L’âge de la retraite approchant, de nombreux propriétaires de logement se demandent s’il ne serait pas sage de réduire au minimum leur dette hypothécaire, voire de l’éliminer. A priori, une telle attitude paraît irrationnelle étant donné l’existence de la valeur locative, qui vient s’ajouter au revenu imposable. Le principe de base en matière de planification financière, comme le rappelle Albert Gallegos, chef du conseil patrimonial au sein de la BCGE, est «d’au moins neutraliser cette charge sur le plan fiscal, en profitant de la déduction autorisée des intérêts de la dette hypothécaire».
Ainsi, en réduisant la dette, on diminue d’autant les intérêts passifs et on augmente donc son revenu imposable. Mais on ne peut pas s’arrêter à ce stade de la réflexion, car l’idée n’est pas de payer moins d’impôt, mais bien d’améliorer sa situation patrimoniale globale, compte tenu de ses objectifs et besoins. Il faut donc considérer, d’une part, le coût des intérêts passifs et les économies fiscales qui lui sont liées et, d’autre part, le rendement des placements qui auraient pu être utilisés pour procéder à l’amortissement.
Taux marginal
Pour illustrer notre propos, prenons le cas d’un couple de contribuables au revenu élevé, dont le taux marginal d’imposition serait de 40%. On rappellera que cette valeur est le taux de la dernière tranche de revenu imposée. Elle est la plus élevée puisque les impôts sont progressifs. Si l’on prend un taux hypothécaire de 3%, l’économie fiscale due à la déduction des intérêts est de 1,2% (= 3% x 40%). Au total, le taux d’intérêt net tombe à 1,8% (= 3% – 1,2%). En fonction de leur profil d’investisseur, ce couple ne devrait pas avoir de difficultés à trouver un rendement net plus élevé (en particulier sur le marché des actions, dont les gains en capital sont nets d’impôt) pour ne pas rembourser l’hypothèque.
Mais il serait erroné d’en tirer un principe général. Tout d’abord parce que les taux hypothécaires sont historiquement très bas et qu’il faut donc s’attendre à ce qu’ils remontent au cours de ces prochaines années. Ensuite, parce que le résultat de ce type de calcul va dépendre du taux marginal. Si ce taux n’est que de 20%, l’économie fiscale est réduite de moitié.
Par ailleurs, il faut faire entrer le facteur consommation de capital dans l’équation. Car, en général, la fortune accumulée doit servir à compléter les rentes AVS et celles du 2e pilier – si elles existent – souvent insuffisantes pour couvrir les besoins après l’âge de la retraite. Ce qui signifie qu’il faut régulièrement ponctionner son capital pour faire l’appoint. Pour le faire de manière efficace, ces fonds ne devront donc pas être placés à 100% en actions.
Impossible à prévoir a priori
C’est la logique que suit par exemple la BCV. Si la situation du client s’y prête, la banque peut conseiller des plans où le client retire tous les cinq ans une portion du portefeuille titres pour placer ces fonds sous des formes plus liquides, prêtes à la consommation, pour couvrir les besoins correspondant à cette période. Le rendement ainsi dégagé sur cette part de la fortune sécurisée va se révéler forcément très faible. Cet élément va accroître la complexité des calculs à effectuer. «Il est ainsi impossible de savoir a priori, comme l’explique Francis Bouvier, en charge de la planification financière auprès de la BCV, si l’amortissement complet de la dette hypothécaire à la retraite s’avérera plus avantageux en termes d’évolution de la fortune globale que le maintien de la dette.»
Il est très important de souligner que le résultat financier doit être également analysé en prenant en compte le risque de longévité. Car le remboursement intégral de l’hypothèque va réduire la fortune mobilière et les revenus qui pourront en être tirés. Si les retraités atteignent un grand âge en ayant consommé entièrement leur capital, ils pourraient, théoriquement, contracter une nouvelle hypothèque sur leur bien immobilier. Mais les prêteurs pourraient se montrer alors très réticents à l’accorder si la capacité à faire face aux charges n’est pas avérée, à cause de revenus fixes (LPP, AVS) trop faibles par exemple, comme nous le confirment les deux banquiers interrogés. La seule solution qui leur resterait serait alors de vendre, purement et simplement, avec toutes les conséquences que cela impliquerait à cet âge.