Fondamentalement, la clé d’une bonne gestion obligataire repose sur la capacité à prévoir l’évolution des taux d’intérêt. Car la variation des taux constitue soit une opportunité de gain quand les taux sont orientés à la baisse, soit un risque de perte quand ils tendent à monter. Face à ces deux situations, le gestionnaire doit chercher soit à amplifier ce gain potentiel, soit au contraire à protéger son portefeuille pour réduire la perte au minimum.

Lorsqu’il anticipe la baisse des taux, le gestionnaire va ainsi vouloir augmenter la sensibilité de son portefeuille: il va vendre ses obligations peu sensibles, c’est-à-dire stables – courtes échéances et coupons élevés – pour acheter des obligations volatiles – longues échéances, coupons bas. A l’inverse, lorsqu’il prévoit un relèvement des taux, le gestionnaire va réduire la sensibilité de son portefeuille: il vendra donc des obligations volatiles pour acquérir des titres stables.

Mesurer la sensibilité des obligations

La stratégie telle que décrite ci-dessus paraît très simple à appliquer si l’on est sûr à 100% des mouvements de taux d’intérêt. Mais toute prévision n’est évidemment qu’une probabilité… En conséquence, les décisions en matière de sensibilité de portefeuille qui en découlent peuvent se révéler tout aussi erronées. Avec pour résultat soit un manque à gagner, soit une perte.

Supposons par exemple que vous ayez anticipé une baisse des taux et, donc, modifié votre portefeuille obligataire de manière qu’il ne contienne plus que des obligations volatiles. Mais, contrairement à vos attentes, les taux montent. Dans ce cas, vous aurez amplifié non pas votre gain, mais votre perte! Inversement, si vous immunisez votre portefeuille pour vous protéger d’une hausse des taux et que c’est leur recul qui se produit, vous n’en profiterez pas.

Un gestionnaire va donc plutôt composer un portefeuille en utilisant des titres aux caractéristiques intermédiaires : plutôt volatiles s’il penche pour une baisse des taux, plutôt stables s’il s’attend à une remontée des taux. Concrètement, l’affinement de l’approche ne laisse plus de place à l’intuition. Car comment déterminer si un titre est plutôt volatil ou plutôt stable, selon la combinaison du niveau des coupons et de l’éloignement de l’échéance? La science financière a heureusement développé une méthode de calcul pour échelonner la sensibilité des obligations: la duration.

Utiliser la duration

Pour mesurer la sensibilité des obligations aux variations de taux, la duration va combiner en une formule mathématique complexe tout à la fois l’échéance de l’obligation, son coupon – son montant et sa périodicité -, ainsi que le niveau de rendement du marché. Plus la duration est élevée – qui se mesure en années -, plus l’obligation est volatile.

Mais pourquoi la duration se compte-t-elle en années et que recouvre ce concept? En fait, la duration mesure la durée moyenne d’immobilisation du capital. Par capital, on entend non seulement la somme qui sera versée à l’échéance, mais également les coupons. Ces derniers sont ainsi considérés comme des remboursements partiels du capital investi. Intuitivement, on comprend que plus les coupons sont élevés et plus l’échéance de l’obligation est proche, plus courte est la durée moyenne d’immobilisation du capital. En d’autres termes, la duration est faible. Donc les obligations qu’on appelle stables se caractérisent par leur faible duration. A l’inverse, la duration sera particulièrement élevée pour des titres à coupon faible et de longue échéance, c’est-à-dire pour les obligations qualifiées de volatiles.

Entre les obligations stables et volatiles, les titres connaissent une duration croissante au fur et à mesure de la diminution du coupon et de l’éloignement de l’échéance. En disposant maintenant de cet instrument de mesure qu’est la duration, le gestionnaire devrait donc choisir, en cas d’anticipation de hausse des taux, des titres à duration faible en vendant les valeurs à duration forte.

Mais, comme on l’a dit auparavant, le professionnel va agir de manière plus nuancée. Il va calculer la duration globale de son portefeuille, qui est la moyenne des durations des titres qui le composent. A partir de là, en cas de prévision de hausse, il va vendre tout ce qui a une duration supérieure à la moyenne de son portefeuille et acheter des titres qui ont une duration qui lui est inférieure. Ce qui va d’ailleurs contribuer à faire baisser cette moyenne. Inversement, en cas de baisse attendue, il va augmenter la duration moyenne de son portefeuille.

Guide de l’investisseur, en librairie. https://www.pierrenovello.ch ou http://www.letemps.ch