Le lancement d’une initiative sur la retraite flexible à 62 ans par l’Union syndicale suisse il y a quelques jours est venu alimenter les nombreux débats sur le financement de cette assurance sociale dans les années à venir. Toute personne arrêtant son activité lucrative à cet âge aurait alors droit à une rente complète. Sans entrer dans la polémique, on peut rappeler qu’actuellement l’âge pour recevoir une rente complète est fixé à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes nées en 1942 ou postérieurement.
S’il est vrai qu’aujourd’hui il est déjà possible d’obtenir sa rente AVS par anticipation d’une année, c’est une décision qui pèsera lourd. En effet, pour les hommes, la rente sera réduite de 6,8%, et ce jusqu’au décès de l’assuré. L’anticipation peut être de deux ans, mais au prix d’une réduction de 13,6% (= 2 x 6,8%) du montant de la rente que l’assuré aurait touché à 65 ans. Il est important de souligner que le versement de rentes anticipées ne dispense pas les assurés qui restent en Suisse de continuer à verser leurs cotisations AVS jusqu’à l’âge légal de la retraite!
Pour les femmes, étant donné l’élévation récente de l’âge de la retraite, la pénalité pour l’anticipation est graduelle: celles qui sont nées entre 1942 et 1947 subiraient une amputation de leur rente de 3,4% pour une année d’anticipation et de 6,8% (= 2 x 3,4%) pour l’avancement de deux ans. Mais à partir de 2010, pour les femmes nées à partir de 1948, les réductions seront alignées sur celles des hommes, à hauteur, respectivement, de 6,8% et de 13,6%. A noter que les calculs sont nettement plus compliqués pour les couples mariés. Mais il est inutile de s’en inquiéter puisque c’est de toute façon à la caisse de compensation de se livrer à cet exercice. Sur demande.
Pour ceux qui ne disposent que de l’AVS, la perspective d’arrêter de travailler avant l’âge légal n’apparaît donc guère envisageable financièrement. A l’inverse, certains salariés peuvent partir en retraite à un âge moins avancé, par exemple lorsque leur caisse de pension fixe cet âge à 62 ans, tant pour les hommes que pour les femmes.
Mais comme on le comprend aisément, le décalage entre l’âge de la retraite de l’AVS et celui de la caisse de pensions crée une lacune de prévoyance. En effet, le salarié mis à la retraite à 62 ans par exemple devra attendre trois ans avant de commencer à toucher ses rentes AVS et la salariée, deux ans. Ces retraités pourraient demander à toucher leurs rentes AVS par anticipation de deux ans, mais avec les conséquences que l’on vient de décrire.
Pour combler cette déficience de revenu, les ex-employés peuvent demander à recevoir une rente «pont AVS», pour reprendre le jargon professionnel. Ce complément fourni par la caisse de pension viendrait s’ajouter à la rente déjà versée par le 2e pilier jusqu’au moment où l’AVS prendrait le relais. «Certaines caisses peuvent même accorder ce genre de prestations gratuitement, explique Marc Baijot, actuaire, porte-parole de HPR et auteur du livre Le 2e Pilier sans tabou (2004), mais ce n’est généralement pas le cas.» C’est ainsi que cette rente «pont AVS» va être compensée par une diminution de la rente du 2e pilier versée dès l’âge de la retraite AVS, jusqu’au décès de l’assuré.
Que se passerait-t-il si un employé voulait partir plus tôt encore que les 62 ans fixés par la caisse de pension, par exemple à 59 ans? En supposant que l’institution de prévoyance fonctionne en primauté de cotisations, le taux de conversion serait réduit de 0,2% par année d’anticipation, soit de 0,6% pour trois ans. Comme le taux de conversion s’élève aujourd’hui à 7,15% (à l’âge légal fixé par caisse), celui-ci tomberait donc à 6,55% pour ce retraité. A noter que ceux qui prendront leur retraite d’ici à une dizaine d’années subiront en outre la baisse du taux de conversion, de 7,15% pour l’âge de la retraite standard, qui tombera à 6,8%.
«Schématiquement, explique Marc Baijot, la retraite anticipée peut être financièrement intéressante pour l’assuré si le total des rentes perçues jusqu’à l’espérance de vie est supérieur au total qu’il aurait obtenu en partant à l’âge de la retraite réglementaire.» Si l’on a bon espoir de vivre longtemps et qu’on ne dispose pas d’un 3e pilier bien garni, l’avancement de l’âge de la retraite ne devrait donc pas être précipité. D’autant plus si l’on est marié car, en cas de décès, la rente du conjoint survivant serait d’autant plus réduite que la retraite aurait été anticipée rapidement.