Est-ce le bon moment, pour ceux qui ont des lacunes dans leur caisse de pension, de procéder à des rachats? Réponse très nuancée

Alors que les marchés financiers sont encore loin d’avoir comblé leurs pertes de 2008, on peut se poser la question de l’intérêt de racheter des années dans sa caisse de pension pour profiter des déductions fiscales autorisées. En fait, la réponse est souvent positive, mais selon un timing différencié. C’est ainsi qu’il faut examiner, d’une part, le type d’institution de prévoyance à laquelle on est affilié, ainsi que son état de santé et, d’autre part, sa situation et son profil de risque personnels.

Primauté de prestations ou de cotisations

Si l’on considère tout d’abord sa caisse de pension, on doit établir s’il s’agit d’une institution de prévoyance en primauté de prestations (rente fixée par un taux de pourcentage du dernier salaire) ou en primauté de cotisations (rente calculée sur la base des cotisations et par le rendement des capitaux). Car, comme l’explique Albert Gallegos, responsable du Département conseil patrimonial et prévoyance de la Banque Cantonale de Genève, «les lacunes de cotisations dans les caisses à primauté de prestations deviennent de plus en plus coûteuses au fil du temps, contrairement à celles des caisses en primauté de cotisations.» Les assurés dans les caisses à primauté de prestations ont donc avantage à combler leurs lacunes rapidement. Tout en tenant cependant compte de l’effet progressif de l’impôt, en étalant ces rachats sur quelques exercices.

Le raisonnement va quelque peu se compliquer si la caisse de pension se retrouve par exemple avec une très forte sous-couverture et des réserves de fluctuations de valeurs très en deçà de l’objectif fixé par son règlement. L’avantage du rachat sur le court terme pour les caisses à primauté de prestations risque bien d’être annihilé par les coûts liés à des mesures d’assainissement qui pourraient être appliquées dans les années suivant le rachat.

Attendre l’assainissement

Dans ce cas, la situation de l’assuré d’une institution de prévoyance en primauté de cotisations est nettement plus facile à gérer, puisque le temps qui passe n’a aucun effet sur des lacunes de cotisations. Par exemple, en cas de besoin de reconstitution de réserves de fluctuations de valeurs, qui se traduirait par le versement du taux minimal sur la part obligatoire et peut-être nul sur la partie surobligatoire, l’assuré aurait avantage à attendre. Il pourrait alors investir les fonds éventuellement disponibles dans un produit de 3e pilier lié à titre temporaire, tout en profitant de ses avantages fiscaux. Et lorsque les mesures d’assainissement auraient déployé leurs effets, il pourrait virer les fonds issus du 3e pilier en faveur de sa caisse de pension, comme la loi l’y autorise.

On peut même aller plus loin, en repoussant le plus tard possible les rachats éventuels, surtout si la caisse de pension n’assure que des rendements très faibles. Si l’assuré est capable de dégager de meilleurs rendements nets via des produits financiers, il pourra profiter des déductions fiscales en procédant aux rachats quelques années avant la retraite. Mais attention : il faut impérativement effectuer ces rachats au moins trois ans avant cette échéance, sinon ces fonds seront définitivement bloqués et ne pourront plus être retirés sous forme de capital.

On rappellera d’ailleurs que les institutions de prévoyance ne sont obligées de verser qu’un quart du capital, le reste étant versé sous forme de rentes. Les assurés aux caisses les plus restrictives à cet égard peuvent privilégier un produit de 3e pilier en choisissant des conditions plus conformes à leur profil, par exemple en cas de concubinage.

Affiliation volontaire au 2e pilier

Mais, à l’inverse, un indépendant exerçant une profession libérale, avec un revenu confortable, et qui disposerait uniquement d’un 3e pilier lié, aurait avantage à s’affilier à une caisse de pension. Ainsi, explique encore Albert Gallegos, «prenons le cas d’un médecin dégageant un revenu imposable de 500’000 francs. Il n’est assuré que dans le cadre d’un 3e pilier lié, lui permettant une cotisation déductible maximale de 32’832 francs par an. En s’affiliant à une caisse de pension, il peut cotiser à hauteur de 60’000 francs pour un salaire assuré de 300’000 francs. Sans compter la possibilité de procéder à des rachats ultérieurs pour un montant assuré d’environ 800’000 francs».

Le médecin est alors est gagnant sur tous les tableaux, puisqu’outre les gains fiscaux, il améliore sa couverture en cas d’invalidité.