On me pardonnera ce jeu de mot un peu facile, mais j’ai été quelque peu interpellé par l’annonce il y a quelques jours de la demande de création d’un indice prix immobilier fiable et neutre par le Conseil fédéral. On peut évidemment se demander ce que valent alors les alertes lancées de temps à autre par la Banque Nationale Suisse sur le niveau dangereusement élevé des prix de l’immobilier si aucun indice n’est aujourd’hui pertinent ! En fait, la BNS se base sur l’indice de Wüest & Partner, qui semblait faire plus ou moins autorité. Mais justement, comme me le confiaient récemment des professionnels de l’immobilier, si tous les instituts d’analyse s’accordent sur le constat d’une très forte hausse des prix au cours de la dernière décennie, ils divergent sur son ampleur. Par exemple, à Genève, l’augmentation des prix des PPE (propriété par étage) aurait été beaucoup plus forte chez Wüest & Partner que selon les experts du CIFI ou de ceux d’Acanthe.

Pour être juste, il faut reconnaître que le marché immobilier – on devrait plutôt parler des marchés immobiliers avec ses segments distincts et ses différentes régions géographiques – ne se laisse pas facilement mesurer. Par comparaison, les indices de marchés mobiliers sont infiniment plus aisés à établir puisqu’en principe des échanges ont lieu en permanence produisant à chaque fois un prix, pour des titres identiques en tout point. Ces éléments peuvent ensuite être combinés pour produire des moyennes selon des méthodes plus ou moins sophistiquées, incluant ou non le réinvestissement des dividendes, s’il s’agit d’actions par exemple. Avec le marché immobilier, rien de tel. Les transactions sont forcément beaucoup plus rares. En outre, comme le relève Martin Hoesli, dans son ouvrage de référence Investissement immobilier, le problème est aggravé par le « très grand degré d’hétérogénéité »˚ des biens immobiliers. En d’autres termes, on risque bien de comparer des pommes avec des poires.

Sans entrer dans les méandres des différentes méthodes qui sont utilisées par les promoteurs d’indices actuels, on se réjouit de découvrir celui qui sortira des mains – ou plutôt du cerveau – des experts mandatés dans ce but. Mais pas tout de suite, puisqu’il faudra patienter cinq ans pour l’établir. Ce qui, comme le remarque avec humour mon confrère Mohammad Farrokh, dans l’hebdomadaire gratuit Tout L’immobilier, « s’il faut attendre 2017 pour pouvoir constater officiellement l’existence d’une éventuelle bulle immobilière, elle risque bien d’avoir éclaté d’ici là ».