats à racheter. Lorsque le cours du contrat à échéance est plus élevé que celui du contrat à racheter, on réalise un gain. On dit alors que c’est un roll-over positif, qu’on appelle dans le jargon financier « backwardation ».

En revanche, si le cours du contrat racheté est inférieur au contrat vendu, le roll-over est négatif et engendre donc une perte. Dans ce cas, on appelle cette situation « contango ».

On peut cependant agir sur ces opérations, soit pour en améliorer le bénéfice en cas de backwardation, soit pour en réduire la perte, en cas de contango.

Nous allons ainsi nous positionner sur des échéances plus lointaines pour effectuer ces opérations de roll-over, en choisissant les combinaisons les plus avantageuses. Il n’est d’ailleurs pas rare que nous parvenions de cette manière à transformer une situation de contango en backwardation !

– Vous dites que la corrélation de votre fonds avec les marchés des actions est partiellement négative. Qu’entendez-vous par là ?

– Cela veut dire que les matières premières ne sont pas tout à fait corrélées avec les marchés des actions. Avec les fonds indicés, la corrélation est très faible, voire négative. Pour notre fonds, la corrélation vis-à-vis des marchés des actions (MSCI World) varie dans le temps entre –0,4 et +0,6, avec une moyenne de 0,2. Notons que cette corrélation est toujours plus élevée pour des fonds qui investissent en actions de sociétés productrices de matières premières sous l’influence du mouvement général du marché des actions. Ces variations de corrélation s’expliquent par le fait qu’à court terme les marchés des matières premières peuvent avoir des réactions reflétant les inquiétudes des marchés, comme cela a été le cas récemment. Mais, sur le long terme, ce qui détermine les prix, c’est l’offre et la demande.

– Comment voyez-vous les perspectives des matières premières ?

– Nous restons haussiers, malgré les inquiétudes du marché, surtout sur les marchés pétroliers où les stocks sont en diminution alors que la production est en déficit. Nous sommes du même avis pour les produits agricoles, en raison notamment de la consommation d’éthanol et de la consommation en général.