La transmission de leur patrimoine à leur partenaire par les membres d’un couple non marié est complexe et souvent peu favorable au survivant. Des solutions existent cependant afin de réduire le poids des parts réservées aux héritiers légaux ou celui de l’impôt successoral
Autrefois, le concubinage était non seulement mal vu, mais les couples non mariés se retrouvaient sans protection mutuelle en cas de décès. La situation a évolué. Ainsi, la LPP [ndlr: loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, la vieillesse et l’invalidité] donne-t-elle aujourd’hui la possibilité aux caisses de pension d’inclure les concubins dans la liste des survivants ayant droit à des prestations. Mais cela sous réserve que la personne ait formé avec le ou la défunt(e) une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès, ou qu’elle doive subvenir à l’entretien d’un ou plusieurs enfants communs.
De même, le ou la concubin(e) peut également figurer comme bénéficiaire d’un produit de troisième pilier lié souscrit par son ou sa partenaire, aux mêmes conditions que pour le deuxième pilier. Dans les deux cas, il ou elle sera imposé(e) sur le revenu, à un taux réduit, dépendant du canton.
Jusque-là, on ne note aucune différence avec la situation des couples mariés. Les choses se gâtent en cas d’héritage. Car si loi accorde la moitié de la liquidation du régime matrimonial (participation aux acquêts) au conjoint survivant – puis encore la moitié sur la succession s’il est en concours avec ses enfants – la situation est beaucoup moins favorable pour le ou la concubin(e) survivant(e). Tout d’abord parce qu’il n’y a évidemment pas de dissolution de mariage; le partage se faisant donc sur l’ensemble des biens de la personne décédée. Ensuite, en raison des parts réservataires (minimales) allouées aux héritiers légaux et des impôts successoraux.
Prenons l’exemple d’un homme divorcé et père de deux enfants, qui désire transmettre une grande partie de sa fortune à sa compagne. N’étant pas une héritière légale, elle doit figurer dans son testament. Le père reste cependant fortement limité par le droit des successions, qui accorde une part réservataire – une part minimale – de 75% de l’héritage à ses enfants. Il ne peut donc léguer au maximum qu’un quart de ses biens à sa concubine.
Les choses ne s’arrêtent pas là. Car si les conjoints sont généralement exonérés de tout impôt sur la succession de leur partenaire, il en va très différemment pour les concubins. Aux yeux du fisc, le survivant est considéré comme complètement étranger à la famille du défunt. La part d’héritage que cette personne va recevoir sera donc taxée en conséquence. Par exemple, à Genève, qui détient la palme en la matière, ce taux dépasse les 50%. Dans notre exemple, la concubine ne toucherait donc au final qu’un peu plus de 10% de l’héritage.
On comprend que la position du ou de la concubin(e) dépend fortement de la relation qu’il ou elle a pu entretenir avec les enfants de son partenaire. Toutefois, même en cas de conflits, il est possible d’influer notablement sur le partage effectif, ainsi que sur le poids de la fiscalité successorale.
Ainsi, pour des concubins qui ne remplissent pas les conditions fixées pour recourir au troisième pilier lié, ou qui voudraient aller au-delà du plafond actuel – 6566 francs par an pour un salarié, 32?832 francs pour un indépendant non affilié à une caisse de pensions – l’assurance vie constitue un bon outil. Mais pas n’importe laquelle. Supposons que notre homme souscrive une assurance vie mixte en faveur de sa concubine, dans le cadre du troisième pilier libre. En cas de décès, la valeur de rachat de ce produit va tomber dans la masse successorale pour déterminer les parts réservataires des héritiers légaux. Et si cette valeur empiète sur ces droits, la concubine devra en verser la différence aux héritiers légaux. Ensuite, la somme qu’il lui restera sera encore soumise à l’impôt sur les successions.
On peut heureusement – et tout à fait légalement – s’affranchir de ces contraintes, comme l’explique Albert Gallegos, responsable du conseil patrimonial de la Banque Cantonale de Genève. Selon ce dernier, «il est recommandé à la compagne de souscrire une assurance vie mixte sur la tête de son concubin fortuné, dont ce dernier paiera les primes». De cette manière, «s’il décède avant l’échéance du contrat, elle percevra la totalité du capital garanti, sans subir de ponction fiscale». Ni sur la succession, «puisqu’il n’y a pas transmission de patrimoine»; ni sur le revenu, «puisqu’il s’agit d’une assurance vie mixte, à primes périodiques, exonérée dans le troisième pilier libre». Cette solution a ses limites. Comme l’indique Albert Gallegos, «ces donations – le paiement annuel des primes – sont soumises à impôt dès qu’elles dépassent un certain seuil». Pour les personnes qui ne sont ni conjoint ni descendant, «le plafond est de 10?000 francs dans le canton de Vaud ou de 5000 francs à Genève».
Une autre alternative pour les concubins reste d’utiliser les assurances vie risque pur dans le cadre du troisième pilier libre. L’avantage? Ce type n’a pas de composante épargne et n’a donc pas de valeur de rachat. Aucune prétention de la part des héritiers légaux ne pourra ainsi réduire le montant reçu en cas de décès de l’assuré. De même, sans valeur de rachat, il n’y a pas de transmission de patrimoine, et donc pas d’impôt de succession. Mais le fisc n’est pas généreux à ce point! Et il faut tout de même compter avec un impôt sur le revenu, identique à celui qui est prélevé dans le cadre du troisième pilier lié. Son taux reste cependant réduit par rapport à l’impôt normal et il s’avère en général beaucoup moins lourd que l’impôt successoral.
Enfin, pour les concubins plus fortunés, «l’acquisition d’un bien immobilier, pour le rendement, dans un canton qui n’est soumis à aucun droit de succession, comme c’est le cas à Schwyz, constitue une solution idéale», ajoute Albert Gallegos. En effet, si les biens mobiliers sont imposés au lieu de domicile, les biens immobiliers le sont à leur emplacement.